1 Introduction et énoncé des principaux résultats

1.1 .

Soit \(\mathrm{F}\) un corps localement compact non archimédien de caractéristique résiduelle p, soit \(\mathrm{H}\) le groupe linéaire général \(\mathrm{GL}_n(\mathrm{F})\), \(n\geqslant 1\), et soit \(\mathrm{G}\) une forme intérieure de \(\mathrm{H}\) sur \(\mathrm{F}\). Celle-ci est un groupe de la forme \(\mathrm{GL}_m(\mathrm{D})\), où m est un diviseur de n et \(\mathrm{D}\) une algèbre à division de centre \(\mathrm{F}\), de degré réduit noté d, tels que \(md=n\). Notons \(\mathcal {D}(\mathrm{G},\mathbf {C})\) l’ensemble des classes d’isomorphisme de représentations lisses complexes irréductibles, essentiellement de carré intégrable, de \(\mathrm{G}\). La correspondance de Jacquet–Langlands locale [2, 12, 17, 24] est une bijection :

$$\begin{aligned} \varvec{\pi } : \mathcal {D}(\mathrm{G},\mathbf {C})\rightarrow \mathcal {D}(\mathrm{H},\mathbf {C}) \end{aligned}$$

caractérisée par une identité de caractères sur les classes de conjugaison elliptiques régulières. Elle relie, dans l’esprit du programme de Langlands, la théorie des représentations lisses complexes de \(\mathrm{G}\) à celle de \(\mathrm{H}\).

1.2 .

Si l’on fixe un nombre premier \(\ell \) différent de p et que l’on passe aux représentations \(\ell \)-adiques, en fixant un isomorphisme de corps entre \(\mathbf {C}\) et une clôture algébrique \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\) du corps des nombres \(\ell \)-adiques, on obtient une bijection :

$$\begin{aligned} \widetilde{\varvec{\pi }}_\ell : \mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\rightarrow \mathcal {D}(\mathrm{H},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \end{aligned}$$
(1.1)

indépendante de cet isomorphisme, \(\mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) étant obtenu à partir de \(\mathcal {D}(\mathrm{G},\mathbf {C})\) par extension des scalaires de \(\mathbf {C}\) à \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\). On a alors une notion de représentation \(\ell \)-adique entière, qu’on peut réduire mod \(\ell \), et l’on peut étudier la compatibilité de \(\widetilde{\varvec{\pi }}_\ell \) vis-à-vis de la réduction modulo \(\ell \). L’analogue de ce problème pour la correspondance de Langlands locale a été étudié par Vignéras [28], puis Dat [10] et Bushnell–Henniart [8].

Une représentation de \(\mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) étant entière si et seulement si son caractère central l’est, et la bijection \(\widetilde{\varvec{\pi }}_\ell \) préservant le caractère central, elle préserve aussi le fait d’être une représentation entière. Disons que deux représentations \(\ell \)-adiques irréductibles entières de \(\mathrm{G}\) sont congruentes mod \(\ell \) si leurs réductions modulo \(\ell \) sont identiques dans le groupe de Grothendieck \(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) des représentations \(\ell \)-adiques de longueur finie de \(\mathrm{G}\). Enonçons le premier des résultats principaux cet article.

Théorème 1.1

Deux représentations entières de \(\mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) sont congruentes modulo \(\ell \) si et seulement si leurs images par \(\widetilde{\varvec{\pi }}_\ell \) le sont.

La preuve du Théorème 1.1 est en partie inspirée de [11], qui traite le cas particulier où \(\mathrm{G}\) est une forme intérieure compacte modulo le centre, et ne considère que les représentations entières de \(\mathrm{G}\) dont la réduction modulo \(\ell \) est irréductible. Pour traiter le cas général, des modifications substantielles doivent être apportées. Expliquons tout ceci en détail.

1.3 .

Soit \(\mathrm{A}\) le groupe multiplicatif d’une \(\mathrm{F}\)-algèbre à division centrale de degré réduit égal à n. Dat a construit dans [11] une bijection entre classes de représentations irréductibles \(\ell \)-modulaires — c’est-à-dire à coefficients dans une clôture algébrique \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\) d’un corps fini de caractéristique \(\ell \) — de \(\mathrm{A}\) et classes de certaines représentations irréductibles \(\ell \)-modulaires de \(\mathrm{H}\), baptisées “super-Speh”. Elle est compatible, en un certain sens, à la correspondance de Jacquet–Langlands \(\ell \)-adique (1.1) ci-dessus pour \(\mathrm{G}\) égal à \(\mathrm{A}\).

Plutôt que d’étudier directement la série discrète \(\ell \)-adique, qui se réduit mal modulo \(\ell \), Dat étudie son image par l’involution de Zelevinski, c’est-à-dire l’ensemble des classes de représentations de Speh \(\ell \)-adiques de \(\mathrm{H}\). De telles représentations sont dites \(\ell \)-super-Speh lorsqu’elles sont entières, et lorsque leur réduction modulo \(\ell \) est irréductible avec un support cuspidal supercuspidal. La construction de la correspondance de Jacquet–Langlands locale modulo \(\ell \) de [11] repose sur le fait crucial que la correspondance (1.1) fait se correspondre bijectivement représentations \(\ell \)-adiques entières de \(\mathrm{A}\) dont la réduction modulo \(\ell \) est irréductible, et représentations \(\ell \)-super-Speh de \(\mathrm{H}\).

Pour prouver ce fait, Dat utilise un critère numérique de \(\ell \)-supercuspidalité établi par Vignéras pour construire une correspondance de Langlands locale modulo \(\ell \) [28]. La réduction modulo \(\ell \) d’une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique entière \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) de \(\mathrm{H}\) est toujours irréductible et cuspidale, mais elle n’est pas toujours supercuspidale ; plus précisément, elle est supercuspidale si et seulement si le nombre de représentations cuspidales \(\ell \)-adiques entières de \(\mathrm{H}\) qui sont (strictement) congrues à \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est “le plus grand possible” [28, Proposition 2.3]. Il y a aussi une variante de ce critère numérique pour \(\mathrm{A}\) [11, Proposition 2.3.2].

1.4 .

Si l’on veut construire une correspondance de Jacquet–Langlands locale mod \(\ell \) générale, il est naturel de commencer par étendre à \(\mathrm{G}\) le critère numérique de \(\ell \)-supercuspidalité. C’est ce que nous faisons dans la Sect. 4, en le présentant sous une forme légèrement différente. Soit \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique entière de \(\mathrm{G}\). D’après [21, Théorème 3.15], il y a une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-modulaire \(\rho \) de \(\mathrm{G}\) et un unique entier \(a=a({\widetilde{\rho }}^{}{})\geqslant 1\) tels que la réduction modulo \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) soit égale à :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\rho }}^{}{})=\rho +\rho \nu +\dots +\rho \nu ^{a-1} \end{aligned}$$
(1.2)

dans le groupe de Grothendieck \(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) des représentations \(\ell \)-modulaires de longueur finie de \(\mathrm{G}\), où \(\nu \) désigne le caractère valeur absolue de la norme réduite. La représentation \(\rho \) n’est pas unique en général, mais sa classe inertielle \([\mathrm{G},\rho ]\) ne dépend que de la classe inertielle \([\mathrm{G},{\widetilde{\rho }}^{}{}]\) de \({\widetilde{\rho }}^{}{}\). Quand \(\mathrm{G}\) est déployé, l’entier \(a({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est toujours égal à 1, c’est-à-dire que la réduction modulo \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est toujours irréductible.

Définition 1.2

On dit que \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est \(\ell \)-supercuspidale si \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est irréductible et supercuspidale.

Etant donnée une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) de \(\mathrm{G}\), on note :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ([\mathrm{G},{\widetilde{\rho }}^{}{}]) \end{aligned}$$

l’ensemble des réductions modulo \(\ell \) des représentations entières inertiellement équivalentes à \({\widetilde{\rho }}^{}{}\), et on appelle cet ensemble la réduction modulo \(\ell \) de \([\mathrm{G},{\widetilde{\rho }}^{}{}]\). On note \(n({\widetilde{\rho }}^{}{})\) le nombre de caractères \(\ell \)-adiques non ramifiés \(\widetilde{\chi }\) de \(\mathrm{G}\) tels que \({\widetilde{\rho }}^{}{}\widetilde{\chi }\) est isomorphe à \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) et \(c({\widetilde{\rho }}^{}{})\) la plus grande puissance de \(\ell \) divisant \(q^{n({\widetilde{\rho }}^{}{})}-1\). Le résultat suivant généralise [28] et [11].

Proposition 1.3

Soit \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique entière de \(\mathrm{G}\).

  1. (1)

    L’ensemble des classes inertielles de représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-adiques entières de \(\mathrm{G}\) congrues à \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est fini, de cardinal noté \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})\).

  2. (2)

    On a :

    $$\begin{aligned} t({\widetilde{\rho }}^{}{})\leqslant c({\widetilde{\rho }}^{}{}) \end{aligned}$$

    avec égalité si et seulement si \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est \(\ell \)-supercuspidale.

1.5 .

Intéressons-nous maintenant au cas où \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) n’est pas \(\ell \)-supercuspidale ; en étudiant plus finement la façon dont les entiers \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})\) et \(c({\widetilde{\rho }}^{}{})\) diffèrent, il est raisonnable de penser qu’on pourra en déduire des informations sur la structure de \({\widetilde{\rho }}^{}{}\). D’après la classification des représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-modulaires de \(\mathrm{G}\) en fonction des supercuspidales [20, Théorème 6.14], il existe un unique entier naturel :

$$\begin{aligned} k(\rho ) \geqslant 1 \end{aligned}$$

tel que \(\rho \) apparaisse comme sous-quotient de l’induite parabolique d’une représentation irréductible supercuspidale du sous-groupe de Levi standard \(\mathrm{GL}_{r}(\mathrm{D})\times \dots \times \mathrm{GL}_{r}(\mathrm{D})\) avec \(rk(\rho )=m\). (Autrement dit, \(k(\rho )\) est le nombre de termes du support supercuspidal de \(\rho \).) En particulier, \(\rho \) est supercuspidale si et seulement si \(k(\rho )=1\). Posons :

$$\begin{aligned} w({\widetilde{\rho }}^{}{}) = k(\rho ) a({\widetilde{\rho }}^{}{}). \end{aligned}$$

Ainsi \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est \(\ell \)-supercuspidale si et seulement si \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})=1\). Le résultat suivant montre qu’on peut déterminer la valeur de \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})\) en comparant \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})\) et \(c({\widetilde{\rho }}^{}{})\).

Proposition 1.4

Soit \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale entière et non \(\ell \)-supercuspidale de \(\mathrm{G}\). Alors :

$$\begin{aligned} t({\widetilde{\rho }}^{}{}) w({\widetilde{\rho }}^{}{}) = \left\{ \begin{array}{ll} c({\widetilde{\rho }}^{}{})-1 &{}\quad \text {si }t({\widetilde{\rho }}^{}{})\text { est premier }\grave{\text {a}}\, \ell , \\ c({\widetilde{\rho }}^{}{})(\ell -1)\ell ^{-1} &{}\quad \text {sinon.} \end{array} \right. \end{aligned}$$

1.6 .

Changeons maintenant de point de vue. Quand \(\mathrm{G}\) est déployé, Vignéras a montré [27] qu’une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-modulaire \(\rho \) de \(\mathrm{G}\) se relève toujours en une représentation \(\ell \)-adique de \(\mathrm{G}\), c’est-à-dire qu’il existe une représentation \(\ell \)-adique entière de \(\mathrm{G}\) dont la réduction modulo \(\ell \) est isomorphe à \(\rho \). Si maintenant \(\mathrm{G}\) n’est pas déployé, toute représentation irréductible supercuspidale \(\ell \)-modulaire de \(\mathrm{G}\) se relève à \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\) (voir [20, 21]) mais il existe des représentations cuspidales qui ne se relèvent pas. Etant donnée une représentation cuspidale non supercuspidale \(\ell \)-modulaire \(\rho \) de \(\mathrm{G}\), il est naturel de demander à quelle condition elle admet un relèvement.

Pour répondre à cette question, nous avons besoin de l’invariant :

$$\begin{aligned} s(\rho ) \geqslant 1 \end{aligned}$$

introduit dans [21], dont la définition repose sur la construction des représentations irréductibles cuspidales de \(\mathrm{G}\) par la théorie des types de Bushnell–Kutzko (voir le Paragraphe 3.1). C’est un diviseur de d ; en particulier il est toujours égal à 1 quand \(\mathrm{G}\) est déployé. Cet invariant est relié à un autre invariant, le degré paramétrique \(\delta (\rho )\) introduit dans [7], par l’identité \(\delta (\rho )s(\rho )=md\).

Proposition 1.5

Soit \(\rho \) une \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-représentation irréductible cuspidale non supercuspidale de \(\mathrm{G}\). Pour que \(\rho \) se relève à \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\), il faut et il suffit que les entiers \(s(\rho )\) et \(k(\rho )\) soient premiers entre eux et que la représentation tordue \(\rho \nu \) soit isomorphe à \(\rho \).

Quand \(\mathrm{G}\) est déployé, on a toujours \(s(\rho )=1\) et une représentation irréductible cuspidale non supercuspidale \(\rho \) est toujours isomorphe à sa tordue \(\rho \nu \). La condition de la Proposition 1.5 est donc toujours vérifiée ; on retrouve ainsi le résultat de relèvement de Vignéras.

Plus généralement, on peut déterminer les valeurs possibles de \(a({\widetilde{\rho }}^{}{})\) lorsque \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) décrit les représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-adiques entières de \(\mathrm{G}\) dont la réduction modulo \(\ell \) contient \(\rho \). La proposition suivante répond à cette question et complète ainsi la Proposition 1.5. Notons v la valuation \(\ell \)-adique sur \(\mathbf {Z}\) (normalisée par \(v(\ell )=1\)) et notons \(\varepsilon (\rho )\) l’ordre de \(q^{n(\rho )}\) dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \), c’est-à-dire le plus petit entier \(k\geqslant 1\) tel que \(\rho \nu ^k\) soit isomorphe à \(\rho \) (voir le Lemme 3.6).

Proposition 1.6

Soit \(\rho \) une \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-représentation irréductible cuspidale de \(\mathrm{G}\) et soit un entier \(a>1\). Pour qu’il existe une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale entière \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) dont la réduction modulo \(\ell \) contienne \(\rho \) et soit de longueur a, il faut et il suffit que :

  1. (1)

    il existe un entier \(u\in \{0,\dots ,v(s(\rho ))\}\) tel que \(a=\varepsilon (\rho )\ell ^u\) ;

  2. (2)

    les entiers \(s(\rho )a^{-1}\) et \(k(\rho )\) soient premiers entre eux.

1.7 .

Nous utilisons ensuite la Proposition 1.6 pour obtenir une formule de comptage de classes inertielles de représentations cuspidales \(\ell \)-modulaires, dans l’esprit de [6]. Contrairement à Bushnell et Henniart, qui obtiennent leur formule en s’appuyant sur la correspondance de Jacquet–Langlands locale et sur l’existence préalable d’une telle formule dans le cas du groupe multiplicatif d’une algèbre à division, nous établissons la nôtre par un calcul direct, en termes de \(\mathrm{F}\)-endoclasses de caractères simples [5].

Fixons un entier w divisant n et un nombre rationnel \(j\geqslant 0\), et notons \(\mathscr {A}_\ell (\mathrm{D},w,j)\) l’ensemble des réductions mod \(\ell \) de classes inertielles de représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-adiques \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) telles que :

  1. (1)

    il existe un entier \(u\geqslant 1\) divisant m tel que \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) soit une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique de \(\mathrm{GL}_{u}(\mathrm{D})\) ;

  2. (2)

    on a \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})=w\) et le niveau normalisé de \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est inférieur ou égal à j.

C’est un ensemble fini, de cardinal noté \(\varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},w,j)\). Fixons par ailleurs une clôture algébrique \(\overline{\varvec{k}}\) du corps résiduel de \(\mathrm{F}\), notons q le cardinal du corps résiduel de \(\mathrm{F}\) et \(\varvec{y}_{\ell }^{1}(q,n,w)\) le nombre de \(y\in \overline{\varvec{k}}{}^\times \) tels que :

  1. (1)

    l’ordre de y est premier à \(\ell \) ;

  2. (2)

    le degré de y sur le corps résiduel de \(\mathrm{F}\), noté \(\deg (y)\), divise \(nw^{-1}\) ;

  3. (3)

    l’ordre de \(q^{\deg (y)}\) dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \) est égal au plus grand diviseur de w premier à \(\ell \).

On a la formule suivante ; pour la notion d’endo-classe, on renvoie au Paragraphe 7.1 et à [5].

Proposition 1.7

On a :

$$\begin{aligned} \varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},w,j) = \sum \limits _{\varvec{\Theta }}\ \varvec{y}_{\ell }^{1}(q(\varvec{\Theta }),n(\varvec{\Theta }),w), \end{aligned}$$
(1.3)

la somme portant sur les \(\mathrm{F}\)-endoclasses \(\varvec{\Theta }\) de niveau normalisé inférieur ou égal à j et de degré \(\deg (\varvec{\Theta })\) divisant \(nw^{-1}\), et où :

$$\begin{aligned} n(\varvec{\Theta })=\frac{n}{\deg (\varvec{\Theta })}, \quad q(\varvec{\Theta })=q^{f(\varvec{\Theta })}, \end{aligned}$$

l’entier \(f(\varvec{\Theta })\) désignant le degré résiduel de \(\varvec{\Theta }\).

Cette somme ne dépendant que de \(\ell \), n, w, j et q, on en déduit le corollaire suivant.

Corollaire 1.8

On a \(\varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},w,j)=\varvec{a}_{\ell }(\mathrm{F},w,j)\).

1.8 .

Revenons à la correspondance (1.1). Comme dans [11], nous allons passer au dual de Zelevinski et nous allons avoir besoin d’une version des Propositions 1.3 et 1.4 pour les représentations de Speh \(\ell \)-adiques de \(\mathrm{G}\). Décrivons plus en détail la structure de ces représentations. Etant donnée une représentation de Speh \(\ell \)-adique entière \({\widetilde{\pi }}^{}{}\), il existe un unique diviseur r de m et une unique représentation irréductible cuspidale \({\widetilde{\rho }}\) de \(\mathrm{GL}_{mr^{-1}}(\mathrm{D})\) tels que \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) soit l’unique sous-représentation irréductible, notée \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},r)\), de l’induite parabolique normalisée :

$$\begin{aligned} {\widetilde{\rho }}\times {\widetilde{\rho }}\nu _{{\widetilde{\rho }}}^{}\times \dots \times {\widetilde{\rho }}\nu _{{\widetilde{\rho }}}^{r-1} \end{aligned}$$
(1.4)

\(\nu _{{\widetilde{\rho }}}\) est un caractère non ramifié associé à \({\widetilde{\rho }}\) (voir la Sect. 3.1). On pose alors \(w({\widetilde{\pi }}^{}{}) = w({\widetilde{\rho }})\).

Définition 1.9

On dit que \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est \(\ell \)-super-Speh si \(w({\widetilde{\pi }}^{}{})=1\).

Dans le cas déployé, c’est-à-dire quand \(d=1\), l’entier \(a({\widetilde{\rho }})\) vaut toujours 1, c’est-à-dire que la réduction mod \(\ell \) d’une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique de \(\mathrm{H}\) est toujours irréductible. A l’autre extrême, si \(m=1\), l’entier \(k(\rho )\) vaut toujours 1. Pris séparément, ces entiers ne peuvent donc pas être invariants par la correspondance (1.1). Nous allons voir qu’en revanche leur produit \(w({\widetilde{\pi }}^{}{})\) l’est. Il joue un rôle important dans la preuve du Théorème 1.1. Tout d’abord, nous prouvons la formule suivante, qui généralise la formule (1.2).

Proposition 1.10

Soit \({\widetilde{\rho }}\) une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale entière de \(\mathrm{G}\). Soit \(\rho \) un facteur irréductible de sa réduction mod \(\ell \), et soit \(a=a({\widetilde{\rho }})\). Pour tout entier \(r\geqslant 1\), on a :

$$\begin{aligned} \mathbf{r}_\ell (\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},r)) = \sum \limits \mathrm{Z}(\rho ,r_0)\times \mathrm{Z}(\rho \nu ,r_1)\times \dots \times \mathrm{Z}(\rho \nu ^{a-1},r_{a-1}) \end{aligned}$$

la somme portant sur les familles \((r_0,\dots ,r_{a-1})\) d’entiers \(\geqslant 0\) de somme r.

Cette proposition a pour conséquence une propriété remarquable de compatibilité de la classification de Zelevinski de [20] à la réduction mod \(\ell \). On renvoie au Paragraphe 8.2 pour les termes et les notations non définis, ainsi qu’à la Proposition 8.7.

Proposition 1.11

Soient \({\widetilde{\rho }}_1\), \({\widetilde{\rho }}_2\) deux représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-adiques entières congruentes mod \(\ell \), et soit \(\upmu \) un multisegment formel. Alors les représentations \(\mathrm{Z}(\upmu \boxtimes {\widetilde{\rho }}_1)\) et \(\mathrm{Z}(\upmu \boxtimes {\widetilde{\rho }}_2)\) sont congruentes mod \(\ell \).

1.9 .

La classe de torsion de \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est l’ensemble \(\langle {\widetilde{\pi }}^{}{}\rangle \) des classes de représentations obtenues en tordant \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) par un caractère non ramifié de \(\mathrm{G}\). Lorsque \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est cuspidale, l’ensemble \(\langle {\widetilde{\pi }}^{}{}\rangle \) est donc simplement la classe d’inertie de \({\widetilde{\pi }}^{}{}\). Généralisant la notation du paragraphe 1.4, on note :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\langle {\widetilde{\pi }}^{}{}\rangle ) \end{aligned}$$

l’ensemble des \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\pi }}^{}{}\widetilde{\chi })\)\(\widetilde{\chi }\) décrit les caractères non ramifiés \(\ell \)-adiques de \(\mathrm{G}\) tels que la représentation \({\widetilde{\pi }}^{}{}\widetilde{\chi }\) soit entière. Notons également \(n({\widetilde{\pi }}^{}{})\) le nombre de caractères \(\ell \)-adiques non ramifiés \(\widetilde{\chi }\) de \(\mathrm{G}\) tels que \({\widetilde{\pi }}^{}{}\widetilde{\chi }\) soit isomorphe à \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) et \(c({\widetilde{\pi }}^{}{})\) la plus grande puissance de \(\ell \) divisant \(q^{n({\widetilde{\pi }}^{}{})}-1\). La Proposition 1.10 (jointe aux Propositions 1.31.4 et 1.7) implique les deux résultats suivants.

Théorème 1.12

Soit \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation de Speh entière de \(\mathrm{G}\). L’ensemble des classes de torsion de \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentations de Speh entières congrues à \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est fini, et son cardinal \(t({\widetilde{\pi }}^{}{})\) vérifie :

$$\begin{aligned} t({\widetilde{\pi }}^{}{}) w({\widetilde{\pi }}^{}{}) = \left\{ \begin{array}{ll} c({\widetilde{\pi }}^{}{}) &{}\quad \text {si }w({\widetilde{\pi }}^{}{})=1, \\ c({\widetilde{\pi }}^{}{})-1 &{}\quad \text {si }1<w({\widetilde{\pi }}^{}{})<\ell , \\ c({\widetilde{\pi }}^{}{})(\ell -1)\ell ^{-1} &{}\quad \text {si }w({\widetilde{\pi }}^{}{})\geqslant \ell . \end{array} \right. \end{aligned}$$

Théorème 1.13

Soient w un entier divisant n et \(j\geqslant 0\) un nombre rationnel. L’ensemble \(\mathscr {E}_\ell (\mathrm{G},w,j)\) des \(\mathbf{r}_\ell (\langle {\widetilde{\pi }}^{}{}\rangle )\), où \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) décrit les représentations de Speh \(\ell \)-adiques de \(\mathrm{G}\) telles que \(w({\widetilde{\pi }}^{}{})=w\) et dont le niveau normalisé est inférieur ou égal à j, est fini et de cardinal \(\varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},w,j)\).

D’après le Corollaire 1.8, les ensembles \(\mathscr {E}_\ell (\mathrm{G},w,j)\) et \(\mathscr {E}_\ell (\mathrm{H},w,j)\) ont donc le même cardinal.

1.10 .

A partir de là, la preuve du Théorème 1.1 se fait par récurrence sur \(w({\widetilde{\pi }}^{}{})\). Comme au paragraphe 1.3, fixons une \(\mathrm{F}\)-algèbre à division de degré réduit n, et notons \(\mathrm{A}\) son groupe multiplicatif. La correspondance de Jacquet–Langlands locale \(\ell \)-adique détermine une bijection entre \(\mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) et l’ensemble \(\mathrm{Irr}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) des représentations irréductibles \(\ell \)-adiques de \(\mathrm{A}\), que l’on peut prolonger en un morphisme surjectif entre groupes de Grothendieck :

$$\begin{aligned} \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}}{}_\ell : \mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \rightarrow \mathcal {R}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \end{aligned}$$
(1.5)

trivial sur les induites paraboliques (Paragraphe 9.1). Grâce à la théorie du caractère de Brauer de Dat [11, §2.1], il y a un unique morphisme de groupes \({{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_\ell \) de \(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) dans \(\mathcal {R}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) qui soit compatible à \(\widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}}{}_\ell \) par réduction mod \(\ell \) (voir la Proposition 10.2), ce qui permet de transporter les relations de congruence mod \(\ell \) de \(\mathrm{G}\) à \(\mathrm{A}\).

Restreignant le morphisme (1.5) à l’ensemble \(\mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) des classes d’isomorphisme de représentations de Speh \(\ell \)-adiques de \(\mathrm{G}\), l’image d’une représentation de Speh \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est égale, à un signe près, à une représentation irréductible de \(\mathrm{A}\), correspondante de Jacquet-Langlands de la duale de Zelevinski de \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) ; on en déduit une bijection :

$$\begin{aligned} \mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \rightarrow \mathrm{Irr}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }). \end{aligned}$$
(1.6)

L’existence de \({{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_\ell \) assure que des représentations entières de \(\mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) congruentes mod \(\ell \) ont des images dans \(\mathrm{Irr}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) qui sont congruentes mod \(\ell \). Ensuite, grâce au Théorème 1.12, on montre que cette bijection préserve l’invariant \(w({\widetilde{\pi }}^{}{})\) et qu’elle induit par réduction modulo \(\ell \), pour tout entier \(w\geqslant 0\), une application injective de \(\mathcal {Z}_w(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) dans \(\mathcal {Z}_w(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\), où l’on a posé :

$$\begin{aligned} \mathcal {Z}_w(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) = \{{{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\pi }}^{}{})\ |\ {\widetilde{\pi }}^{}{}\in \mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \text { est enti}\grave{\mathrm{e}}\text {re et } w({\widetilde{\pi }}^{}{})=w\} \subseteq \mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}). \end{aligned}$$
(1.7)

La correspondance de Jacquet–Langlands locale préservant le niveau normalisé, et les éléments de l’ensemble (1.7) de niveau normalisé fixé étant — à torsion non ramifiée près — en nombre fini, le Théorème 1.13 et le Corollaire 1.8 impliquent que cette application injective est une bijection. Appliquant à nouveau l’involution de Zelevinski [19, 23] pour revenir à \(\mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\), ceci met fin à la preuve du Théorème 1.1 (voir le Théorème 10.4).

1.11 .

Si l’on restreint (1.6) à l’ensemble des représentations \(\ell \)-super-Speh, c’est-à-dire aux \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) vérifiant \(w({\widetilde{\pi }}^{}{})=1\), on obtient une bijection entre les représentations \(\ell \)-super-Speh de \(\mathrm{G}\) et les représentations \(\ell \)-adiques entières de \(\mathrm{A}\) dont la réduction modulo \(\ell \) est irréductible. Réduisant modulo \(\ell \), on obtient le résultat suivant (voir le Corollaire 10.9) qui généralise [11, Théorème 1.2.4].

Corollaire 1.14

La bijection (1.6) induit une bijection entre représentations \(\ell \)-modulaires super-Speh de \(\mathrm{G}\) et représentations \(\ell \)-modulaires irréductibles de \(\mathrm{A}\).

1.12 .

Signalons que, dans la preuve du Théorème 1.1, il n’est pas à proprement parler nécessaire de passer par les représentations de Speh : contrairement à [11], dont la preuve s’appuie sur le fait que la réduction mod \(\ell \) de \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}^{}{},r)\) est irréductible pour toute représentation \(\ell \)-supercuspidale \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) (ce qui n’est pas vrai de sa duale de Zelevinski), notre argument fonctionne encore si l’on utilise directement \(\mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) et les réductions mod \(\ell \) de ses éléments entiers. L’argument de comptage, qui porte de toutes façons sur des ensembles (1.7) de représentations qui sont en général non irréductibles, reste valable. Nous avons choisi d’utiliser les représentations de Speh d’une part pour obtenir le Corollaire 1.14, généralisant à une forme intérieure quelconque la correspondance de Jacquet–Langlands locale mod \(\ell \) de Dat, d’autre part parce que la Proposition 1.11 s’exprime au moyen de la classification à la Zelevinski.

1.13 .

Abandonnons maintenant la forme intérieure auxilliaire \(\mathrm{A}\), et laissons momentanément de côté la correspondance de Jacquet–Langlands. Etant donnés une représentation irréductible \(\ell \)-modulaire \(\rho \) de \(\mathrm{G}\) supposée cuspidale mais pas supercuspidale et un entier \(r\geqslant 1\), la représentation de Speh \(\mathrm{Z}(\rho ,r)\) doit en vertu de [20, Lemme 9.41] s’exprimer, dans le groupe \(\mathcal {R}(\mathrm{GL}_{mr}(\mathrm{D}),{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\), dans la base des induites de représentations super-Speh :

$$\begin{aligned}&\pi _1\times \dots \times \pi _s, \quad \pi _i \text { repr}\acute{\mathrm{e}}\text {sentation super-Speh de } \mathrm{GL}_{m_i}(\mathrm{D}), \quad \\&m_1+\dots +m_s=mr. \end{aligned}$$

Nous allons exprimer \(\mathrm{Z}(\rho ,r)\) non pas directement dans cette base, mais en fonction de représentations de Speh associées à une représentation irréductible cuspidale \(\sigma \) de degré \(<m\), et surtout telle que \(k(\sigma )<k(\rho )\). Plus précisément, posons :

$$\begin{aligned} e = \left\{ \begin{array}{ll} k(\rho ) &{}\quad \text {si }k(\rho )\hbox { est premier }\grave{\mathrm{a}}\, \ell , \\ \ell &{}\quad \text {sinon.} \end{array} \right. \end{aligned}$$

Il y a alors une représentation irréductible cuspidale \(\sigma \) de \(\mathrm{GL}_{me^{-1}}(\mathrm{D})\) telle que \(\rho \) soit isomorphe à un facteur irréductible de \(\sigma \times \sigma \nu _\sigma ^{}\times \dots \times \sigma \nu _\sigma ^{e-1}\). Introduisons les séries formelles :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}= & {} \sum \limits _{r\geqslant 0} {(-1)^{r}} \mathrm{Z}(\rho ,r) \mathrm{X}^{er}, \\ {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a,b)= & {} \sum \limits (-1)^{r} \mathrm{Z}(\sigma \nu _\sigma ^{a},r) \mathrm{X}^{r}, \quad a,b\in \mathbf {Z}, \end{aligned}$$

la seconde somme portant sur les \(r\geqslant 0\) qui sont congrus à \(b-a+1\) mod e. Notant \({{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}\) la matrice carrée de taille e de terme général \({{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(i+1,j)\) pour \(i,j\in \{1,\dots ,e\}\), on obtient en s’inspirant de [18] la formule suivante.

Proposition 1.15

Le déterminant est égal à .

1.14 .

Si l’on étend par linéarité la correspondance (1.1) en un morphisme de groupes de \(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) vers \(\mathcal {R}(\mathrm{H},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\), on sait (voir [11, (1.2.2)]) qu’il n’y a pas de morphisme de \(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) vers \(\mathcal {R}(\mathrm{H},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) qui lui soit compatible par réduction mod \(\ell \). En d’autres termes, la correspondance induite par le Théorème 1.1 entre réductions mod \(\ell \) de séries discrètes entières \(\ell \)-adiques ne s’étend pas aux groupes de Grothendieck. Définissons maintenant comme Badulescu [3, §3.1] un morphisme :

$$\begin{aligned} \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell : \mathcal {R}(\mathrm{H},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \rightarrow \mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \end{aligned}$$
(1.8)

trivial sur les induites paraboliques à partir d’un sous-groupe de Levi de \(\mathrm{H}\) dont les blocs ne sont pas tous de taille divisible par d, et interpolant la réciproque de la correspondance (1.1) sur les induites paraboliques des séries discrètes \(\ell \)-adiques de sous-groupes de Levi dont les blocs sont de taille divisible par d (voir la Sect. 12.1). Il est naturel de demander s’il y a un morphisme compatible à \(\widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell \) par réduction mod \(\ell \). Le théorème suivant répond à cette question par l’affirmative.

Théorème 1.16

Il y a un unique morphisme de groupes de \(\mathcal {R}(\mathrm{H},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) vers \(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) qui soit compatible à par réduction mod \(\ell \).

Dans le cas où \(\mathrm{G}\) est une forme intérieure compacte modulo le centre, on se retrouve dans la situation du Paragraphe 1.10, où l’on sait que la réponse est oui grâce à la théorie du caractère de Brauer de Dat. Dans le cas général, cet argument ne suffit plus. Pour prouver le résultat, on introduit l’anneau (commutatif) de Grothendieck :

$$\begin{aligned} \mathcal {R}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) = \bigoplus \limits _{m\geqslant 0} \mathcal {R}(\mathrm{GL}_m(\mathrm{D}),{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \end{aligned}$$

qui est libremement engendré par l’ensemble des représentations \(\ell \)-modulaires super-Speh. Grâce au Corollaire 1.14, il y a un unique morphisme surjectif d’anneaux \({{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell \) de \(\mathcal {R}(\mathrm{F},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) vers \(\mathcal {R}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) tel qu’on ait l’égalité :

$$\begin{aligned} \left( {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell \circ {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \right) ({\widetilde{\pi }}^{}{}) = \left( {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \circ \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell \right) ({\widetilde{\pi }}^{}{}) \end{aligned}$$
(1.9)

pour toute représentation \(\ell \)-adique \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) entière et \(\ell \) -super-Speh de \(\mathrm{GL}_n(\mathrm{F})\), \(n\geqslant 1\). Pour prouver le théorème, il faut alors prouver que (1.9) vaut pour toute représentation de Speh \(\ell \)-adique entière \({\widetilde{\pi }}^{}{}\), pas nécessairement \(\ell \)-super-Speh. Pour ce faire, il s’agit de décrire explicitement la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) dans la base des représentations super-Speh, ce qui se fait de proche en proche grâce à la Proposition 1.15 et à la formule de factorisation donnée par la Proposition 11.9.

2 Préliminaires

2.1 .

Fixons un corps localement compact non archimédien \(\mathrm{F}\) de caractéristique résiduelle p. Notons q le cardinal de son corps résiduel.

Fixons une \(\mathrm{F}\)-algèbre à division centrale \(\mathrm{D}\) de dimension finie, et de degré réduit noté d. Pour tout \(m\geqslant 1\), on note \(\mathrm{M}_{m}(\mathrm{D})\) la \(\mathrm{F}\)-algèbre des matrices carrées de taille m à coefficients dans \(\mathrm{D}\) et \(\mathrm{GL}_{m}(\mathrm{D})\) le groupe de ses éléments inversibles, noté aussi \(\mathrm{G}_{m}\). Celui-ci est un groupe localement profini. On convient de noter \(\mathrm{G}_{0}\) le groupe trivial.

Soit \(\mathrm{R}\) un corps algébriquement clos de caractéristique différente de p. Pour tout entier \(m\geqslant 0\), notons \(\mathrm{Irr}(\mathrm{G}_m,\mathrm{R})\) l’ensemble des classes d’isomorphisme de représentations irréductibles de \(\mathrm{G}_m\) et \(\mathcal {R}(\mathrm{G}_m,\mathrm{R})\) le groupe de Grothendieck des représentations de longueur finie de \(\mathrm{G}_m\) identifié au groupe abélien libre de base \(\mathrm{Irr}(\mathrm{G}_m,\mathrm{R})\). Posons :

$$\begin{aligned} \mathrm{Irr}(\mathrm{R}) = \mathrm{Irr}(\mathrm{D},\mathrm{R}) = \bigcup \limits _{m\geqslant 0} \mathrm{Irr}(\mathrm{G}_{m},\mathrm{R}), \quad \mathcal {R}(\mathrm{R}) = \mathcal {R}(\mathrm{D},\mathrm{R}) = \bigoplus \limits _{m\geqslant 0} \mathcal {R}(\mathrm{G}_m,\mathrm{R}). \end{aligned}$$
(2.1)

(Toutes les représentations considérées dans cet article sont des représentations lisses de groupes localement profinis.) Si \(\pi \) est une représentation de longueur finie de \(\mathrm{G}_m\), l’entier m s’appelle le degré de \(\pi \). Ceci fait de \(\mathcal {R}(\mathrm{R})\) un \(\mathbf {Z}\)-module gradué.

Si \(\pi \) est une représentation et \(\chi \) un caractère — c’est-à-dire un morphisme de groupes à valeurs dans \({\mathrm{R}}^{\times }\) et de noyau ouvert — de \(\mathrm{G}_m\), il existe un unique caractère \(\mu \) de \({\mathrm{F}}^{\times }\) tel que \(\chi \) soit égal à \(\mu \circ \mathrm{Nrd}\), où \(\mathrm{Nrd}:\mathrm{G}_m\rightarrow {\mathrm{F}}^{\times }\) désigne la norme réduite. On note \(\pi \cdot \mu \) ou \(\pi \chi \) la représentation tordue \(g\mapsto \chi (g)\pi (g)\).

2.2 .

Si \(\alpha =(m_{1},\ldots ,m_{r})\) est une composition de m, c’est-à-dire une famille finie d’entiers positifs de somme m, il lui correspond le sous-groupe de Levi standard \(\mathrm{M}_{\alpha }\) de \(\mathrm{G}_{m}\) constitué des matrices diagonales par blocs de tailles \(m_{1},\ldots ,m_{r}\) respectivement, identifié à \(\mathrm{G}_{m_{1}}\times \cdots \times \mathrm{G}_{m_{r}}\). On note \(\mathrm{P}_{\alpha }\) le sous-groupe parabolique de \(\mathrm{G}_{m}\) engendré par \(\mathrm{M}_\alpha \) et les matrices triangulaires supérieures.

On fixe une racine carrée de q dans \(\mathrm{R}\). On note \(\varvec{i}_\alpha \) le foncteur d’induction parabolique (normalisé relativement au choix de cette racine) de \(\mathrm{M}_{\alpha }\) à \(\mathrm{G}_{m}\) le long de \(\mathrm{P}_{\alpha }\), et on note \(\varvec{r}_\alpha \) son adjoint à gauche, c’est-à-dire le foncteur de restriction parabolique lui correspondant. Ces foncteurs sont exacts et préservent le fait d’être de longueur finie.

Si, pour chaque \(i\in \{1,\ldots ,r\}\), on a une représentation \(\pi _{i}\) de \(\mathrm{G}_{m_i}\), on note :

$$\begin{aligned} \pi _1\times \cdots \times \pi _r=\varvec{i}_{\alpha }(\pi _1\otimes \cdots \otimes \pi _r). \end{aligned}$$
(2.2)

Si les \(\pi _{i}\) sont de longueur finie, la semi-simplifiée de cette induite ne dépend que des semi-simplifiées de \(\pi _{1},\dots ,\pi _{r}\). Ceci fait de \(\mathcal {R}(\mathrm{R})\) une \(\mathbf {Z}\)-algèbre commutative graduée (voir [20, Proposition 2.6]).

Au moyen des foncteurs de restriction parabolique, on définit également une comultiplication :

$$\begin{aligned} \mathsf{c}: \pi \mapsto \sum \limits _{k=0}^{m} \varvec{r}_{(k,m-k)}(\pi ) \in \mathcal {R}(\mathrm{R})\otimes \mathcal {R}(\mathrm{R}) \end{aligned}$$
(2.3)

faisant de \(\mathcal {R}(\mathrm{R})\) une \(\mathbf {Z}\)-bigèbre commutative.

Comme dans [23], on adopte encore les notations \(\varvec{i}_\alpha \), \(\varvec{r}_\alpha \) et \(\times \) quand \(\mathrm{D}\) est remplacé par un corps fini de caractéristique p.

3 Rappels et compléments sur les représentations cuspidales

On fixe un entier \(m\geqslant 1\) et on pose \(\mathrm{G}=\mathrm{GL}_m(\mathrm{D})\). Pour les notions de représentation irréductible cuspidale et supercuspidale de \(\mathrm{G}\), on renvoie le lecteur à [20].

Aux Paragraphes 3.1 et 3.2, \(\mathrm{R}\) est un corps algébriquement clos de caractéristique différente de p.

Dans cette section, nous rappelons brièvement comment décrire les représentations cuspidales irréductibles de \(\mathrm{G}\) en termes de représentations de certains sous-groupes ouverts compacts mod le centre [21]. Grâce à cette description, on associe à toute représentation irréductible cuspidale un certain nombre d’invariants numériques, et on définit l’invariant w au Paragraphe 3.5.

3.1 .

Rappelons quelques faits tirés de [21] sur les \(\mathrm{R}\)-représentations irréductibles cuspidales de \(\mathrm{G}\). D’abord, il y a une correspondance bijective naturelle :

$$\begin{aligned}{}[\mathrm{G},\rho ] \leftrightarrow [\mathrm{J},\lambda ] \end{aligned}$$
(3.1)

entre classes inertielles de \(\mathrm{R}\)-représentation irréductible cuspidale de \(\mathrm{G}\) et classes de \(\mathrm{G}\)-conjugaison d’objets appelés types simples maximaux de \(\mathrm{G}\) [21, §3]. Plus précisément, la classe d’inertie de \(\rho \) et la classe de conjugaison de \((\mathrm{J},\lambda )\) se correspondent par (3.1) si et seulement si la restriction de \(\rho \) à \(\mathrm{J}\) possède une sous-représentation isomorphe à \(\lambda \).

Un type simple maximal de \(\mathrm{G}\) est une paire \((\mathrm{J},\lambda )\) formée d’un sous-groupe ouvert compact \(\mathrm{J}\) de \(\mathrm{G}\) et d’une \(\mathrm{R}\)-représentation irréductible \(\lambda \) de \(\mathrm{J}\) dont la construction est effectuée en [21, §2]. Résumons-en brièvement les principales étapes.

D’abord, on part d’une strate simple \([\Lambda ,n_\Lambda ,0,\beta ]\) dans la \(\mathrm{F}\)-algèbre \(\mathrm{M}_m(\mathrm{D})\) et d’un \(\mathrm{R}\)-caractère simple \(\theta \in \mathcal {C}(\Lambda ,0,\beta )\) d’un sous-groupe ouvert compact \(\mathrm{H}^1=\mathrm{H}^1(\beta ,\Lambda )\) de \(\mathrm{G}\). Il y a un sous-groupe ouvert compact \(\mathrm{J}^1=\mathrm{J}^1(\beta ,\Lambda )\) de \(\mathrm{G}\) contenant et normalisant \(\mathrm{H}^1\), possédant une unique représentation irréductible \(\eta \) dont la restriction à \(\mathrm{H}^1\) contienne \(\theta \).

La représentation \(\eta \) se prolonge en une représentation irréductible \(\kappa \) d’un sous-groupe ouvert compact \(\mathrm{J}=\mathrm{J}(\beta ,\Lambda )\) de \(\mathrm{G}\) contenant et normalisant \(\mathrm{J}^1\), de même ensemble d’entrelacement que \(\eta \) ; un tel prolongement \(\kappa \) s’appelle une \(\beta \)-extension de \(\eta \).

On suppose que \(\mathrm{J}\cap {\mathrm{B}}^{\times }\) est un sous-groupe compact maximal de \({\mathrm{B}}^{\times }\). On fixe un isomorphisme d’algèbres entre le centralisateur \(\mathrm{B}\) de \(\mathrm{E}=\mathrm{F}[\beta ]\) dans \(\mathrm{M}_m(\mathrm{D})\) et une \(\mathrm{E}\)-algèbre \(\mathrm{M}_{m'}(\mathrm{D}')\) pour un \(m'\geqslant 1\) et une \(\mathrm{E}\)-algèbre à division centrale \(\mathrm{D}'\) convenables, identifiant \(\mathrm{J}\cap {\mathrm{B}}^{\times }\) au sous-groupe compact maximal standard de \(\mathrm{GL}_{m'}(\mathrm{D}')\).

Le groupe \(\mathrm{J}\) est égal à \((\mathrm{J}\cap {\mathrm{B}}^{\times })\mathrm{J}^1\), et on a des isomorphismes de groupes :

$$\begin{aligned} \mathrm{J}/\mathrm{J}^1 \simeq (\mathrm{J}\cap {\mathrm{B}}^{\times })/(\mathrm{J}^1\cap {\mathrm{B}}^{\times }) \simeq \mathrm{GL}_{m'}(\varvec{d}), \end{aligned}$$

\(\varvec{d}\) étant le corps résiduel de \(\mathrm{D}'\) et le second isomorphisme étant induit par l’isomorphisme d’algèbres fixé précédemment. Notons \(\mathcal {G}\) ce dernier groupe et fixons une représentation irréductible cuspidale \(\sigma \) de \(\mathcal {G}\). Elle définit, par inflation, une représentation irréductible de \(\mathrm{J}\) triviale sur \(\mathrm{J}^1\), encore notée \(\sigma \). Alors la paire \((\mathrm{J},\kappa \otimes \sigma )\) est un type simple maximal de \(\mathrm{G}\), et tous sont construits de cette façon.

Soit \(\rho \) une \(\mathrm{R}\)-représentation irréductible cuspidale de \(\mathrm{G}\) dont la classe inertielle \([\mathrm{G},\rho ]\) correspond à la classe de conjugaison d’un type simple maximal \((\mathrm{J},\lambda )\). Le groupe de Galois de \(\varvec{d}\) sur \(\varvec{e}\) (où \(\varvec{e}\) est le corps résiduel de \(\mathrm{E}\)) agit sur les représentations de \(\mathcal {G}\) ; on note :

$$\begin{aligned} s(\rho ) = s(\sigma ) \end{aligned}$$
(3.2)

l’ordre du stabilisateur de \(\sigma \) dans ce groupe de Galois. Notant \(\nu \) le caractère non ramifié “valeur absolue de la norme réduite”, le caractère \(\nu _\rho = \nu ^{s(\rho )}\) a la propriété importante suivante.

Si \(\rho '\) est une représentation irréductible cuspidale de degré \(m'\geqslant 1\), l’induite \(\rho \times \rho '\) est réductible si et seulement si \(m'=m\) et \(\rho '\) est isormorphe à \(\rho \nu _\rho ^{}\) ou à \(\rho \nu _{\rho }^{-1}\).(3.1.1)

Quand \(\mathrm{G}\) est déployé, c’est-à-dire quand \(\mathrm{D}\) est égale à \(\mathrm{F}\), le groupe de Galois \(\mathrm{Gal}(\varvec{d}/\varvec{e})\) est trivial et on a toujours \(s(\rho )=1\).

Notons \(n(\rho )\) le nombre de caractères non ramifiés \(\chi \) de \(\mathrm{G}\) tels que la représentation tordue \(\rho \chi \) soit isomorphe à \(\rho \). Cet entier a la propriété suivante.

Si \(\chi \) est un caractère non ramifié de \(\mathrm{G}\), on a \(\rho \chi \simeq \rho \) si et seulement si \(\chi ^{n(\rho )}=1\).(3.1.2)

Notons enfin \(f(\rho )\) le quotient de md par l’indice de ramification de \(\mathrm{E}\) sur \(\mathrm{F}\), qui est un multiple de \(s(\rho )\). Ces trois entiers sont indépendants des choix effectués dans la construction de \((\mathrm{J},\lambda )\) et ils ne dépendent que de la classe inertielle de \(\rho \). Notant \(\ell \) l’exposant caractéristique de \(\mathrm{R}\), il sont liés par la relation suivante.

L’entier \(n(\rho )\) est le plus grand diviseur de \(f(\rho )s(\rho )^{-1}\) premier à \(\ell \).   (3.1.3)

Notamment, lorsque \(\mathrm{R}\) est de caractéristique 0, on a simplement la relation \(f(\rho ) = n(\rho )s(\rho )\).

3.2 .

Pour tout entier \(n\geqslant 1\), l’induite parabolique :

$$\begin{aligned} \rho \times \rho \nu _{\rho }^{}\times \dots \times \rho \nu _{\rho }^{n-1} \end{aligned}$$

a un unique sous-quotient irréductible résiduellement non dégénéré au sens de [20, Section 8]. Il apparaît avec multiplicité 1, et on le note :

$$\begin{aligned} \mathrm{Sp}(\rho ,n). \end{aligned}$$

Si \(n\geqslant 2\), pour que ce sous-quotient soit cuspidal, il faut et il suffit que \(\mathrm{R}\) soit de caractéristique \(\ell >0\) et qu’il existe un entier \(r\geqslant 0\) tel que \(n=\omega (\rho )\ell ^r\), avec :

$$\begin{aligned} \omega (\rho ) = \text {l'ordre de }q^{f(\rho )} \text {dans } (\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \end{aligned}$$
(3.3)

(voir [20, Proposition 6.4]). D’après [20, Corollaire 6.12], si la représentation \(\rho \) n’est pas supercuspidale, on a \(\omega (\rho )=1\).

Lorsque \(\mathrm{R}\) est de caractéristique \(\ell \), il y a d’après [20, Théorème 6.14] un unique entier naturel :

$$\begin{aligned} k(\rho ) \geqslant 1 \end{aligned}$$

et une représentation irréductible supercuspidale \(\alpha \) de \(\mathrm{GL}_{mk(\rho )^{-1}}(\mathrm{D})\) tels que \(\rho \) soit isomorphe à \(\mathrm{Sp}(\alpha ,k(\rho ))\). La représentation \(\alpha \) n’est pas unique en général mais, si \(\pi \) est irréductible supercuspidale et si \(\rho \) est isomorphe à \(\mathrm{Sp}(\pi ,k(\rho ))\), il y a un \(i\in \mathbf {Z}\) tel que \(\pi \) soit isomorphe à \(\alpha \nu _\alpha ^i\).

Remarque 3.1

La représentation \(\rho \) est supercuspidale si et seulement si \(k(\rho )\) est égal à 1.

De façon analogue, l’induite parabolique \(\sigma ^{\times n}=\sigma \times \dots \times \sigma \) (n fois), qui est une représentation du groupe \(\mathrm{GL}_{m'n}(\varvec{d})\), a un unique sous-quotient irréductible non dégénéré. On le note \(\mathrm{sp}(\sigma ,n)\) ; il apparaît avec multiplicité 1 dans \(\sigma ^{\times n}\). Si \(n\geqslant 2\), pour que ce sous-quotient soit cuspidal, il faut et il suffit que \(\mathrm{R}\) soit de caractéristique \(\ell >0\) et qu’il existe un entier \(r\geqslant 0\) tel que \(n=\omega (\sigma )\ell ^r\), avec :

$$\begin{aligned} \omega (\sigma ) = \text {l'ordre de }q_{\mathrm{D}'}^{m'}\hbox { dans } (\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \end{aligned}$$

\(q_{\mathrm{D}'}^{}\) désigne le cardinal du corps résiduel \(\varvec{d}\). Remarquons que \(q_{\mathrm{D}'}^{m'}\) est égal à \(q^{f(\rho )}\), et donc que \(\omega (\rho )=\omega (\sigma )\). Lorsque \(\mathrm{R}\) est de caractéristique \(\ell >0\), il y a un unique entier naturel :

$$\begin{aligned} k(\sigma ) \geqslant 1 \end{aligned}$$

et une unique représentation irréductible supercuspidale \(\tau \) de \(\mathrm{GL}_{m'k(\sigma )^{-1}}(\varvec{d})\) tels que la représentation \(\sigma \) soit isomorphe à \(\mathrm{sp}(\tau ,k(\sigma ))\). On a le résultat suivant.

Lemme 3.2

On a \(k(\rho )=k(\sigma )\).

Démonstration

Posons \(k=k(\rho )\) et écrivons \(\rho \) sous la forme \(\mathrm{Sp}(\alpha ,k)\). Fixons un type simple maximal \((\mathrm{J}_0,\kappa _0\otimes \sigma _0)\) contenu dans \(\alpha \). D’après, par exemple, la preuve de [20, Lemme 6.1], on peut choisir \(\sigma _0\) de sorte que \(\sigma \) soit égale à \(\mathrm{sp}(\sigma _0,k)\). D’après [20, Proposition 6.10], la représentation \(\sigma _0\) est supercuspidale. Par unicité de \(k(\sigma )\), on en déduit que \(k(\sigma )=k\). \(\square \)

Remarque 3.3

On en déduit que \(k(\rho )\) divise \(m'\), et pas seulement m.

Notons (voir [20, Proposition 6.10]) que \(\rho \) est supercuspidale si et seulement si \(\sigma \) l’est.

3.3 .

Fixons un nombre premier \(\ell \) différent de p et une clôture algébrique \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\) du corps des nombres \(\ell \)-adiques. On note \({\overline{\mathbf {Z}}_\ell }\) son anneau d’entiers et \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\) son corps résiduel. Une représentation \(\ell \)-adique est une représentation à coefficients dans \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\).

Pour les notions de représentation \(\ell \)-adique entière et de réduction mod \(\ell \), on renvoie le lecteur à [20] (voir aussi [27, 29]). Si \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est une représentation \(\ell \)-adique irréductible entière dans \(\mathcal {R}({\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\), on note \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\pi }}^{}{})\) sa réduction mod \(\ell \) dans \(\mathcal {R}({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\).

Définition 3.4

Deux \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentations irréductibles entières de \(\mathrm{G}\) sont dites congruentes (modulo \(\ell \)) si elles ont la même réduction mod \(\ell \), c’est-à-dire la même image par \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \).

Soit \({\widetilde{\rho }}\) une représentation \(\ell \)-adique irréductible cuspidale entière de \(\mathrm{G}\). D’après le Paragraphe 1.4, si \(\rho \) est un facteur irréductible, et a la longueur, de la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}^{}{}\), alors on a :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\rho }}) = \rho +\rho \nu +\dots +\rho \nu ^{a-1}. \end{aligned}$$
(3.4)

D’après [21, Paragraphe 3.5], l’entier \(a=a({\widetilde{\rho }}^{}{})\) a les propriétés suivantes.

Proposition 3.5

  1. (1)

    Il y a un entier \(u\geqslant 0\) tel que a vérifie la relation :

    $$\begin{aligned} n({\widetilde{\rho }}) = an(\rho )\ell ^{u}. \end{aligned}$$
    (3.5)

    Plus précisément, \(n(\rho )\) est le plus grand diviseur de \(n({\widetilde{\rho }})a^{-1}\) premier à \(\ell \).

  1. (2)

    Si \(a>1\), alors le plus grand diviseur de a premier à \(\ell \) est égal à :

    $$\begin{aligned} \varepsilon (\rho ) = \text {l'ordre de }q^{n(\rho )}\text { dans }(\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times . \end{aligned}$$
    (3.6)
  2. (3)

    On a l’égalité \(s(\rho )=as({\widetilde{\rho }})\).

L’entier \(\varepsilon (\rho )\) défini par l’identité (3.6) a la propriété suivante.

Lemme 3.6

Soit un entier \(i\in \mathbf {Z}\). Pour que \(\rho \nu ^i\simeq \rho \), il faut et il suffit que \(\varepsilon (\rho )\) divise i.

Démonstration

D’après (3.1.2), les représentations \(\rho \nu ^i\) et \(\rho \) sont isomorphes si et seulement si \(\nu ^{n(\rho )i}=1\). L’ordre de \(\nu \) étant égal à l’ordre de q dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \), qu’on note e, ceci équivaut à dire que e divise \(n(\rho )i\). Il ne reste plus qu’à remarquer que :

$$\begin{aligned} \varepsilon (\rho ) = \frac{e}{(e,n(\rho ))} \end{aligned}$$

pour conclure. \(\square \)

Corollaire 3.7

On a \(\rho \nu \simeq \rho \) si et seulement si l’entier \(\varepsilon (\rho )\) est égal à 1.

3.4 .

Fixons une extension \(\varvec{k}\) de \(\varvec{d}\) de degré \(m'\), et notons \(\mathrm{X}\) l’ensemble des \(x\in {\varvec{k}}^{\times }\) de degré \(m'\) sur \(\varvec{d}\). D’après Green [15], il y a une application surjective :

$$\begin{aligned} x\mapsto \varvec{\widetilde{\sigma }}(x) \end{aligned}$$
(3.7)

de \(\mathrm{X}\) vers l’ensemble des classes de représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-adiques de \(\mathcal {G}\) ; les antécédents de \(\varvec{\widetilde{\sigma }}(x)\) sont les conjugués de x sous \(\mathrm{Gal}(\varvec{k}/\varvec{d})\). Pour \(x\in {\varvec{k}}^{\times }\), notons [x] l’orbite de x sous \(\mathrm{Gal}(\varvec{k}/\varvec{e})\) et :

$$\begin{aligned} \deg (x) = \mathrm{card}([x]) \end{aligned}$$

le degré de x sur \(\varvec{e}\). Notons \(d'\) le degré réduit de \(\mathrm{D}'\) sur \(\mathrm{E}\).

Lemme 3.8

Pour \(x\in \mathrm{X}\), soit \(\widetilde{\sigma }\) la représentation cuspidale lui correspondant par (3.7). On a la relation :

$$\begin{aligned} \deg (x) = \frac{m'd'}{s(\widetilde{\sigma })} \end{aligned}$$
(3.8)

et \(s(\widetilde{\sigma })\) est premier à \(m'\).

Démonstration

Notons \(\phi \) l’automorphisme de Frobenius \(x\mapsto x^{q_\mathrm{E}}\), où \(q_{\mathrm{E}}\) désigne le cardinal du corps résiduel \(\varvec{e}\). Pour \(k\in \mathbf {Z}\), on a :

$$\begin{aligned} \widetilde{\sigma }^{\phi ^k}\simeq \widetilde{\sigma }\quad \Leftrightarrow \quad \text {il existe } l\in \mathbf {Z}\hbox { tel que }x^{q_\mathrm{E}^k}=x^{q_{\mathrm{D}'}^l}. \end{aligned}$$

Si l’on note \([\widetilde{\sigma }]\) l’orbite de \(\widetilde{\sigma }\) sous \(\mathrm{Gal}(\varvec{d}/\varvec{e})\), on en déduit que :

$$\begin{aligned} \mathrm{card}([\widetilde{\sigma }]) = \frac{d'}{s(\widetilde{\sigma })} = (d',\deg (x)). \end{aligned}$$

Par ailleurs, si n est l’ordre de x, alors l’ordre de \(q_\mathrm{E}\) dans \((\mathbf {Z}/n\mathbf {Z})^\times \) est \(\deg (x)\), tandis que l’ordre de \(q_{\mathrm{D}'}\) dans \((\mathbf {Z}/n\mathbf {Z})^\times \) est \(m'\). On en déduit le résultat voulu. \(\square \)

Corollaire 3.9

L’entier \(s(\widetilde{\sigma })\) est premier à m.

Démonstration

Notons g le degré de \(\mathrm{E}\) sur \(\mathrm{F}\), de sorte que :

$$\begin{aligned} d' = \frac{d}{(d,g)}, \quad m = m' \cdot \frac{g}{(d,g)}. \end{aligned}$$
(3.9)

L’entier \(s(\widetilde{\sigma })\) divise \(d'\), et il est premier à \(m'\) d’après le Lemme 3.8 ; le résultat s’ensuit. \(\square \)

D’après Dipper et James [13, 14, 16], si \(x\in \mathrm{X}\), la réduction modulo \(\ell \) de \(\varvec{\widetilde{\sigma }}(x)\) est irréductible et cuspidale, et ne dépend que de la partie \(\ell \)-régulière de \(x\), c’est-à-dire de l’unique \(y\in {\varvec{k}}^{\times }\) d’ordre premier à \(\ell \) tel que l’ordre de \(xy^{-1}\) soit une puissance de \(\ell \). Ceci définit une application surjective :

$$\begin{aligned} y\mapsto \varvec{\sigma }(y) \end{aligned}$$
(3.10)

de l’ensemble \(\mathrm{Y}\) des parties \(\ell \)-régulières des éléments de \(\mathrm{X}\) vers celui des (classes de) représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-modulaires de \(\mathcal {G}\) ; l’ensemble des antécédents de \(\varvec{\sigma }(y)\) est l’orbite de y sous le groupe de Galois de \(\varvec{k}\) sur \(\varvec{d}\).

Lemme 3.10

Pour \(y\in \mathrm{Y}\), soit \(\sigma \) la représentation cuspidale lui correspondant par (3.10). On a la relation :

$$\begin{aligned} \deg (y) = \frac{m'}{k(\sigma )}\cdot \frac{d'}{s(\sigma )} \end{aligned}$$
(3.11)

et \(s(\sigma )\) est premier à \(m'k(\sigma )^{-1}\).

Démonstration

Si l’on note \(m''\) le cardinal de l’orbite de y sous \(\mathrm{Gal}(\varvec{k}/\varvec{d})\), alors l’entier \(k(\sigma )\) défini au Paragraphe 3.2 vérifie la relation \(m'=k(\sigma )\cdot m''\). Comme dans le lemme précédent, on en déduit la relation (3.11) et que \(s(\sigma )\) est premier à \(m''=m'k(\sigma )^{-1}\).\(\square \)

De façon analogue au Corollaire 3.9, on en déduit le corollaire suivant.

Corollaire 3.11

L’entier \(s(\sigma )\) est premier à \(mk(\sigma )^{-1}\).

Soit \(x\in \mathrm{X}\), et soit \(y\in \mathrm{Y}\) la partie \(\ell \)-régulière de x. Soit \(\widetilde{\sigma }\) la représentation cuspidale \(\ell \)-adique correspondant à x et \(\sigma \) sa réduction modulo \(\ell \), qui correspond à y. On pose :

$$\begin{aligned} a(\widetilde{\sigma })= & {} \frac{s(\sigma )}{s(\widetilde{\sigma })}, \\ w(\widetilde{\sigma })= & {} \frac{\deg (x)}{\deg (y)} = k(\sigma )a(\widetilde{\sigma }). \end{aligned}$$

On a les propriétés suivantes.

Lemme 3.12

On a \((w(\widetilde{\sigma }),m')=(w(\widetilde{\sigma }),m)=k(\sigma )\) et \((w(\widetilde{\sigma }),s(\sigma ))=a(\widetilde{\sigma })\).

Démonstration

Comme \(s(\widetilde{\sigma })\) est premier à \(m'\), il est aussi premier à \(k(\sigma )\). Multipliant par \(a(\widetilde{\sigma })\), on en déduit que \((w(\widetilde{\sigma }),s(\sigma ))=a(\widetilde{\sigma })\). Ensuite, \(mk(\sigma )^{-1}\) étant premier à \(s(\sigma )\), il est aussi premier à \(a(\widetilde{\sigma })\). Multipliant par \(k(\sigma )\), on en déduit que \((w(\widetilde{\sigma }),m)=k(\sigma )\). L’entier \(k(\sigma )\) divisant à la fois \(w(\sigma )\) et \(m'\), il s’ensuit que \((w(\widetilde{\sigma }),m')=k(\sigma )\). \(\square \)

Notons \(\varepsilon (\sigma )\) l’ordre de :

$$\begin{aligned} q_\mathrm{E}^{\deg (y)\cdot k(\sigma )} \end{aligned}$$
(3.12)

dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \).

Lemme 3.13

Si \(x\ne y\), alors le plus grand diviseur de \(a(\widetilde{\sigma })\) premier à \(\ell \) est \(\varepsilon (\sigma )\).

Démonstration

Dans \((\mathbf {Z}/n\mathbf {Z})^\times \) (où n désigne l’ordre de x), l’ordre de (3.12) est :

$$\begin{aligned} \frac{\deg (x)}{(\deg (y) k(\sigma ),\deg (x))}=a(\widetilde{\sigma }). \end{aligned}$$

Comme \(x\ne y\), l’entier n est divisible par \(\ell \). En projetant sur \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \), on en déduit que le plus grand diviseur de \(a(\widetilde{\sigma })\) premier à \(\ell \) est \(\varepsilon (\sigma )\).\(\square \)

Remarque 3.14

  1. (1)

    La condition \(x\ne y\) signifie que \(\sigma \) n’est pas supercuspidale.

  1. (2)

    Si \(\rho \) contient le type simple maximal \(\kappa \otimes \sigma \), alors les relations (3.11) et (3.1.3) entraînent que \(\varepsilon (\sigma )\) est égal à l’entier \(\varepsilon (\rho )\) défini par (3.6).

3.5 .

Soit \({\widetilde{\rho }}\) une représentation \(\ell \)-adique irréductible cuspidale entière de \(\mathrm{G}\) comme au Paragraphe 3.3. Soient \(\rho \) un facteur irréductible de \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\rho }}^{}{})\) et \(a=a({\widetilde{\rho }}^{}{})\) sa longueur. On pose :

$$\begin{aligned} w({\widetilde{\rho }}) = k(\rho ) a({\widetilde{\rho }}). \end{aligned}$$
(3.13)

La représentation \({\widetilde{\rho }}\) est \(\ell \)-supercuspidale au sens de la Définition 1.2 si et seulement si \(w({\widetilde{\rho }})=1\).

Remarque 3.15

Si \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) contient un type simple maximal se décomposant sous la forme \(\widetilde{\kappa }\otimes \widetilde{\sigma }\), alors (3.2) et le Lemme 3.2 entraînent les égalités \(a({\widetilde{\rho }}^{}{})=a(\widetilde{\sigma })\) et \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})=w(\widetilde{\sigma })\).

D’après le Paragraphe 3.1, il y a une représentation irréductible supercuspidale \(\alpha \) de \(\mathrm{G}_{mk(\rho )^{-1}}\) tels que \(\rho \) soit isomorphe à \(\mathrm{Sp}(\alpha ,k(\rho ))\).

Lemme 3.16

On suppose que \(\rho \) n’est pas supercuspidale. Alors l’entier \(\varepsilon (\rho )\) est égal au plus grand diviseur commun à \(\varepsilon (\alpha )\) et \(s(\alpha )\).

Démonstration

Soit \(i\in \mathbf {Z}\). D’après le Lemme 3.6, c’est un multiple de \(\varepsilon (\rho )\) si et seulement si \(\rho \nu ^i\) est isomorphe à \(\rho \). Compte tenu de l’unicité du sous-quotient résiduellement non dégénéré \(\mathrm{Sp}(\alpha ,k)\), avec \(k=k(\rho )>1\) ceci se produit si et seulement si \(\rho \) est un sous-quotient de :

$$\begin{aligned} \alpha \nu ^i\times \alpha \nu _\alpha ^{}\nu ^i\times \dots \times \alpha \nu _{\alpha }^{k-1}\nu ^i. \end{aligned}$$

D’après la propriété d’unicité de \(\alpha \), l’entier \(\varepsilon (\rho )\) divise i si et seulement s’il y a un \(t\in \mathbf {Z}\) tel que \(\alpha \nu ^i\) soit isomorphe à \(\alpha \nu _{\alpha }^t\), ce qui, d’après le Lemme 3.6, équivaut à \(i\in \varepsilon (\alpha )\mathbf {Z}+s(\alpha )\mathbf {Z}\). \(\square \)

Lemme 3.17

Si \(w({\widetilde{\rho }})>1\), alors son plus grand diviseur premier à \(\ell \) est égal à \(\varepsilon (\alpha )\).

Démonstration

Supposons d’abord que \(a({\widetilde{\rho }})>1\), de sorte que son plus grand diviseur premier à \(\ell \) est \(\varepsilon (\rho )\). Si \(k(\rho )=1\), alors \(\rho \) est égale à \(\alpha \) et le résultat est immédiat. Sinon, le résultat découle du Lemme 3.16 et du fait que le plus grand diviseur de \(k(\rho )\) premier à \(\ell \) est égal à l’entier \(\omega (\alpha )\) défini par (3.3).

Supposons que \(k(\rho )>1\) et que \(a({\widetilde{\rho }})=1\). Comme \(\rho \) n’est pas supercuspidale, le Lemme 3.13 implique que \(\varepsilon (\rho )\) est égal à 1, et le résultat découle à nouveau du Lemme 3.16 et du fait que le plus grand diviseur de \(k(\rho )\) premier à \(\ell \) est égal à \(\omega (\alpha )\).\(\square \)

Isolons le corollaire suivant, qui nous sera utile plus tard.

Corollaire 3.18

Supposons que \(k(\rho )>1\) et que \(a({\widetilde{\rho }})=1\). Alors \(\varepsilon (\rho )=1\).

4 Comptage

On fixe un entier \(m\geqslant 1\) et on pose \(\mathrm{G}=\mathrm{GL}_m(\mathrm{D})\). Dans cette section, nous prouvons le critère de \(\ell \)-supercuspidalité (c’est-à-dire la Proposition 1.3) et son complément, la Proposition 1.4.

4.1 Preuve de la Proposition 1.3

Soit \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique entière de \(\mathrm{G}\), et soit \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{})\) l’ensemble des classes inertielles \([\mathrm{G},{\widetilde{\rho }}^{}{}']\) de représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-adiques de \(\mathrm{G}\) congrues à \([\mathrm{G},{\widetilde{\rho }}^{}{}]\) modulo \(\ell \), c’est-à-dire (voir le Paragraphe 1.4 pour la notation) telles que :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ([\mathrm{G},{\widetilde{\rho }}^{}{}'])={{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ([\mathrm{G},{\widetilde{\rho }}^{}{}]). \end{aligned}$$

Fixons un type simple maximal \((\mathrm{J},\widetilde{\lambda })\) dans la classe de \(\mathrm{G}\)-conjugaison correspondant à \([\mathrm{G},{\widetilde{\rho }}^{}{}]\), et notons \(\lambda \) la réduction de \(\widetilde{\lambda }\) modulo \(\ell \). Alors \((\mathrm{J},\lambda )\) est un \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-type simple maximal correspondant à la classe inertielle de la représentation \(\rho \) apparaissant dans (1.2), et l’entier \(a=a({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est l’indice du \(\mathrm{G}\)-normalisateur de \((\mathrm{J},\widetilde{\lambda })\) dans celui de \((\mathrm{J},\lambda )\) (voir [21, Section 3]).

L’ensemble \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{})\) s’identifie donc à l’ensemble des classes de \(\mathrm{G}\)-conjugaison de \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-types simples maximaux \((\mathrm{J}',\widetilde{\lambda }')\) tels que, si l’on note \(\lambda '\) la réduction de \(\widetilde{\lambda }'\) modulo \(\ell \), on ait :

  1. (1)

    les \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-types simples maximaux \((\mathrm{J}',\lambda ')\) et \((\mathrm{J},\lambda )\) sont conjugués sous \(\mathrm{G}\) ;

  2. (2)

    on a \((\mathrm{N}_\mathrm{G}(\mathrm{J}',\lambda '):\mathrm{N}_\mathrm{G}(\mathrm{J}',\widetilde{\lambda }'))=(\mathrm{N}_\mathrm{G}(\mathrm{J},\lambda ):\mathrm{N}_\mathrm{G}(\mathrm{J},\widetilde{\lambda }))\) ;

\(\mathrm{N}_\mathrm{G}(\mathrm{J},\lambda )\) désigne le normalisateur de \((\mathrm{J},\lambda )\) dans \(\mathrm{G}\). Quitte à conjuguer, on peut donc supposer que \(\mathrm{J}'=\mathrm{J}\) et \(\lambda '=\lambda \) ; l’ensemble \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{})\) s’identifie donc à l’ensemble \(\mathcal {T}(\mathrm{J},\widetilde{\lambda })\) des classes de \(\mathrm{N}_\mathrm{G}(\mathrm{J},\lambda )\)-conjugaison de \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-types simples maximaux \((\mathrm{J},\widetilde{\lambda }')\) de \(\mathrm{G}\) tels que :

  1. (1)

    les représentations \(\widetilde{\lambda }'\) et \(\widetilde{\lambda }\) sont congruentes modulo \(\ell \) ;

  2. (2)

    les paires \((\mathrm{J},\widetilde{\lambda }')\) et \((\mathrm{J},\widetilde{\lambda })\) ont le même normalisateur dans \(\mathrm{G}\).

Fixons une décomposition de \(\widetilde{\lambda }\) sous la forme \(\widetilde{\kappa }\otimes \widetilde{\sigma }\) et un isomorphisme de groupes de \(\mathrm{J}/\mathrm{J}^1\) sur \(\mathcal {G}\) (voir le Paragraphe 3.1). Le foncteur :

$$\begin{aligned} \widetilde{\tau }\mapsto \widetilde{\kappa }\otimes \widetilde{\tau } \end{aligned}$$

définit une bijection entre les représentations irréductibles cuspidales de \(\mathcal {G}\) et les types simples maximaux de \(\mathrm{G}\) définis sur \(\mathrm{J}\) et contenant \(\widetilde{\kappa }\). D’après [25, Theorem 7.2], sa réciproque induit une bijection de \(\mathcal {T}(\mathrm{J},\widetilde{\lambda })\) sur l’ensemble \(\mathcal {C}(\widetilde{\sigma })\) des orbites, sous l’action du groupe de Galois \(\mathrm{Gal}(\varvec{d}/\varvec{e})\), de représentations irréductibles cuspidales \(\widetilde{\sigma }'\) de \(\mathcal {G}\) telles que :

  1. (1)

    les représentations \(\widetilde{\sigma }'\) et \(\widetilde{\sigma }\) sont congruentes modulo \(\ell \) ;

  2. (2)

    les orbites de \(\widetilde{\sigma }'\) et de \(\widetilde{\sigma }\) sous \(\mathrm{Gal}(\varvec{d}/\varvec{e})\) ont le même cardinal.

Si \(x\in \mathrm{X}\) correspond à \(\widetilde{\sigma }\), alors (3.7) induit une bijection entre \(\mathcal {C}(\widetilde{\sigma })\) et l’ensemble \(\mathcal {K}(x)\) des orbites des éléments \(x'\in \mathrm{X}\), sous le groupe de Galois de \(\varvec{k}\) sur \(\varvec{e}\), tels que :

  1. (1)

    \(x'\) et x ont la même partie \(\ell \)-régulière ;

  2. (2)

    les \(\mathrm{Gal}(\varvec{k}/\varvec{e})\)-orbites de \(x'\) et de x ont le même cardinal, c’est-à-dire que \(\deg (x')=\deg (x)\).

Remarquons que cette dernière condition signifie que \(x\), \(x'\) ont le même stabilisateur sous l’action de \(\mathrm{Gal}(\varvec{k}/\varvec{e})\). En prenant l’intersection avec \(\mathrm{Gal}(\varvec{k}/\varvec{d})\), on voit que tout \(x'\in {\varvec{k}}^{\times }\) vérifiant cette condition appartient à \(\mathrm{X}\). On obtient ainsi une bijection entre \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{})\) et \(\mathcal {K}(x)\) ; on a donc prouvé le résultat suivant.

Proposition 4.1

L’ensemble \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est fini, et son cardinal \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est le nombre de \(\mathrm{Gal}(\varvec{k}/\varvec{e})\)-orbites des \(x'\in {\varvec{k}}^{\times }\) tels que \(x,x'\) ont la même partie \(\ell \)-régulière et le même degré sur \(\varvec{e}\).

Écrivons \(x\) sous la forme yzy est d’ordre premier à \(\ell \) et z d’ordre une puissance de \(\ell \) (donc y est la partie \(\ell \)-régulière de x). L’application :

$$\begin{aligned} z'\mapsto yz' \end{aligned}$$
(4.1)

est une bijection entre le \(\ell \)-sous-groupe de Sylow \(\mathrm{P}_{\ell }\) de \({\varvec{k}}^{\times }\) et l’ensemble des éléments \(x'\in {\varvec{k}}^{\times }\) dont la partie \(\ell \)-régulière est y. Étant donnés \(z'\in \mathrm{P}_{\ell }\) et \(k\in \mathbf {Z}\), remarquons que :

$$\begin{aligned} (yz')^{q_{\mathrm{E}}^{k}}=yz' \quad \Leftrightarrow \quad y^{q_{\mathrm{E}}^{k}}=y\text { et }(z')^{q_{\mathrm{E}}^{k}}=z'. \end{aligned}$$
(4.2)

Notons \(\varvec{k}_{1}\) l’extension de \(\varvec{e}\) engendrée par y. Pour \(z'\in \mathrm{P}_{\ell }\), notons son orbite sous le groupe de Galois de \(\varvec{k}\) sur \(\varvec{k}_{1}\) et :

son degré sur \(\varvec{k}_{1}\). D’après (4.2), les éléments yz, \(yz'\) ont le même degré sur \(\varvec{e}\) si et seulement si :

$$\begin{aligned} \deg _{1}(z) = \deg _{1}(z'). \end{aligned}$$
(4.3)

Notons \(\mathcal {P}(z)\) l’ensemble des pour \(z'\in \mathrm{P}_\ell \) vérifiant (4.3). On a prouvé le résultat suivant.

Lemme 4.2

L’application (4.1) induit une bijection de \(\mathcal {P}(z)\) sur \(\mathcal {K}(x)\).

Il ne nous reste plus qu’à calculer \(\deg _{1}(z)\) en fonction des invariants associés à \({\widetilde{\rho }}^{}{}\). Comme on a \(a({\widetilde{\rho }}^{}{})=a(\widetilde{\sigma })\) et \(k(\rho )=k(\sigma )\), et compte tenu de (3.8) et (3.11), on en déduit que :

$$\begin{aligned} \deg _{1}(z) = \frac{\deg (x)}{\deg (y)} = k(\rho ) a({\widetilde{\rho }}^{}{}) = w({\widetilde{\rho }}^{}{})=w(\widetilde{\sigma }). \end{aligned}$$
(4.4)

On obtient donc le résultat suivant.

Lemme 4.3

L’entier \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})t({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est le nombre de \(z'\in \mathrm{P}_\ell \) de degré \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})\) sur \(\varvec{k}_{1}\).

Compte tenu de la relation \(n({\widetilde{\rho }}^{}{})s({\widetilde{\rho }}^{}{})=f({\widetilde{\rho }}^{}{})\) (voir (3.1.3)), l’extension de \(\varvec{k}_{1}\) de degré \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est de cardinal :

$$\begin{aligned} q^{n({\widetilde{\rho }}^{}{})}. \end{aligned}$$

On en déduit l’inégalité \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})\leqslant c({\widetilde{\rho }}^{}{})\), et cette inégalité est une égalité si et seulement si \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})=1\), c’est-à-dire si et seulement si \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est \(\ell \)-supercuspidale. Ceci met fin à la preuve de la Proposition 1.3.

4.2 Preuve de la Proposition 1.4

Poussons maintenant plus loin les calculs dans le cas où \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\rho }}^{}{})\) n’est pas irréductible et supercuspidale, c’est-à-dire que \(w=w({\widetilde{\rho }}^{}{})>1\). Notons \(\mathrm{Q}\) le cardinal de \(\varvec{k}_{1}\) et, pour tout \(n\geqslant 1\), notons \(f(n)=f_\mathrm{Q}(n)\) le nombre de \(z'\in \mathrm{P}_\ell \) de degré n sur \(\varvec{k}_{1}\). D’après le Lemme 4.3, on a donc :

$$\begin{aligned} t({\widetilde{\rho }}^{}{})=\frac{f(w)}{w}. \end{aligned}$$

Notons v la valuation \(\ell \)-adique sur \(\mathbf {Z}\), et notons \(\varvec{k}'\) l’extension de \(\varvec{k}_{1}\) de degré w contenue dans \(\varvec{k}\) ; en partitionnant \(\varvec{k}^{\prime \times }\) selon le degré de ses élément sur \(\varvec{k}_{1}\), on obtient l’égalité :

$$\begin{aligned} \ell ^{v(\mathrm{Q}^{w}-1)} = \sum \limits _{n |w} f(n). \end{aligned}$$

Par inversion de Möbius, on a :

$$\begin{aligned} f(w) = \sum \limits _{n | w} \mu \left( \frac{w}{n}\right) \ell ^{v(\mathrm{Q}^{n}-1)} \end{aligned}$$

\(\mu \) désigne la fonction de Möbius. Notons \(w_0\) le plus grand diviseur de w premier à \(\ell \).

Lemme 4.4

L’ordre de \(\mathrm{Q}\) dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \) est égal à \(w_0\).

Démonstration

L’ordre de z est de la forme \(\ell ^r\), \(r\geqslant 0\). Comme \(w>1\), on déduit que \(r\geqslant 1\). La condition \(\deg _{1}(z)=w\) signifie que l’ordre de \(\mathrm{Q}\) dans \((\mathbf {Z}/\ell ^{r}\mathbf {Z})^\times \) est égal à w. En projetant sur \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \), on en déduit que l’ordre de \(\mathrm{Q}\) dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \) est égal au plus grand diviseur de w premier à \(\ell \), c’est-à-dire \(w_0\).\(\square \)

On a donc :

$$\begin{aligned} f(w) = \sum \limits _{t\leqslant v(w)} \sum \limits _{n | w_0} \ \mu (\ell ^{v(w)-t})\mu \left( \frac{w_0}{n}\right) \ell ^{v(\mathrm{Q}^{n\ell ^t}-1)}. \end{aligned}$$

Si \(v(w)=0\), on a \(w=w_0>1\) et cela donne simplement :

$$\begin{aligned} f(w_0) = \sum \limits _{n | w_0} \mu \left( \frac{w_0}{n}\right) \ell ^{v(\mathrm{Q}^{n}-1)}. \end{aligned}$$

On trouve que :

$$\begin{aligned} f(w_0) = \ell ^{v(\mathrm{Q}^{w_0}-1)} + \mathop {\mathop {\sum }\limits _{n | w_0}}\limits _{n\ne w_0} \mu \left( \frac{w_0}{n}\right) =\ell ^{v(\mathrm{Q}^{w_0}-1)}-1. \end{aligned}$$

Supposons maintenant que \(v(w)\geqslant 1\). Cela donne :

$$\begin{aligned} f(w)= & {} \sum \limits _{n | w_0} \mu \left( \frac{w_0}{n}\right) \ell ^{v(\mathrm{Q}^{n\ell ^{v(w)}}-1)} - \sum \limits _{n | w_0} \mu \left( \frac{w_0}{n}\right) \ell ^{v(\mathrm{Q}^{n\ell ^{v(w)-1}}-1)}\\= & {} f_{\mathrm{Q}^{\ell ^{v(w)}}}(w_0)-f_{\mathrm{Q}^{\ell ^{v(w)-1}}}(w_0). \end{aligned}$$

Comme \(\mathrm{Q}\) a le même ordre que \(\mathrm{Q}^{\ell ^k}\), \(k\geqslant 0\), dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \), à savoir \(w_0\), on trouve que :

$$\begin{aligned} f(w) = \ell ^{v(\mathrm{Q}^{w_0\ell ^{v(w)}}-1)}-\ell ^{v(\mathrm{Q}^{w_0\ell ^{v(w)-1}}-1)} = \ell ^{v(\mathrm{Q}^{w}-1)-1}(\ell -1). \end{aligned}$$

On trouve ainsi le résultat annoncé, en remarquant que \(c({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est égal à \(\ell ^{v(\mathrm{Q}^{w}-1)}\).

4.3 .

Dans ce paragraphe, nous allons reformuler la Proposition 1.3 sous une forme analogue à celles de Vignéras [28, Proposition 2.3] et Dat [11, Proposition 2.3.2].

Fixons une uniformisante \(\varpi \) de \(\mathrm{F}\) et, pour toute représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique entière \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) de \(\mathrm{G}\), notons \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{},\varpi )\) l’ensemble des classes de représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-adiques entières de \(\mathrm{G}\) qui sont congrues à \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) et dont le caractère central prend la même valeur que celui de \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) en \(\varpi \). Soit \(\mathfrak {c}({\widetilde{\rho }}^{}{})\) la plus grande puissance de \(\ell \) divisant :

$$\begin{aligned} \frac{md}{n({\widetilde{\rho }}^{}{})} \cdot (q^{n({\widetilde{\rho }}^{}{})}-1). \end{aligned}$$

On a le résultat suivant.

Proposition 4.5

Soit \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale et entière de \(\mathrm{G}\). Alors l’ensemble \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{},\varpi )\) est fini, de cardinal noté \(\mathfrak {t}({\widetilde{\rho }}^{}{})\), et on a :

$$\begin{aligned} \mathfrak {t}({\widetilde{\rho }}^{}{})\leqslant \mathfrak {c}({\widetilde{\rho }}^{}{}) \end{aligned}$$

avec égalité si et seulement si \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est \(\ell \)-supercuspidale.

Démonstration

D’après la Proposition 1.3, il suffit de prouver que \(\mathfrak {t}({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est le produit de \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})\) par la plus grande puissance de \(\ell \) divisant \(md\cdot n({\widetilde{\rho }}^{}{})^{-1}\). Remplaçons la correspondance bijective (3.1) par la bijection :

$$\begin{aligned} \rho \leftrightarrow (\varvec{\mathrm{J}},\Lambda ) \end{aligned}$$

entre classes d’isomorphisme de représentations irréductibles cuspidales de \(\mathrm{G}\) et classes de conjugaison (sous \(\mathrm{G}\)) de types simples maximaux étendus de \(\mathrm{G}\) (voir [21, Théorème 3.11]).

Soit \((\mathrm{J},\widetilde{\lambda })\) un type simple maximal contenu dans la \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale \({\widetilde{\rho }}^{}{}\), et soit \(\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}\) son normalisateur dans \(\mathrm{G}\). D’après [21, Proposition 3.1], il y a une unique représentation \(\widetilde{\Lambda }\) de \(\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}\) prolongeant \(\widetilde{\lambda }\) dont l’induite à \(\mathrm{G}\) est isomorphe à \({\widetilde{\rho }}^{}{}\). Notons \(\overline{\Lambda }\) la réduction modulo \(\ell \) de \(\widetilde{\Lambda }\), qui est un prolongement de \(\lambda \) à \(\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}\).

Soit \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\) une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique entière de \(\mathrm{G}\). Pour qu’elle soit congrue à \({\widetilde{\rho }}^{}{}\), il faut et il suffit qu’elle contienne un type simple maximal étendu \((\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}{}',\widetilde{\Lambda }')\) tel que \(\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}{}'\) soit égal à \(\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}\) et dont la réduction modulo \(\ell \), notée \(\overline{\Lambda }{}'\), soit égale à \(\overline{\Lambda }\). L’entier \(\mathfrak {t}({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est donc le nombre de classes de \(\mathrm{G}\)-conjugaison de \((\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}{}',\widetilde{\Lambda }')\) tels que \(\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}{}'=\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}\), \(\overline{\Lambda }{}'=\overline{\Lambda }\) et \(\widetilde{\Lambda }'(\varpi )=\widetilde{\Lambda }(\varpi )\). Fixons une uniformisante \(\varpi '\) de \(\mathrm{D}'\) et posons :

$$\begin{aligned} \widetilde{\varpi }=(\varpi ')^{d's({\widetilde{\rho }}^{}{})^{-1}}. \end{aligned}$$

Le groupe \(\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}\) est engendré par \(\mathrm{J}\) et \(\widetilde{\varpi }\). L’entier \(\mathfrak {t}({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est égal au produit \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})t_1({\widetilde{\rho }}^{}{})\)\(t_1({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est le nombre de représentations \(\widetilde{\Lambda }'\) de \(\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}\) prolongeant \(\widetilde{\lambda }\) telles que \(\overline{\Lambda }{}'(\widetilde{\varpi })=\overline{\Lambda }(\widetilde{\varpi })\) et \(\widetilde{\Lambda }'(\varpi )=\widetilde{\Lambda }(\varpi )\). Le nombre de représentations irréductibles de \(\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}\) prolongeant \(\lambda \) et prenant une valeur fixée en \(\varpi \) est égal à l’indice de \({\mathrm{F}}^{\times }\varvec{\mathrm{J}}\) dans \(\widetilde{\varvec{\mathrm{J}}}\), c’est-à-dire à :

$$\begin{aligned} e(\mathrm{E}:\mathrm{F})s({\widetilde{\rho }}^{}{}) = md\cdot n({\widetilde{\rho }}^{}{})^{-1}, \end{aligned}$$
(4.5)

\(e(\mathrm{E}:\mathrm{F})\) désigne l’indice de ramification de \(\mathrm{E}\) sur \(\mathrm{F}\). Compte tenu de la condition supplémentaire sur \(\overline{\Lambda }{}'(\widetilde{\varpi })\), on trouve que \(t_1({\widetilde{\rho }}^{}{})\) est la plus grande puissance de \(\ell \) divisant (4.5).\(\square \)

5 Preuve de la Proposition 1.5

Soit \(\rho \) une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-modulaire de \(\mathrm{G}\) et soit \((\mathrm{J},\kappa \otimes \sigma )\) un \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-type simple maximal dans la classe de \(\mathrm{G}\)-conjugaison correspondant à \([\mathrm{G},\rho ]\). D’après [21], pour que \(\rho \) se relève à \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\), il faut et suffit que \(\sigma \), considérée comme une représentation irréductible cuspidale de \(\mathcal {G}\), se relève en une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique \(\widetilde{\sigma }\) telle que \(s(\widetilde{\sigma })=s(\sigma )\).

Soit \(y\in \mathrm{Y}\) correspondant à \(\sigma \) par (3.10). Pour qu’une telle représentation \(\widetilde{\sigma }\) existe, il faut et il suffit donc, d’après (4.4), qu’il existe un \(x\in \mathrm{X}\) dont la partie \(\ell \)-régulière soit y et qui vérifie :

$$\begin{aligned} \deg (x) = k(\sigma )\cdot \deg (y). \end{aligned}$$

Si \(\rho \) (donc \(\sigma \)) est supercuspidale, c’est-à-dire si l’on a \(k(\sigma )=1\), alors \(x=y\in \mathrm{X}\) vérifie les conditions requises, et on retrouve bien le fait que toute représentation irréductible supercuspidale \(\ell \)-modulaire se relève.

Supposons maintenant que \(\rho \) est cuspidale mais pas supercuspidale, c’est-à-dire que \(k(\sigma )>1\). D’après le Corollaire 3.7, la Proposition 1.5 peut être reformulée de la façon suivante.

Proposition 5.1

Soit \(\rho \) une représentation irréductible cuspidale non supercuspidale \(\ell \)-modulaire de \(\mathrm{G}\). Pour que \(\rho \) se relève à \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\), il faut et il suffit que \(s(\rho )\) et \(k(\rho )\) soient premiers entre eux et que \(\varepsilon (\rho )=1\).

D’après la Remarque 3.14, l’entier \(\varepsilon (\rho )\) est égal à l’entier \(\varepsilon (\sigma )\) défini par (3.6).

Lemme 5.2

Pour toute représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique \(\widetilde{\sigma }\) relevant \(\sigma \), le plus grand diviseur de \(a(\widetilde{\sigma })\) premier à \(\ell \) est \(\varepsilon (\sigma )\).

Démonstration

Fixons un \(x\in \mathrm{X}\) correspondant à \(\widetilde{\sigma }\) et de partie régulière y. Comme \(\rho \) (donc \(\sigma \)) n’est pas supercuspidale, on a \(x\ne y\). Le résultat suit alors du Lemme 3.13. \(\square \)

Pour harmoniser les notations, posons \(f(\sigma )=f(\rho )\).

Lemme 5.3

Soit \(z\in \mathrm{P}_\ell \) d’ordre \(\ell ^r\), \(r\geqslant 0\). On a \(yz\in \mathrm{X}\) si et seulement si l’ordre de :

$$\begin{aligned} q^{f(\sigma )k(\sigma )^{-1}} \end{aligned}$$
(5.1)

dans \((\mathbf {Z}/\ell ^r\mathbf {Z})^\times \) est égal à \(k(\sigma )\).

Comme \(y\in \mathrm{Y}\), il y a un \(z\in \mathrm{P}_\ell \) (non trivial puisque \(\sigma \) n’est pas supercuspidale) tel que \(yz\in \mathrm{X}\). Il y a donc un \(r\geqslant 1\) tel que l’ordre de (5.1) dans \((\mathbf {Z}/\ell ^r\mathbf {Z})^\times \) est égal à \(k(\sigma )\). En réduisant modulo \(\ell \), on en déduit que son ordre dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \) est le plus grand diviseur de \(k(\sigma )\) premier à \(\ell \).

Lemme 5.4

Soit \(z\in \mathrm{P}_\ell \) d’ordre \(\ell ^r\), \(r\geqslant 0\). On a \(\deg (yz)=k(\sigma )\cdot \deg (y)\) si et seulement si l’ordre de :

$$\begin{aligned} q^{f(\sigma )(k(\sigma )s(\sigma ))^{-1}} \end{aligned}$$
(5.2)

dans \((\mathbf {Z}/\ell ^r\mathbf {Z})^\times \) est égal à \(k(\sigma )\).

Supposons d’abord que \(\rho \) se relève à \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\). D’après le Lemme 3.12 et le Corollaire 3.18, on trouve que \(k(\rho )\) est premier à \(s(\rho )\) et que \(\varepsilon (\rho )=1\).

Inversement, supposons que les conditions de la Proposition 1.5 sont vérifiées. Soit \(z\in \mathrm{P}_\ell \) d’ordre \(\ell ^r\), \(r\geqslant 1\), tel que \(yz\in \mathrm{X}\), et notons n l’ordre de (5.2) dans \((\mathbf {Z}/\ell ^r\mathbf {Z})^\times \). D’après le Lemme 5.3, on a :

$$\begin{aligned} \frac{n}{(n,s(\sigma ))} = k(\sigma ). \end{aligned}$$
(5.3)

L’hypothèse \(\varepsilon (\rho )=1\) implique que :

$$\begin{aligned} \frac{n}{(n,k(\sigma ))} = \ell ^{t}, \quad t\geqslant 0. \end{aligned}$$
(5.4)

Si \(\ell \) divise \(k(\sigma )\), alors \(s(\sigma )\) est premier à \(\ell \), et (5.3) et (5.4) impliquent que \(n=k(\sigma )\).

En revanche, si \(k(\sigma )\) est premier à \(\ell \), écrivons \(n=k(\sigma )n'\) avec \(n'=(n,s(\sigma ))=\ell ^t\). On peut remarquer que \(t=v(n)\). Alors l’élément :

$$\begin{aligned} z^{\ell ^{v(n)}}\in \mathrm{P}_\ell \end{aligned}$$

qui est d’ordre \(\ell ^{r-v(n)}\), vérifie la condition du Lemme 5.4 car l’ordre de (5.2) dans \((\mathbf {Z}/\ell ^{r-v(n)}\mathbf {Z})^\times \) est égal à \(n\ell ^{-v(n)}=k(\sigma )\). Comme \(k(\rho )\) est premier à \(s(\rho )\), il vérifie aussi la condition du Lemme 5.3. Ceci met fin à la preuve de la Proposition 1.5.

Remarque 5.5

Posons \(k=k(\sigma )\) et \(s=s(\sigma )\), et notons \(\tau \) l’unique représentation irréductible supercuspidale de \(\mathrm{GL}_{m'k^{-1}}(\varvec{d})\) telle que \(\sigma \) soit isomorphe à la représentation non dégénérée notée \(\mathrm{sp}(\tau ,k)\) au Paragraphe 3.2. Le plus grand diviseur de k premier à \(\ell \) est \(\varepsilon (\tau )(s,\varepsilon (\tau ))^{-1}\) et \(\varepsilon (\sigma )\) est égal à \((s,\varepsilon (\tau ))\). La condition de la Proposition 1.5 s’écrit donc \(\varepsilon (\rho )=1\) et min\((v(k),v(s))=0\).

6 Preuve de la Proposition 1.6

Soit \(\rho \) une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-modulaire de \(\mathrm{G}\), et soit \(a>1\). On cherche à quelle condition \(\rho \) admet un a-relèvement, c’est-à-dire une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique entière \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) de \(\mathrm{G}\) dont la réduction modulo \(\ell \) contienne \(\rho \) et soit de longueur a. Il faut et suffit pour cela que \(\sigma \) se relève en une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique \(\widetilde{\sigma }\) telle que \(s(\sigma )=a\cdot s(\widetilde{\sigma })\). D’après les Lemmes 3.12 et 3.13, on a des conditions nécessaires :

  1. (1)

    \(a=\varepsilon (\sigma )\ell ^u\) avec \(u\geqslant 0\).

  2. (2)

    a divise \(s(\sigma )\) et \(s(\sigma )a^{-1}\) est premier à \(k(\sigma )\).

Supposons donc qu’elles sont vérifiées.

Remarque 6.1

En particulier, si \(\sigma \) n’est pas supercuspidale, les Lemmes 3.12 et 3.13 montrent que \(\varepsilon (\sigma )\) divise \(s(\sigma )\).

Soit \(y\in \mathrm{Y}\) correspondant à \(\sigma \) par (3.10). Pour qu’une telle représentation \(\widetilde{\sigma }\) existe, il faut et il suffit donc, d’après (4.4), qu’il existe un \(x\in \mathrm{X}\) dont la partie \(\ell \)-régulière soit y et qui vérifie :

$$\begin{aligned} \deg (x) = ak(\sigma )\cdot \deg (y). \end{aligned}$$

Comme \(y\in \mathrm{Y}\), il y a un \(z\in \mathrm{P}_\ell \) (non trivial car \(a>1\)) tel que \(yz\in \mathrm{X}\). Il y a donc un entier \(r\geqslant 1\) tel que l’ordre de (5.1) dans \((\mathbf {Z}/\ell ^r\mathbf {Z})^\times \) est égal à \(k(\sigma )\). En réduisant modulo \(\ell \), on en déduit que son ordre dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \) est le plus grand diviseur de \(k(\sigma )\) premier à \(\ell \).

Lemme 6.2

Soit \(z\in \mathrm{P}_\ell \) d’ordre \(\ell ^r\), \(r\geqslant 0\). On a \(\deg (yz)=ak(\sigma )\cdot \deg (y)\) si et seulement si l’ordre de :

$$\begin{aligned} q^{f(\sigma )(k(\sigma )s(\sigma ))^{-1}} \end{aligned}$$
(6.1)

dans \((\mathbf {Z}/\ell ^r\mathbf {Z})^\times \) est égal à \(ak(\sigma )\).

Soit \(z\in \mathrm{P}_\ell \) d’ordre \(\ell ^r\), \(r\geqslant 1\), tel que \(yz\in \mathrm{X}\), et soit n l’ordre de (6.1) dans \((\mathbf {Z}/\ell ^r\mathbf {Z})^\times \). D’après le Lemme 5.3, on a :

$$\begin{aligned} \frac{n}{(n,s(\sigma ))} = k(\sigma ). \end{aligned}$$

En particulier, on a :

$$\begin{aligned} v(n)=v(k)+\mathrm{min}(v(n),v(s(\sigma ))). \end{aligned}$$

Si l’on note \(n_0\) le plus grand diviseur de n premier à \(\ell \), on a :

$$\begin{aligned} \frac{n_0}{(n_0,k(\sigma ))} = \varepsilon (\sigma ). \end{aligned}$$

On déduit de l’hypothèse sur a que \((n_0,s(\sigma ))=\varepsilon (\sigma )\), puis que \(n_0=k_0(\sigma )\varepsilon (\sigma )\), où \(k_0(\sigma )\) désigne le plus grand diviseur de \(k(\sigma )\) premier à \(\ell \).

On cherche un \(t\in \{1,\dots ,v(q^{f(\sigma )}-1)\}\) tel que l’ordre de (6.1) dans \((\mathbf {Z}/\ell ^t\mathbf {Z})^\times \) soit égal à \(ak(\sigma )\). D’après l’hypothèse sur a, cela impliquera automatiquement que l’ordre de (5.1) est \(k(\sigma )\). Soit :

$$\begin{aligned} t_0 = v(\mathrm{Q}^{n_0}-1) \end{aligned}$$

\(\mathrm{Q}\) est défini par (6.1) (voir aussi le Paragraphe 4.2). On a donc :

$$\begin{aligned} v(q^{f(\sigma )}-1) = t_0 + v(s(\sigma )) + v(k). \end{aligned}$$

Posons \(t=t_0+u+v(k)\) (on a bien \(t\leqslant v(q^{f(\sigma )}-1)\) car \(u\leqslant v(s(\sigma ))\)). Alors l’ordre de (6.1) dans \((\mathbf {Z}/\ell ^t\mathbf {Z})^\times \) est égal à \(n_0\ell ^u=ak(\sigma )\).

Remarque 6.3

Compte tenu de la Remarque 5.5, la condition de la Proposition 1.6 se résume à \(u\in \{0,\dots ,v(s(\rho ))\}\) et min\((v(k(\rho )),v(s(\rho ))-u)=0\).

7 Preuve de la Proposition 1.7

Dans toute cette section, on fixe des entiers \(n,w\geqslant 1\) tels que w divise n. Nous prouvons ici la formule de comptage (1.3), que l’on complètera dans la section suivante en le Théorème 1.13.

7.1 .

Dans ce paragraphe, nous rappelons brièvement quelques attributs des \(\mathrm{F}\)-endoclasses de caractères simples dont nous aurons besoin. Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur à [5].

Soit \(\mathrm{A}\) une \(\mathrm{F}\)-algèbre centrale simple de dimension finie, soit \([\Lambda ,n_\Lambda ,0,\beta ]\) une strate simple de \(\mathrm{A}\) et soit \(\theta \in \mathcal {C}(\Lambda ,0,\beta )\) un caractère simple. Le couple \(([\Lambda ,n_\Lambda ,0,\beta ],\theta )\) définit un ps-caractère dont l’endo-classe — qui est une classe d’équivalence de ps-caractères — est notée \(\varvec{\Theta }\). Les entiers :

$$\begin{aligned} f(\varvec{\Theta })= & {} f(\mathrm{F}[\beta ]:\mathrm{F}), \\ \deg (\varvec{\Theta })= & {} [\mathrm{F}[\beta ]:\mathrm{F}], \end{aligned}$$

c’est-à-dire le degré résiduel et le degré de \(\mathrm{F}[\beta ]\) sur \(\mathrm{F}\) respectivement, ne dépendent pas du choix de \(\beta \) mais uniquement de \(\varvec{\Theta }\). Le nombre rationnel positif :

$$\begin{aligned} l(\varvec{\Theta }) = -v_{\mathrm{F}}(\beta ), \end{aligned}$$

\(v_{\mathrm{F}}\) désigne la valuation sur \(\mathrm{F}[\beta ]\) normalisée en donnant la valeur 1 à une uniformisante de \(\mathrm{F}\), ne dépend pas non plus du choix de \(\beta \) mais uniquement de \(\varvec{\Theta }\).

Si \(\rho \) est une \(\mathrm{R}\)-représentation irréductible cuspidale de \({\mathrm{A}}^{\times }\) (ici \(\mathrm{R}\) désigne \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\) ou \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)), il existe un couple \(([\Lambda ,n_\Lambda ,0,\beta ],\theta )\) comme ci-dessus tel que la restriction de \(\rho \) au pro-p-sous-groupe \(\mathrm{H}^1(\beta ,\Lambda )\) contienne \(\theta \). L’endoclasse \(\varvec{\Theta }\) définie par ce couple ne dépend que de la classe d’isomorphisme de la représentation \(\rho \), et le nombre rationnel \(l(\varvec{\Theta })\geqslant 0\) est le niveau normalisé (ou aussi profondeur) de \(\rho \).

7.2 .

Soit \(\mathrm{D}\) une \(\mathrm{F}\)-algèbre centrale simple de degré réduit d divisant n, et soit \(\varvec{\Theta }\) une \(\mathrm{F}\)-endoclasse de degré \(g\) divisant \(nw^{-1}\). On définit un entier \(m\geqslant 1\) par la relation \(md=n\) et on pose :

$$\begin{aligned} d' = \frac{d}{(d,g)}, \quad m' = \frac{m(d,g)}{g}. \end{aligned}$$

Pour tout \(u\geqslant 1\) divisant m, notons \(\mathscr {A}(\mathrm{D},\varvec{\Theta },w,u)\) l’ensemble des classes inertielles de représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-adiques \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) de \(\mathrm{GL}_{u}(\mathrm{D})\) telles que :

  1. (1)

    \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})=w\) ;

  2. (2)

    l’endoclasse de \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est égale à \(\varvec{\Theta }\).

Remarquons que, pour qu’il y ait une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) de \(\mathrm{GL}_{u}(\mathrm{D})\) d’endoclasse \(\varvec{\Theta }\), il faut et il suffit que l’entier u soit de la forme :

$$\begin{aligned} u = \frac{g}{(d,g)}\cdot u' \end{aligned}$$
(7.1)

\(u'\) est un diviseur de \(m'\). Posons maintenant :

$$\begin{aligned} \mathscr {A}(\mathrm{D},\varvec{\Theta },w) = \bigcup \limits _{u|m} \mathscr {A}(\mathrm{D},\varvec{\Theta },w,u) \end{aligned}$$
(7.2)

et notons \(\mathscr {A}_{\ell }(\mathrm{D},\varvec{\Theta },w)\) l’ensemble des réductions modulo \(\ell \) des éléments de (7.2). L’endoclasse \(\varvec{\Theta }\) étant fixée, cet ensemble est fini, et son cardinal sera noté \(\varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},\varvec{\Theta },w)\).

7.3 .

Dans ce paragraphe, on suppose que \(\varvec{\Theta }\) est la \(\mathrm{F}\)-endoclasse nulle \(\varvec{0}\), et on va calculer \(\varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},\varvec{0},w)\). Étant donné un entier \(u\geqslant 1\) divisant m, toute représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-modulaire \(\sigma \) de \(\mathrm{GL}_u(\varvec{d})\) définit un type simple maximal de niveau 0 de \(\mathrm{GL}_u(\mathrm{D})\) — donc une classe inertielle \(\Omega (\sigma )\) de représentations cuspidales de niveau 0 de \(\mathrm{GL}_u(\mathrm{D})\). L’application :

$$\begin{aligned} \sigma \mapsto \Omega (\sigma ) \end{aligned}$$
(7.3)

est surjective (toutes les classes inertielles de représentations cuspidales de niveau 0 de \(\mathrm{GL}_u(\varvec{d})\) sont atteintes) et ses fibres sont les classes de conjugaison sous le groupe de Galois de \(\varvec{d}\) sur \(\varvec{e}\).

Lemme 7.1

Soit \(\sigma \) une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-modulaire de \(\mathrm{GL}_u(\varvec{d})\). Alors \(\Omega (\sigma )\) appartient à \(\mathscr {A}_\ell (\mathrm{D},\varvec{0},w)\) si et seulement s’il existe une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique \(\widetilde{\sigma }\) de \(\mathrm{GL}_u(\varvec{d})\) dont la réduction modulo \(\ell \) soit \(\sigma \) et telle que \(w(\widetilde{\sigma })=w\).

Notant \({{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_{\ell }(q,m,d,w)\) l’image réciproque de \(\mathscr {A}_\ell (\mathrm{D},\varvec{0},w)\) par (7.3), qui est décrite par le Lemme 7.1, on obtient ainsi :

$$\begin{aligned} \varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},\varvec{0},w) = \sum _{\sigma } \frac{s(\sigma )}{d} \end{aligned}$$

\(\sigma \) décrit l’ensemble \({{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_{\ell }(q,m,d,w)\).

Fixons une clôture algébrique \(\overline{\varvec{k}}\) de \(\varvec{d}\) et notons \(\varvec{k}'\) l’extension de \(\varvec{e}\) de degré \(nw^{-1}\) incluse dans \(\overline{\varvec{k}}\). Pour tout \(y\in \varvec{k}'^{\times }\), posons :

$$\begin{aligned} \deg (y)= & {} \text {degr}\acute{\mathrm{e}}\text { de }y\text { sur }\varvec{e}, \\ {\upepsilon }(y)= & {} \text {ordre de }q^{\deg (y)} \text { dans }(\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times . \end{aligned}$$

et notons \({{\mathbf {\mathsf{{Y}}}}}_{\ell }(q,n,w)\) l’ensemble des \(y \in \varvec{k}'^{\times }\), d’ordre premier à \(\ell \), tels que \({\upepsilon }(y)\) soit égal à \(w_0\), le plus grand diviseur de w premier à \(\ell \). Nous allons définir une application surjective :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{Y}}}}}_{\ell }(q,n,w) \rightarrow {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_{\ell }(q,m,d,w) \end{aligned}$$

dépendant du choix de \(\mathrm{D}\).

Soit \(y\in {{\mathbf {\mathsf{{Y}}}}}_{\ell }(q,n,w)\). Notons :

$$\begin{aligned} r(y) = \frac{\deg (y)}{(\deg (y),d)} \end{aligned}$$

le degré de y sur \(\varvec{d}\) et \(\varvec{\uptau }_\mathrm{D}(y)\) la représentation irréductible supercuspidale \(\ell \)-modulaire du groupe \(\mathrm{GL}_{r(y)}(\varvec{d})\) correspondant à y par (3.10). Posons \(s(y)=s(\varvec{\uptau }_\mathrm{D}(y))\) et :

$$\begin{aligned} k(y)=\frac{w}{(w,s(y))}. \end{aligned}$$

On a le lemme suivant.

Lemme 7.2

Il existe une unique représentation irréductible cuspidale :

$$\begin{aligned} \varvec{\upsigma }_\mathrm{D}(y) \end{aligned}$$

dont le support supercuspidal soit égal à \(k(y)\cdot \varvec{\uptau }_\mathrm{D}(y)\).

Démonstration

D’après le Paragraphe 3.2, il suffit de prouver que le plus grand diviseur de k premier à \(\ell \), noté \(k_0\), est égal à l’ordre de \(q^{dr(y)}\) dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \). Comme on a \({\upepsilon }(y)=w_0\) d’une part et \(r(y)d = s(y)\deg (y)\) d’autre part, cet ordre est égal à :

$$\begin{aligned} \frac{w_0}{(w_0,s(y))} = k_0, \end{aligned}$$

ce qui met fin à la démonstration.\(\square \)

Lemme 7.3

Pour tout , la représentation \(\varvec{\upsigma }_\mathrm{D}(y)\) appartient à .

Démonstration

Il faut d’abord prouver que le degré de \(\varvec{\upsigma }_\mathrm{D}(y)\) divise m. D’abord, on a :

$$\begin{aligned} s(y)=\frac{d}{(\deg (y),d)}. \end{aligned}$$

Par hypothèse sur y, il existe un entier \(t\geqslant 1\) tel que \(n=wt\cdot \deg (y)\). On en déduit que :

$$\begin{aligned} r(y)=\frac{m}{(m,wt)} \quad \text {et}\quad s(y)=\frac{wt}{(m,wt)} \quad \text {et}\quad k(y)=\frac{(m,wt)}{((m,wt),t)}, \end{aligned}$$

puis que l’entier \(\deg (\varvec{\upsigma }_\mathrm{D}(y))=k(y)r(y)\) divise m. D ’après le début de la Sect. 6, il ne reste qu’à vérifier que \(a=(w,s(y))\) divise s(y) et que \(s(y)a^{-1}=s(y)(w,s(y))^{-1}\) est premier à k(y), ce qui est immédiat.\(\square \)

Ceci définit une application \(\varvec{\upsigma }_\mathrm{D}: y \mapsto {} \varvec{\upsigma }_\mathrm{D}(y)\) de \({{\mathbf {\mathsf{{Y}}}}}_{\ell }(q,n,w)\) dans \({{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell (q,m,d,w)\).

Proposition 7.4

L’application \(\varvec{\upsigma }_\mathrm{D}\) est surjective, et ses fibres sont les classes de conjugaison sous l’automorphisme de Frobenius \(x\mapsto x^{q^d}\).

Démonstration

Soit \(\sigma \in {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell (q,m,d,w)\). Il y a une unique représentation irréductible supercuspidale \(\ell \)-modulaire \(\varvec{\uptau }(\sigma )\) telle que le support supercuspidal de \(\sigma \) soit égal à \(k(\sigma )\cdot \varvec{\uptau }(\sigma )\). Soit \(y\in \overline{\varvec{k}}{}^\times \) un paramètre de James pour \(\varvec{\uptau }(\sigma )\). Il est d’ordre premier à \(\ell \) et vérifie \({\upepsilon }(y)=w_0\), mais il est a priori dans une extension de \(\varvec{e}\) de degré \(nk(\sigma )^{-1}\). Toutefois, par hypothèse sur \(\sigma \), l’entier \(wk(\sigma )^{-1}\) divise \(s(\tau )\). On en déduit que y est dans une extension de \(\varvec{e}\) de degré \(nw^{-1}\), c’est-à-dire que \(y\in {{\mathbf {\mathsf{{Y}}}}}_\ell (q,n,w)\), ce qui prouve la surjectivité. Ensuite, on a :

$$\begin{aligned} \deg (\sigma ) = \frac{\deg (y)}{(\deg (y),d)}\cdot \frac{w}{(w,s(y))} \quad \text {et}\quad k(\sigma ) = (w,\deg (\sigma )) = \frac{w}{(w,s(y))}. \end{aligned}$$

Il s’ensuit que l’application \(\sigma \mapsto \varvec{\uptau }(\sigma )\) est injective.\(\square \)

On en déduit que :

$$\begin{aligned} \varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},\varvec{0},w)= & {} \sum _{y} \frac{s(\varvec{\upsigma }_\mathrm{D}(y))}{d}\cdot \frac{1}{\deg (\varvec{\upsigma }_\mathrm{D}(y))}\\= & {} \sum _{y} \frac{1}{\deg (y)} \end{aligned}$$

(où y décrit \({{\mathbf {\mathsf{{Y}}}}}_\ell (q,n,w)\)), valeur que l’on note \(\varvec{y}_{\ell }^{1}(q,n,w)\).

7.4 .

Supposons maintenant que \(\varvec{\Theta }\) est quelconque, de degré g divisant \(nw^{-1}\). On pose :

$$\begin{aligned} q(\varvec{\Theta })=q^{f(\varvec{\Theta })}, \quad n(\varvec{\Theta }) = m'd' = \frac{n}{g}, \end{aligned}$$

\(f(\varvec{\Theta })\) désigne le degré résiduel de l’endoclasse \(\varvec{\Theta }\). Fixons un entier u de la forme (7.1) et une réalisation \(([\Lambda ,n_\Lambda ,0,\beta ],\theta )\), où \(\theta \) est un caractère simple (\(\ell \)-modulaire) attaché à la strate simple \([\Lambda ,n_\Lambda ,0,\beta ]\) de \(\mathrm{M}_u(\mathrm{D})\). On suppose que l’intersection entre l’ordre héréditaire associé à \(\Lambda \) et le centralisateur de \(\mathrm{F}[\beta ]\) dans \(\mathrm{M}_u(\mathrm{D})\) est maximal. Fixons aussi une \(\beta \)-extension \(\kappa \) de \({\theta }\) et posons \(\mathrm{J}=\mathrm{J}(\beta ,\Lambda )\). L’application \(\sigma \mapsto \kappa \otimes \sigma \) induit une surjection :

$$\begin{aligned} \sigma \mapsto [\mathrm{J},\kappa \otimes \sigma ] \leftrightarrow [\mathrm{GL}_u(\mathrm{D}),\rho ] \end{aligned}$$
(7.4)

entre classes d’isomorphisme de représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-modulaires du groupe \(\mathrm{GL}_{u'}(\varvec{d})\) et classes inertielles de représentations irréductibles cuspidales \(\ell \)-modulaires du groupe \(\mathrm{GL}_{u}(\mathrm{D})\) d’endoclasse \(\varvec{\Theta }\). L’image d’une représentation \(\sigma \) par (7.4) appartient à \(\mathscr {A}_{\ell }(\mathrm{D},\varvec{\Theta },w)\) si et seulement si \(\sigma \) est dans \({{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_{\ell }(q(\varvec{\Theta }),m',d',w)\), et l’ensemble des antécédents d’une classe inertielle \([\mathrm{GL}_u(\mathrm{D}),\rho ]\) par (7.4) est de cardinal \(s(\rho )\). On obtient ainsi :

$$\begin{aligned} \varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},\varvec{\Theta },w) = \sum _{\sigma } \frac{s(\sigma )}{d'} = \varvec{y}_{\ell }^{1}(q(\varvec{\Theta }),n(\varvec{\Theta }),w) \end{aligned}$$

\(\sigma \) décrit l’ensemble \({{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_{\ell }(q(\varvec{\Theta }),m',d',w)\).

7.5 .

Finalement, si l’on fixe un nombre rationnel \(j\geqslant 0\), et si l’on pose :

$$\begin{aligned} \mathscr {A}_\ell (\mathrm{D},w,j) = \bigcup \limits _{l(\varvec{\Theta })\leqslant j} \mathscr {A}_\ell (\mathrm{D},\varvec{\Theta },w), \end{aligned}$$

alors on obtient l’égalité :

$$\begin{aligned} \varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},w,j)= & {} \sum \limits _{l(\varvec{\Theta })\leqslant j} \varvec{a}_{\ell }(\mathrm{D},\varvec{\Theta },w) = \sum \limits _{l(\varvec{\Theta })\leqslant j} \varvec{y}_{\ell }^{1}(q(\varvec{\Theta }),n(\varvec{\Theta }),w)\\= & {} \varvec{a}_{\ell }(\mathrm{F},w,j), \end{aligned}$$

ce qui met fin à la preuve de la Proposition 1.7 et du Corollaire 1.8.

8 Compatibilité de la classification de Zelevinski aux congruences

Dans cette section, nous prouvons les Propositions 1.10 et 1.11 et les Théorèmes 1.12 et 1.13.

Rappelons que \(\mathrm{R}\) désigne un corps algébriquement clos de caractéristique différente de p. Pour \(\pi \in \mathcal {R}(\mathrm{R})\) et \(\sigma \in \mathrm{Irr}(\mathrm{R})\), on notera \([\pi :\sigma ]\) la multiplicité de \(\sigma \) dans \(\pi \).

8.1 .

Un segment est un couple \([\rho ,n]\) formé d’une classe d’isomorphisme de représentation irréductible cuspidale \(\rho \) et d’un entier \(n\geqslant 1\). Dans [20, §7.2], nous associons à un tel segment \([\rho ,n]\) une sous-représentation irréductible de l’induite :

$$\begin{aligned} \rho \times \rho \nu _{\rho }^{}\times \dots \times \rho \nu _{\rho }^{n-1} \end{aligned}$$
(8.1)

notée \(\mathrm{Z}(\rho ,n)\). Quand \(\mathrm{R}\) est le corps des nombres complexes, elle est uniquement déterminée par cette propriété ; sa duale de Zelevinski est une représentation essentiellement de carré intégrable qui est l’unique quotient irréductible de (8.1). Pour un corps \(\mathrm{R}\) général, nous aurons seulement besoin de la propriété suivante de \(\mathrm{Z}(\rho ,n)\). Notons m le degré de \(\rho \).

Pour tout \(k\in \{1,\dots ,n-1\}\), on a \(\varvec{r}_{(mk,m(n-k))}(\mathrm{Z}(\rho ,n))=\mathrm{Z}(\rho ,k)\otimes \mathrm{Z}(\rho \nu _{\rho }^k,n-k)\).(8.1.1)

Ajoutons-y deux propriétés de l’application \([\rho ,n]\mapsto \mathrm{Z}(\rho ,n)\). On renvoie au Paragraphe 2.1 pour la notation \(\rho \cdot \mu \).

Pour tout caractère \(\mu \) de \({\mathrm{F}}^{\times }\), on a \(\mathrm{Z}(\rho \cdot \mu ,n)=\mathrm{Z}(\rho ,n)\cdot \mu \).(8.1.2)

Si \(\rho '\) est une représentation irréductible cuspidale et \(n'\geqslant 1\) un entier, alors \(\mathrm{Z}(\rho ',n')\) est isomorphe à \(\mathrm{Z}(\rho ,n)\) si et seulement si les segments \([\rho ,n]\) et \([\rho ',n']\) sont égaux.(8.1.3)

On introduit les définitions suivantes.

Définition 8.1

Soit \(\pi \) une représentation de la forme \(\mathrm{Z}(\rho ,n)\), avec \(\rho \) irréductible cuspidale de degré m et \(n\geqslant 1\).

  1. (1)

    On pose \(n(\pi )=n(\rho )\).

  2. (2)

    On appelle classe de torsion de \(\pi \) l’ensemble \(\langle \pi \rangle \) des classes de \(\pi \chi \)\(\chi \) décrit les caractères non ramifiés de \(\mathrm{G}_m\).

Remarque 8.2

D’après les propriétés (8.1.2) et (8.1.3), l’entier \(n(\pi )\) est le nombre de caractères non ramifiés \(\chi \) de \(\mathrm{G}_m\) tels que \(\pi \chi =\pi \), et \(\langle \pi \rangle \) est l’ensemble des représentations \(\mathrm{Z}(\rho \chi ,n)\)\(\chi \) décrit les caractères non ramifiés de \(\mathrm{G}_m\), c’est-à-dire l’ensemble des représentations \(\mathrm{Z}(\rho ',n)\)\(\rho '\) décrit les représentations de la classe d’inertie de \(\rho \).

Dans le cas où \(\pi \) est cuspidale, c’est-à-dire lorsque \(n=1\), l’ensemble \(\langle \pi \rangle \) est la classe d’inertie de \(\pi \).

Définition 8.3

  1. (1)

    Etant donné un entier \(m\geqslant 1\), nous noterons :

    $$\begin{aligned} \mathcal {Z}(\mathrm{G}_m,\mathrm{R}) \end{aligned}$$

    l’ensemble des classes de représentations irréductibles de \(\mathrm{G}_m\) de la forme \(\mathrm{Z}(\rho ,r)\)\(r\geqslant 1\) décrit les diviseurs de m et \(\rho \) les représentations cuspidales de \(\mathrm{G}_{mr^{-1}}\). Les représentations irréductibles de cette forme sont appelées les représentations de Speh de \(\mathrm{G}_m\).

  1. (2)

    Si \(\mathrm{R}\) est de caractéristique \(>0\), une représentations de Speh \(\mathrm{Z}(\rho ,r)\) de \(\mathrm{G}_m\) comme ci-dessus est dite super-Speh si \(\rho \) est supercuspidale ; nous noterons :

    $$\begin{aligned} \mathcal {Z}_1(\mathrm{G}_m,\mathrm{R}) \end{aligned}$$

    l’ensemble des classes de représentations super-Speh de \(\mathrm{G}_m\).

8.2 .

Fixons une \(\mathrm{R}\)-représentation irréductible cuspidale \(\rho \) de degré \(m\geqslant 1\). Soit \(\mathcal {D}_\rho \) l’ensemble des segments de la forme \([\rho \chi ,n]\)\(n\geqslant 1\) est un entier et \(\chi \) un caractère non ramifié de \(\mathrm{G}_{m}\), et soit \(\mathrm{Irr}_\rho \) l’ensemble des classes de représentations irréductibles qui sont des sous-quotients d’induites de la forme \(\rho \chi _1\times \dots \times \rho \chi _n\)\(n\geqslant 0\) est un entier et \(\chi _1,\dots ,\chi _n\) des caractères non ramifiés de \(\mathrm{G}_{m}\). Pour tout ensemble \(\mathrm{X}\), notons \(\mathbf {N}(\mathrm{X})\) l’ensemble des applications de \(\mathrm{X}\) dans \(\mathbf {N}\) à support fini. Nous construisons dans [20] une application surjective :

$$\begin{aligned} \mathbf {N}(\mathcal {D}_{\rho })\ {\mathop {\longrightarrow }\limits ^{\mathrm{Z}}}\ \mathrm{Irr}_{\rho } \end{aligned}$$

qui est bijective lorsque \(\rho \) est supercuspidale, et coïncide avec la classification de Zelevinski [30] lorsque \(\mathrm{R}\) est le corps des nombres complexes.

Il sera commode d’employer un formalisme légèrement différent de celui de [20]. Un segment formel est une paire [an] formée de deux entiers \(a\in \mathbf {Z}\) et \(n\geqslant 1\). L’entier \(n\geqslant 1\) est la longueur du segment formel. Si [an] est un segment formel, on pose :

$$\begin{aligned}{}[a,n]\boxtimes \rho =[\rho \nu _{\rho }^{a},n] \end{aligned}$$

qui est un segment au sens donné plus haut. On note \(\mathcal {D}\) l’ensemble des segments formels, et on appelle multisegment formel un élément de \(\mathbf {N}(\mathcal {D})\). On a par linéarité une application \(\upmu \mapsto \upmu \boxtimes \rho \) de \(\mathbf {N}(\mathcal {D})\) dans \(\mathbf {N}(\mathcal {D}_{\rho })\). Par linéarité également, on définit la longueur d’un multisegment formel.

Soient \(\upmu =[a_1,n_1]+\dots +[a_r,n_r]\) et \(\upnu =[c_1,m_1]+\dots +[c_s,m_s]\) deux multisegments formels de même longueur, dont les segments formels sont supposés être rangés par longueur décroissante. On écrit \(\upmu \trianglelefteq \upnu \) si :

$$\begin{aligned} \sum \limits _{i\leqslant k}n_i\leqslant \sum \limits _{i\leqslant k}m_i \end{aligned}$$

pour tout \(k\in \{1,\dots ,\mathrm{min}(r,s)\}\). Ceci définit une relation d’ordre \(\trianglelefteq \) entre multisegments formels de même longueur.

Pour \(\upmu ,\upnu \in \mathbf {N}(\mathcal {D})\) comme ci-dessus, notons :

$$\begin{aligned} \textsf {m}(\upmu ,\upnu ,\rho ) \end{aligned}$$

la multiplicité de \(\mathrm{Z}(\upnu \boxtimes \rho )\) dans la représentation \(\mathrm{Z}([a_1,n_1]\boxtimes \rho )\times \dots \times \mathrm{Z}([a_r,n_r]\boxtimes \rho )\). Lorsque \(\upmu ,\upnu \) varient, ces multiplicités vérifient la condition suivante.

On a \(\mathsf{m}(\upmu ,\upmu ,\rho )=1\) et, si \(\mathsf{m}(\upmu ,\upnu ,\rho )\ne 0\) alors \(\upmu \trianglelefteq \upnu \).(8.2.1)

Ceci caractérise les représentations \(\mathrm{Z}(\upmu \boxtimes \rho )\), \(\upmu \in \mathbf {N}(\mathcal {D})\), à isomorphisme près.

Remarque 8.4

Au sujet de la dépendance de ces multiplicité en \(\rho \), voir la proposition 4.15 et la remarque 4.18 de [23].

Nous renvoyons à [20] pour la notion de représentation irréductible résiduellement non dégénérée. Soit \(\upmu \) un multisegment formel comme ci-dessus, de longueur n, et dont les segments formels sont supposés être rangés par longueur décroissante. On note \(\upmu ^\vee \) la partition de n conjuguée à \((n_1,\dots ,n_r)\). Par [20, Proposition 9.19], le module de Jacquet :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_{m\cdot \upmu ^\vee }(\mathrm{Z}(\upmu \boxtimes \rho )) \end{aligned}$$

contient un sous-quotient irréductible résiduellement non dégénéré, unique et apparaissant avec multiplicité 1 : on le note \(\mathrm{Sp}(\rho ,\upmu ^{\vee })\). (Si l’on écrit \(\upmu ^{\vee }\) sous la forme \((a_1,\dots ,a_s)\) avec \(s\geqslant 1\), alors \(m\cdot \upmu ^{\vee }\) désigne la famille \((ma_1,\dots ,ma_s)\).)

Remarque 8.5

Dans le cas particulier où \(\upmu ^\vee =(n)\), on retrouve la représentation résiduellement non dégénérée \(\mathrm{Sp}(\rho ,n)\) du Paragraphe 3.2.

Si \(\upmu ,\upnu \) sont deux multisegments formels de même longueur, on note :

$$\begin{aligned} {\textsf {e}}(\upmu ,\upnu ) = {\textsf {e}}(\upmu ,\upnu ,\rho ) \end{aligned}$$

la multiplicité de \(\mathrm{Sp}(\rho ,\upmu ^{\vee })\) dans le module de Jacquet \(\varvec{r}_{m\cdot \upmu ^\vee }(\mathrm{Z}(\upnu \boxtimes \rho ))\). D’après [20, Proposition 9.19], on a la propriété suivante.

On a \(\mathsf{e}(\upmu ,\upmu )=1\) et, si \(\mathsf{e}(\upmu ,\upnu )\ne 0\) alors \(\upnu \trianglelefteq \upmu \).(8.2.2)

De ceci on déduit le lemme suivant, qui nous sera utile dans la Sect. 11.

Lemme 8.6

Soient \(\upmu _1,\dots ,\upmu _r\) des multisegments formels de longueur \(n\geqslant 1\), et soient des entiers relatifs \(a_1,\dots ,a_r\in \mathbf {Z}\). On suppose que les représentations irréductibles :

$$\begin{aligned} \pi _i=\mathrm{Z}(\upmu _i\boxtimes \rho ), \quad i\in \{1,\dots ,r\} \end{aligned}$$

sont deux à deux distinctes et résiduellement dégénérées. On pose \(\Pi =a_1\pi _1+\dots +a_r\pi _r\), et on suppose que, pour tout \(k\in \{1,\dots ,n-1\}\), on a \(r_{(mk,m(n-k))}(\Pi )=0\). Alors \(\Pi =0\).

Démonstration

Par hypothèse, et d’après [20, Corollaire 8.5], les partitions \(\upmu _1^\vee ,\dots ,\upmu _r^\vee \) sont toutes distinctes de (n).

Supposons que \(\Pi \) soit non nul. On choisit un i, parmi ceux pour lesquels \(a_i \ne 0\), tel que \(\upmu _i^\vee \) soit minimale. Alors \(\mathrm{Sp}(\rho ,\upmu _i^\vee )\) apparaît avec multiplicité 1 dans le module de Jacquet \(\varvec{r}_{m\cdot \upmu _i^\vee }(\pi _i)\) et n’apparaît pas dans le module de Jacquet de \(\varvec{r}_{m\cdot \upmu _i^\vee }(\pi _j)\) pour \(j \ne i\). Par transitivité des foncteurs de Jacquet, ceci contredit notre hypothèse \(r_{(mk,m(n-k))}(\Pi )=0\) pour tout \(1\leqslant k\leqslant n-1\).\(\square \)

8.3 .

On suppose maintenant que \(\mathrm{R}\) est le corps \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\), et on fixe un multisegment formel \(\upmu \) de longueur \(n\geqslant 1\). On a une application :

$$\begin{aligned} {\widetilde{\rho }}\mapsto \mathrm{Z}(\upmu \boxtimes {\widetilde{\rho }}) \end{aligned}$$
(8.2)

qui à toute \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale \({\widetilde{\rho }}\) de degré \(m\geqslant 1\) associe une représentation irréductible de degré mn. Si \({\widetilde{\rho }}\) est entière, alors son image par (8.2) l’est aussi. Les Paragraphes 8.4 à 8.9 seront consacrés à la preuve du résultat suivant (voir la Proposition 1.11).

Proposition 8.7

Si \({\widetilde{\rho }}_1\), \({\widetilde{\rho }}_2\) sont des \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentations irréductibles cuspidales entières congruentes de \(\mathrm{G}_m\), \(m\geqslant 1\), alors les représentations \(\mathrm{Z}(\upmu \boxtimes {\widetilde{\rho }}_1)\) et \(\mathrm{Z}(\upmu \boxtimes {\widetilde{\rho }}_2)\) sont congruentes.

8.4 .

Nous commençons par des préliminaires techniques. Supposons à nouveau que \(\mathrm{R}\) est un corps algébriquement clos de caractéristique différente de p. On pose \(\mathrm{G}=\mathrm{G}_m\) avec \(m\geqslant 1\).

Soit \([\Lambda ,n_\Lambda ,0,\beta ]\) une strate simple de \(\mathrm{M}_m(\mathrm{D})\). Comme dans le Paragraphe 3.1, on suppose que l’intersection de l’ordre héréditaire associé à \(\Lambda \) avec le centralisateur de \(\mathrm{E}=\mathrm{F}[\beta ]\) dans \(\mathrm{M}_m(\mathrm{D})\) est un ordre maximal. On fixe un \(\mathrm{R}\)-caractère simple \(\theta \) attaché à cette strate et une \(\beta \)-extension \(\kappa \) de \(\theta \). On reprend toutes les notations du Paragraphe 3.1.

On note \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}\) le foncteur \(\pi \mapsto \mathrm{Hom}_{\mathrm{J}^1}(\kappa ,\pi )\) de la catégorie des \(\mathrm{R}\)-représentations lisses de \(\mathrm{G}\) dans celle des \(\mathrm{R}\)-représentations de \(\mathrm{J}/\mathrm{J}^1\) (identifié à \(\mathcal {G}\)) en faisant agir \(\mathrm{J}\) sur \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\pi )\) par la formule :

$$\begin{aligned} x\cdot f = \pi (x) \circ f \circ \kappa (x)^{-1} \end{aligned}$$

pour \(x\in \mathrm{J}\) et \(f\in {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\pi )\). Ce foncteur a été étudié dans [21, 26]. Il est exact et envoie représentations de longueur finie sur représentations de longueur finie. Il induit donc un morphisme de groupes :

$$\begin{aligned} \mathcal {R}(\mathrm{G},\mathrm{R}) \rightarrow \mathcal {R}(\mathcal {G},\mathrm{R}) \end{aligned}$$
(8.3)

que l’on note encore \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}\), et qui a les propriétés suivantes.

Pour tout \(\pi \in \mathrm{Irr}(\mathrm{G},\mathrm{R})\) et tout caractère non ramifié \(\chi \) de \(\mathrm{G}\), on a \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\pi \chi )={{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\pi )\).(8.4.1)

Notons \({{\varvec{\Theta }}}\) l’endo-classe définie par la paire \(([\Lambda ,n_\Lambda ,0,\beta ],\theta )\). On renvoie à [21, §5.2] pour les deux propriétés suivantes.

Etant donné \(\pi \in \mathrm{Irr}(\mathrm{G},\mathrm{R})\), pour que \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\pi )\) soit non nul, il faut et suffit que le support cuspidal de \(\pi \) soit formé de représentations cuspidales d’endo-classe \({{\varvec{\Theta }}}\).(8.4.2)

Si \(\rho \in \mathrm{Irr}(\mathrm{G},\mathrm{R})\) est cuspidale et d’endo-classe \({{\varvec{\Theta }}}\), alors \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\rho )\) est cuspidale et chacun de ses facteurs irréductibles apparaît avec multiplicité 1.(8.4.3)

Plus précisément, selon [21, Lemme 5.3], si \(\rho \) contient le type simple maximal \(\kappa \otimes \sigma \), alors \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\rho )\) est la somme des \(\mathrm{Gal}(\varvec{d}/\varvec{e})\)-conjugués de \(\sigma \), c’est-à-dire:

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\rho ) = \sigma _1 + \dots + \sigma _b \end{aligned}$$

\(\{\sigma _1,\dots ,\sigma _b\}\) est l’orbite de \(\sigma \) sous \(\mathrm{Gal}(\varvec{d}/\varvec{e})\). Le nombre \(b=b(\rho )\) de \(\mathrm{Gal}(\varvec{d}/\varvec{e})\)-conjugués de \(\sigma \) vérifie l’identité \(b(\rho )s(\rho )=d'\), où \(s(\rho )\) est l’entier défini par (3.2).

8.5 .

Procédant comme dans [21, Remarque 5.7], on définit à partir de \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}\), pour tout entier \(n\geqslant 1\), un foncteur de la catégorie des \(\mathrm{R}\)-représentations lisses de \(\mathrm{G}_{mn}\) dans celle des \(\mathrm{R}\)-représentations de \(\mathrm{GL}_{m'n}(\varvec{d})\). Prenant la somme directe des morphismes de groupes qu’ils définissent et prolongeant par 0 sur les \(\mathcal {R}(\mathrm{G}_{k},\mathrm{R})\) pour les \(k\geqslant 1\) non multiples de m, on forme un morphisme de bigèbres :

$$\begin{aligned} \mathcal {R}(\mathrm{R}) \rightarrow \bigoplus \limits _{k\geqslant 0} \mathcal {R}(\mathrm{GL}_{k}(\varvec{d}),\mathrm{R}) \end{aligned}$$
(8.4)

que l’on note encore \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}\), les structures de bigèbre étant définies au moyen des foncteurs d’induction et de restriction paraboliques (voir (2.2) et (2.3)).

Etant donnés une \(\mathrm{R}\)-représentation irréductible cuspidale \(\sigma \) de \(\mathcal {G}\) et un entier \(n\geqslant 1\), l’algèbre des endomorphismes de l’induite parabolique \(\sigma ^{\times n}\) est une algèbre de Hecke de type \(\mathrm{A}\), et cette induite possède une unique sous-représentation irréductible correspondant au caractère trivial de cette algèbre (voir James [16] ainsi que [20, §3.3] et [22, §4.2]). On désigne par \(z(\sigma ,n)\) cette sous-représentation irréductible de l’induite parabolique \(\sigma ^{\times n}\).

Proposition 8.8

Soit \(\rho \) une \(\mathrm{R}\)-représentation irréductible cuspidale de degré m et d’endo-classe \(\varvec{\Theta }\), et soient \(\sigma _1,\dots ,\sigma _b\) les facteurs irréductibles de . Pour tout \(n\geqslant 1\), on a :

\(\alpha \) décrit l’ensemble des familles \((n_1,n_2,\dots ,n_b)\) d’entiers naturels de somme n.

Démonstration

On procède par récurrence sur \(n\geqslant 1\), le cas où \(n=1\) étant immédiat. Fixons un entier \(n\geqslant 2\) et notons \(\mathrm{A}=\mathrm{A}(\rho ,n)\) l’image de \(\mathrm{Z}(\rho ,n)\) par \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}\). Si \(\alpha \) est une famille de b entiers positifs ou nuls de somme n, notée \(\alpha =(n_1,\dots ,n_b)\), on a grâce à (8.1.1)  :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_{m'\cdot \alpha }(\mathrm{A}(\rho ,n))= & {} {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\mathrm{Z}(\rho ,n_1))\otimes {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\mathrm{Z}(\rho \nu _{\rho }^{n_1},n_2))\otimes \dots \\&\otimes \, {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\mathrm{Z}(\rho \nu _{\rho }^{n_1+\dots +n_{b-1}},n_b)) \end{aligned}$$

\(\varvec{r}_{m'\cdot \alpha }\) désigne le foncteur de restriction parabolique sur la catégorie des \(\mathrm{R}\)-représentations de \(\mathrm{GL}_{m'n}(\varvec{d})\) qui correspond à la famille \(m'\cdot \alpha =(m'n_1,m'n_2,\dots ,m'n_b)\). Compte tenu de (8.4.1) et de (8.1.2), cette représentation est égale à \(\mathrm{A}(\rho ,n_1)\otimes \mathrm{A}(\rho ,n_2)\otimes \dots \otimes \mathrm{A}(\rho ,n_b)\).

D’après [20, Proposition 7.21], pour chaque \(i\in \{1,\dots ,b\}\), la représentation \(z(\sigma _i,n_i)\) apparaît dans \(\mathrm{A}(\rho ,n_i)\). Par adjonction, on en déduit que l’induite :

$$\begin{aligned} z(\alpha ) = z(\sigma _1,n_1)\times z(\sigma _2,n_2) \times \dots \times z(\sigma _b,n_{b}) \end{aligned}$$
(8.5)

qui est irréductible d’après [22, Proposition 4.3] car \(\sigma _1,\dots ,\sigma _b\) sont deux à deux non isomorphes, apparaît dans \(\mathrm{A}\), et ce pour toute composition \(\alpha \). En d’autres termes, la représentation :

$$\begin{aligned} \mathrm{B}= \sum \limits _{\alpha } z(\sigma _1,n_1)\times z(\sigma _2,n_2) \times \dots \times z(\sigma _b,n_{b}) = \sum \limits _{\alpha } z(\alpha ) \end{aligned}$$

est une sous-représentation de \(\mathrm{A}\).

Etant donné \(k\in \{1,\dots ,n-1\}\), appliquons le foncteur \(\varvec{r}_k=\varvec{r}_{(m'k,m'(n-k))}\). Par hypothèse de récurrence, on trouve :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_k(\mathrm{A}) = \sum \limits _{\alpha }\sum \limits _{\beta } z(\alpha )\otimes z(\beta ) \end{aligned}$$

\(\alpha \) décrit les compositions de k et \(\beta \) celles de \(n-k\). Par ailleurs, d’après la formule de Mackey, on a :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_k(\mathrm{B}) = \sum \limits _{\gamma } \varvec{r}_k(z(\gamma )) = \sum \limits _{\gamma } \sum \limits _{\delta } z(\delta )\otimes z(\gamma -\delta ) \end{aligned}$$

\(\gamma \) décrit les compositions \((g_1,\dots ,g_b)\) de n et \(\delta \) les compositions \((d_1,\dots ,d_b)\) de k telles qu’on ait \(d_i\leqslant g_i\) pour tout i, et où l’on note \(\gamma -\delta \) la composition de \(n-k\) formée des entiers \(g_i-d_i\). En réarrangeant l’ordre des termes, on trouve \(\varvec{r}_k(\mathrm{A})\). Par conséquent, la représentation \(\mathrm{A}-\mathrm{B}\) est cuspidale dans le membre de droite de (8.4).

Supposons que cette différence n’est pas nulle. Alors \(\mathrm{Z}(\rho ,n)\) est résiduellement non dégénérée au sens de [20, Section 8] (voir aussi le Paragraphe 3.2), ce qui ne peut se produire que si \(n=1\) d’après [20, Corollaire 8.5].\(\square \)

8.6 .

Dans ce paragraphe, on suppose que \(\mathrm{R}\) est de caractéristique \(\ell >0\). On fixe une \(\mathrm{R}\)-représentation irréductible cuspidale \(\rho \) contenant le type simple maximal \(\kappa \otimes \sigma \). On suppose aussi que \(\rho \nu _\rho \) est isomorphe à \(\rho \) ou, de façon équivalente, que \(\omega (\rho )=1\) (voir (3.3)).

Soit \(\upmu =[a_1,n_1]+\dots +[a_r,n_r]\) un multisegment formel de longueur \(n\geqslant 1\). La représentation \(\sigma ^{\times n_1}\otimes \dots \otimes \sigma ^{\times n_r}\) contient un sous-quotient irréductible non dégénéré, unique et apparaissant avec multiplicité 1, noté \(\mathrm{sp}(\sigma ,\upmu )\). Dans le cas particulier où \(\upmu ^\vee \) est égale à (n), on retrouve la représentation non dégénérée \(\mathrm{sp}(\sigma ,n)\) du Paragraphe 3.2.

Pour tout \(n\geqslant 1\), notons \(\rho ^{\times n}\) le produit de n copies de \(\rho \). D’après [20, §8.1], on a la propriété suivante.

\(\mathrm{Sp}(\rho ,\upmu )\) est l’unique sous-quotient irréductible de \(\rho ^{\times n_1}\otimes \dots \otimes \rho ^{\times n_r}\) dont l’image par \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}\) contienne \(\mathrm{sp}(\sigma ,\upmu )\), et celle-ci apparaît avec multiplicité 1.

(8.6.1)

Remarque 8.9

Si \(\rho \nu _\rho \) n’est pas isomorphe à \(\rho \), il y a aussi une propriété analogue à (8.6.1). Cela nécessiterait d’introduire des notations supplémentaires et nous n’en aurons pas besoin.

Notons \(\mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\rho )\) le sous-groupe de \(\mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\mathrm{R})\) engendré par les sous-quotients irréductibles de \(\rho ^{\times n}\).

Lemme 8.10

Supposons que \(\rho \nu _\rho \simeq \rho \). Pour tout \(\Pi \in \mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\rho )\), on a :

Démonstration

Ecrivons :

$$\begin{aligned} \Pi = \sum \limits _{\pi } k(\pi )\cdot \pi \end{aligned}$$

\(\pi \) décrit \(\mathrm{Irr}(\mathrm{G}_{mn},\mathrm{R})\) et \(k(\pi )\in \mathbf {Z}\). Comme \(\rho \nu _\rho \simeq \rho \), le seul sous-quotient irréductible résiduellement non dégénéré pouvant apparaître dans \(\varvec{r}_{m\cdot \upmu ^\vee }(\pi )\) est \(\mathrm{Sp}(\rho ,\upmu ^\vee )\). On a donc :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_{m\cdot \upmu ^\vee }(\pi ) = m(\pi )\cdot \mathrm{Sp}(\rho ,\upmu ^\vee ) + \delta \end{aligned}$$

avec \(m(\pi )\in \mathbf {N}\) et où \(\delta \) ne contient aucun facteur irréductible résiduellement non dégénéré. Alors, d’après (8.6.1), la représentation \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\mathrm{Sp}(\rho ,\upmu ^\vee ))\) contient \(\mathrm{sp}(\sigma ,\upmu ^\vee )\) avec multiplicité 1, et \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\delta )\) ne contient pas \(\mathrm{sp}(\sigma ,\upmu ^\vee )\).\(\square \)

Lemme 8.11

Supposons que \(\rho \nu _\rho \simeq \rho \). Alors la restriction de à \(\mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\rho )\) est injective.

Démonstration

D’après le Paragraphe 8.2, tout \(\Pi \in \mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\rho )\) s’écrit comme combinaison \(\mathbf {Z}\)-linéaire de représentations irréductibles \(\mathrm{Z}(\upnu \boxtimes \rho )\) où les \(\upnu \) sont des multisegments formels de longueur n. Ayant supposé que \(\rho \nu _\rho \simeq \rho \), on a :

$$\begin{aligned}{}[a,k]\boxtimes \rho = [0,k]\boxtimes \rho \end{aligned}$$

pour tout segment formel [ak]. Ainsi le multisegment \(\upnu \boxtimes \rho \) ne dépend que de \(\rho \) et des longueurs des segments composant \(\upnu \). On peut donc supposer que \(\upnu \) décrit les partitions de n, en identifiant une partition \((n_1,\dots ,n_r)\) de n avec le multisegment formel \([0,n_1]+\dots +[0,n_r]\). Nous écrivons donc :

$$\begin{aligned} \Pi = \sum \limits _{\upnu } \mathsf{a}(\upnu ) \cdot \mathrm{Z}(\upnu \boxtimes \rho ) \end{aligned}$$

\(\upnu \) décrit les partitions de n et où les \(\mathsf{a}(\upnu )\) sont des entiers relatifs. On suppose que \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\Pi )=0\). Il s’agit de montrer que les entiers \(\mathsf{a}(\upnu )\) sont nuls pour toute partition \(\upnu \) de n.

Appliquant le Lemme 8.10 à \(\Pi \), on a pour toute partition \(\upmu \) de n :

$$\begin{aligned} \sum \limits _{\upnu \trianglelefteq \upmu } {\textsf {e}}(\upmu ,\upnu ) \mathsf{a}(\upnu ) = 0 \end{aligned}$$

(voir le Paragraphe 8.2 pour la définition de \({\textsf {e}}(\upmu ,\upnu )\)). Supposons qu’il y ait une partition \(\upmu \) telle que \(\mathsf{a}(\upmu )\ne 0\) et choisissons-la minimale pour cette propriété (pour l’ordre \(\trianglelefteq \)). Ecrivons :

$$\begin{aligned} {\textsf {e}}(\upmu ,\upmu )\mathsf{a}(\upmu ) + \sum \limits _{\upnu \triangleleft \upmu }{\textsf {e}}(\upmu ,\upnu )\mathsf{a}(\upnu ) = 0. \end{aligned}$$

Comme \({\textsf {e}}(\upmu ,\upmu )=1\) et comme les \(\mathsf{a}(\upnu )\) sont tous nuls pour \(\upnu \triangleleft \upmu \) par minimalité de \(\upmu \), on trouve \(\mathsf{a}(\upmu )=0\).\(\square \)

8.7 .

Pour prouver la Proposition 8.7 nous procédons en trois étapes, la première étant le cas où \(\upmu \) est un segment formel et où \({\widetilde{\rho }}_2\) est inertiellement équivalente à \({\widetilde{\rho }}_1\).

Fixons un entier \(m\geqslant 1\), et posons \(\mathrm{G}=\mathrm{G}_m\).

Lemme 8.12

Soient \({\widetilde{\rho }}\) une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale entière et \(\widetilde{\chi }\) un \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-caractère non ramifié entier de \(\mathrm{G}\). Les conditions suivantes sont équivalentes :

  1. (1)

    Les représentations \({\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi }\) et \({\widetilde{\rho }}\) sont congruentes modulo \(\ell \).

  2. (2)

    L’ordre de la réduction de \(\widetilde{\chi }\) mod \(\ell \) divise l’entier \(n({\widetilde{\rho }})\) (voir le Paragraphe 3.1).

  3. (3)

    Il existe un \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-caractère non ramifié entier \(\widetilde{\chi }_\ell \) de \(\mathrm{G}\) tel que \({\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi }={\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi }_\ell \) et dont la réduction mod \(\ell \) est triviale.

Démonstration

Supposons que \(\widetilde{\chi }\) vérifie la condition 2. Notons \(\chi \) sa réduction mod \(\ell \) et \(\widetilde{\chi }_0\) le relèvement de Teichmüller de \(\chi \). Par hypothèse, l’ordre de \(\widetilde{\chi }_0\) divise \(n({\widetilde{\rho }})\), ce qui implique que \({\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi }_0={\widetilde{\rho }}\). Le caractère \(\widetilde{\chi }_\ell =\widetilde{\chi }(\widetilde{\chi }_0)^{-1}\) a une réduction mod \(\ell \) triviale, et on a :

$$\begin{aligned} {\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi }= {\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi }_0\widetilde{\chi }_\ell = {\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi }_\ell , \end{aligned}$$

c’est-à-dire que la condition 2 implique la condition 3, elle-même impliquant aussitôt la condition 1.

Supposons maintenant que les représentations \({\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi }\) et \({\widetilde{\rho }}\) sont congruentes modulo \(\ell \). Soit \(\rho \) un facteur irréductible de la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}\), et soit a sa longueur (voir le Paragraphe 3.3). Il y a donc un entier \(i\in \{0,\dots ,a-1\}\) tel que \(\rho \chi =\rho \nu ^i\).

Supposons d’abord que \(a=1\). Dans ce cas, \({\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi }\) est congrue à \({\widetilde{\rho }}\) si et seulement si on a \(\rho \chi =\rho \), c’est-à-dire si et seulement si \(\chi ^{n(\rho )}=1\). Grâce à (3.5), ceci est équivalent à \(\chi ^{n({\widetilde{\rho }})}=1\).

Supposons maintenant que \(a>1\). Il y a donc un entier \(i\in \mathbf {Z}\) et un \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-caractère non ramifié \(\xi \) de \(\mathrm{G}\) tel que \(\chi =\xi \nu ^{i}\) et \(\rho \xi =\rho \), cette dernière condition étant équivalente à \(\xi ^{n(\rho )}=1\). L’ordre de \(\nu \) étant égal à \(\alpha \), l’ordre de q dans \((\mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z})^\times \), celui de \(\chi \) divise le plus grand multiple commun à \(\alpha \) et \(n(\rho )\), qui vaut \(\varepsilon (\rho )n(\rho )\) d’après (3.6). D’après (3.5), il existe un entier \(v\geqslant 0\) tel que \(n({\widetilde{\rho }})\) soit égal à \(\varepsilon (\rho )n(\rho )\ell ^v\), ce dont on déduit que \(\chi ^{n({\widetilde{\rho }})}=1\).\(\square \)

Corollaire 8.13

Soit \({\widetilde{\rho }}\) une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale entière de \(\mathrm{G}\), et soit \(\widetilde{\chi }\) un \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-caractère non ramifié entier de \(\mathrm{G}\). Si \({\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi }\) est congrue à \({\widetilde{\rho }}\) modulo \(\ell \), alors \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi },n)\) est congrue à \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},n)\) modulo \(\ell \) pour tout \(n\geqslant 1\).

Démonstration

D’après le Lemme 8.12, nous pouvons supposer que la réduction modulo \(\ell \) de \(\widetilde{\chi }\) est triviale. Soit \(\widetilde{\mu }\) le \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-caractère non ramifié de \({\mathrm{F}}^{\times }\) tel que \(\widetilde{\chi }=\widetilde{\mu }\circ \mathrm{Nrd}\). On a :

$$\begin{aligned} \mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}\widetilde{\chi },n) = \mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}\cdot \widetilde{\mu },n) = \mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},n)\cdot \widetilde{\mu } \end{aligned}$$
(8.6)

qui est bien congrue à \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},n)\) modulo \(\ell \).\(\square \)

8.8 Preuve de la Proposition 1.10

Nous prouvons maintenant la Proposition 8.7 dans le cas d’un segment (cf. Proposition 8.21). Pour cela, nous prouvons la Proposition 1.10, plus précise.

Fixons une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale entière \({\widetilde{\rho }}\) de \(\mathrm{G}\) et un entier \(n\geqslant 1\). Posons \(a=a({\widetilde{\rho }})\) et fixons un facteur irréductible \(\rho \) de la réduction modulo \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}\). La preuve se fait par récurrence sur n, le cas \(n=1\) étant immédiat (voir (1.2)). Posons :

$$\begin{aligned} \Delta = \Delta ({\widetilde{\rho }},n) = {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},n)) \end{aligned}$$

et notons \(\Sigma =\Sigma ({\widetilde{\rho }},n)\) le membre de droite de (1.10), c’est-à-dire  :

$$\begin{aligned} \Sigma ({\widetilde{\rho }},n) = \sum \limits \mathrm{Z}(\rho ,r_0)\times \mathrm{Z}(\rho \nu ,r_1)\times \dots \times \mathrm{Z}(\rho \nu ^{a-1},r_{a-1}) \end{aligned}$$

où la somme porte sur les familles \((r_0,\dots ,r_{a-1})\) d’entiers \(\geqslant 0\) de somme n. Avec les notations du Paragraphe 3.3, on commence par remarquer que, si \(a=1\), alors le résultat est immédiat car, dans ce cas, \(\Delta \) est égal à \(\mathrm{Z}(\rho ,n)\) d’après [20, Théorème 9.39].

Supposons donc dorénavant qu’on a \(a>1\). Les représentations \(\rho \nu _\rho \) et \(\rho \) sont donc isomorphes [21, Corollaire 3.24], c’est-à-dire que nous sommes dans les conditions d’application des Lemmes 8.10 et 8.11. D’après la Proposition 3.5(2), le plus grand diviseur de a premier à \(\ell \) est égal à \(\varepsilon (\rho )\). Pour alléger les notations, cet entier sera noté e dans la suite de la preuve.

Comme \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},n)\) est l’unique sous-représentation irréductible de :

$$\begin{aligned} {\widetilde{\rho }}\times {\widetilde{\rho }}\nu _{{\widetilde{\rho }}}^{}\times \dots \times {\widetilde{\rho }}\nu _{{\widetilde{\rho }}}^{n-1} \end{aligned}$$

et comme la réduction mod \(\ell \) commute à l’induction parabolique [20, §1.2.3], les sous-quotients irréductibles de \(\Delta \) et de \(\Sigma \) sont, d’après (3.4), des sous-quotients d’induites de la forme :

$$\begin{aligned} \rho \nu ^{i_1}\times \dots \times \rho \nu ^{i_n}, \quad i_1,\dots ,i_n\in \mathbf {Z}. \end{aligned}$$

D’après la Proposition 3.5(2), si \(\pi \) est un sous-quotient irréductible d’une telle induite, il y a donc une famille d’entiers naturels \(\alpha =(n_0,\dots ,n_{e-1})\), de somme n, telle que \(\pi \) soit un sous-quotient de l’induite :

$$\begin{aligned} \mathrm{I}(\rho ,\alpha ) = \rho ^{\times n_0} \times (\rho \nu )^{\times n_1} \times \dots \times (\rho \nu ^{e-1})^{\times n_{e-1}}. \end{aligned}$$
(8.7)

La première chose à faire est de prouver qu’une telle famille est unique.

Lemme 8.14

Soit \(\gamma \) une famille d’entiers \(\geqslant 0\) de somme n telle que \(\pi \) soit un sous-quotient de \(\mathrm{I}(\rho ,\gamma )\). Alors \(\gamma \) est égale à \(\alpha \).

Démonstration

Si \(\rho \) est supercuspidale, alors le résultat est une conséquence de l’unicité du support supercuspidal (voir [20, Théorème 8.16]).

Supposons que \(\rho \) n’est pas supercuspidale. D’après le Paragraphe 3.2, il y a un unique diviseur \(k=k(\rho )\) de m et une représentation irréductible supercuspidale \(\tau \) de \(\mathrm{G}_{r}\) telles que \(kr=m\) et \(\rho \) soit isomorphe à \(\mathrm{Sp}(\tau ,k)\). Ecrivons \(\pi \) comme un sous-quotient de :

$$\begin{aligned}&(\tau \times \tau \nu _\tau ^{}\times \dots \times \tau \nu _{\tau }^{k-1})^{\times n_0} \times \dots \times (\tau \nu ^{e-1}\times \tau \nu _\tau ^{}\nu ^{e-1}\times \dots \\&\quad \times \,\tau \nu _{\tau }^{k-1}\nu ^{e-1})^{\times n_{e-1}}. \end{aligned}$$

Réarrangeant l’ordre des termes et posant \(e'=\varepsilon (\tau )\), on voit que cette induite est égale à \(\mathrm{I}(\tau ,\alpha ')\) avec \(\alpha '=(m_0,\dots ,m_{e'-1})\) où pour tout \(i'\in \{0,\dots ,e'-1\}\) on note :

$$\begin{aligned} m_{i'} = \sum \limits _{(i,t)} n_i, \end{aligned}$$

la somme portant sur l’ensemble \(\mathrm{Y}(i')\) des couples \((i,t)\in \{0,\dots ,e-1\}\times \{0,\dots ,k-1\}\) tels que les représentations \(\tau \nu _{\tau }^{t}\nu ^i\) et \(\tau \nu ^{i'}\) soient isomorphes.

Nous posons \(s'=s(\tau )\) pour alléger les notations. D’après le Lemme 3.6 appliqué à \(\tau \), un couple (it) appartient à \(\mathrm{Y}(i')\) si et seulement si \(e'\) divise \(i-i'+ts'\), auquel cas \(i-i'\) est un multiple du plus grand diviseur commun à \(e'\) et \(s'\), égal à e d’après le Lemme 3.16.

Par conséquent, si (it) appartient à \(\mathrm{Y}(i')\), alors i est le reste de \(i'\) mod e. Inversement, notons i le reste de \(i'\) mod e et soit \(t\in \{0,\dots ,k-1\}\). Compte tenu du Lemme 3.16, on a :

$$\begin{aligned} (i,t)\in \mathrm{Y}(i') \quad \Leftrightarrow \quad \frac{i'-i}{e}\text { est le reste de }\frac{ts'}{e}\text { mod }\frac{e'}{e}. \end{aligned}$$
(8.8)

D’après le Lemme 3.16 et (3.3), le quotient \(e'e^{-1}\) est le plus grand diviseur de k premier à \(\ell \). Par conséquent (8.8) admet \(k'=kee'^{-1}\) solutions \(t\in \{0,\dots ,k-1\}\). Pour \(i'\in \{0,\dots ,e'-1\}\), on a :

$$\begin{aligned} m_{i'} = k'n_{i} \end{aligned}$$
(8.9)

\(i\in \{0,\dots ,e-1\}\) est le reste de \(i'\) modulo e.\(\square \)

Remarque 8.15

L’entier \(e'e^{-1}\), qui est noté \(\omega (\tau )\) au Paragraphe 3.2, est le plus petit entier \(t\geqslant 1\) tel que \(\tau \nu _{\tau }^t\) soit isomorphe à \(\tau \), et \(k'\) est une puissance de \(\ell \).

Le cas supercuspidal permet de conclure que les familles \(\alpha '\) et \(\gamma '\) sont égales, ce dont on déduit grâce à (8.9) que les familles \(\alpha \) et \(\gamma \) sont égales. \(\square \)

Notons \(\mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\rho ,\nu )\) le sous-groupe de \(\mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) engendré par les sous-quotients irréductibles des induites \(\mathrm{I}(\rho ,\alpha )\)\(\alpha \) décrit toutes les familles d’entiers \(\geqslant 0\) de somme n. Notamment, les représentations \(\Delta \) et \(\Sigma \) appartiennent à ce sous-groupe.

Nous avons prouvé que, pour toute représentation irréductible \(\pi \) dans \(\mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\rho ,\nu )\), il y a une unique famille :

$$\begin{aligned} \alpha =\alpha (\pi )=(n_0,\dots ,n_{e-1}) \end{aligned}$$

d’entiers \(\geqslant 0\) de somme n telle que \(\pi \) soit un sous-quotient de \(\mathrm{I}(\rho ,\alpha )\) (voir (8.7)). La représentation \(\pi \) s’écrit de façon unique sous la forme d’une induite :

$$\begin{aligned} \varvec{i}_{m\cdot \alpha }(\pi _\alpha ), \quad \pi _\alpha =\pi _0\otimes \dots \otimes \pi _{e-1}\in \mathrm{Irr}(\mathrm{G}_{mn_0}\times \dots \times \mathrm{G}_{mn_{e-1}},\mathrm{R}), \end{aligned}$$

\(m\cdot \alpha \) est la famille \((mn_1,\dots ,mn_{e-1})\) et où \(\pi _i\) est, pour chaque entier \(i\in \{0,\dots ,e-1\}\), un sous-quotient irréductible de l’induite \((\rho \nu ^{i})^{\times n_i}\).

Lemme 8.16

Soit \(\pi \) une représentation irréductible dans \(\mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\rho ,\nu )\) et posons \(\alpha =\alpha (\pi )\). Pour tout élément \(\Pi \in \mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\rho ,\nu )\), la multiplicité de \(\pi \) dans \(\Pi \) est égale à la multiplicité de \(\pi _\alpha \) dans \(\varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\Pi )\).

Démonstration

En effet, si l’on écrit :

$$\begin{aligned} \Pi = \sum \limits _{\tau } k(\tau )\cdot \tau \in \mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \end{aligned}$$

\(\tau \) décrit les classes de \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-représentations irréductibles de \(\mathrm{G}_{mn}\) et où \(k(\tau )\in \mathbf {Z}\), alors :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\Pi ) = \sum \limits _{\tau } k(\tau )\cdot \varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\tau ). \end{aligned}$$

D’après le lemme géométrique [20, §2.4.3], le facteur irréductible \(\pi _\alpha \) apparaît avec multiplicité 1 dans \(\varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\pi )\).

Soit \(\tau \) telle que \(\pi _\alpha \) apparaisse dans \(\varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\tau )\). Appliquant à nouveau le lemme géométrique, pour que la représentation \(\varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\tau )\) contienne un terme homogène, c’est-à-dire un terme irréductible de la forme \(\kappa _0\otimes \dots \otimes \kappa _{e-1}\)\(\kappa _i\) est pour chaque i un sous-quotient irréductible de \(\rho ^{\times n_i}\), il faut et il suffit que \(\alpha (\tau )\) soit égal à \(\alpha (\pi )\). Ce terme homogène est alors unique, égal à \(\pi _\alpha \). On a donc \(\tau _\alpha =\pi _\alpha \) ce qui, en induisant, donne \(\tau =\pi \).\(\square \)

Grâce à la propriété d’unicité du Lemme 8.14, tout \(\Pi \in \mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\rho ,\nu )\) peut être décomposé sous la forme :

$$\begin{aligned} \Pi = \Pi _{0} + \dots + \Pi _{e-1} + \Pi _{\mathrm{mixte}} \end{aligned}$$
(8.10)

\(\Pi _i\) contient les termes de \(\Pi \) qui sont des sous-quotients irréductibles de \((\rho \nu ^i)^{\times n}\) et où \(\Pi _{\mathrm{mixte}}\) contient les termes \(\pi \) de \(\Pi \) pour lesquels \(\alpha (\pi )\) contient au moins deux valeurs non nulles (elles sont donc alors toutes strictement inférieures à n).

Lemme 8.17

Soit \({\widetilde{\rho }}\) une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale entière de \(\mathrm{G}\). On a :

$$\begin{aligned} \Delta _{\mathrm{mixte}}({\widetilde{\rho }},n)=\Sigma _{\mathrm{mixte}}({\widetilde{\rho }},n). \end{aligned}$$

Démonstration

Soit \(\alpha =(n_0,\dots ,n_{e-1})\) une famille de e entiers \(\geqslant 0\) de somme n dont deux au moins sont non nuls (on suppose bien sûr que \(e\geqslant 2\) sinon il n’y a rien à prouver). Nous allons prouver que \(\varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\Delta )=\varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\Sigma )\). Pour toute représentation irréductible \(\pi \) dans \(\mathcal {R}(\mathrm{G}_{mn},\rho ,\nu )\), le Lemme 8.16 entraînera alors :

$$\begin{aligned}{}[\Delta :\pi ] = [\varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\Delta ):\pi _\alpha ] = [\varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\Sigma ):\pi _\alpha ] = [\Sigma :\pi ] \end{aligned}$$

ce qui mettra fin à la preuve du Lemme 8.17.

Grâce à la propriété de transitivité des foncteurs de Jacquet, il suffit de prouver cette égalité dans le cas où \(\alpha \) n’a que deux valeurs non nulles k et \(n-k\) avec \(k\in \{1,\dots ,n-1\}\). On a alors :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\Delta ) = {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},n))) = {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},k)) \otimes {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}\nu _{{\widetilde{\rho }}}^{k},n-k)). \end{aligned}$$
(8.11)

Pour calculer ceci, on prouve le lemme suivant.\(\square \)

Lemme 8.18

Soit \(\widetilde{\omega }\) un \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-caractère non ramifié de \(\mathrm{G}_m\) relevant \(\nu ^i\) pour un entier \(i\in \mathbf {Z}\). Alors \({\widetilde{\rho }}^{}{}\widetilde{\omega }\) est congrue à \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) mod \(\ell \).

Démonstration

Calculant la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}\widetilde{\omega }\) au moyen de la formule (1.2), on trouve :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\rho }}\widetilde{\omega }) = (\rho +\rho \nu +\dots +\rho \nu ^{a-1})\cdot \nu ^{i}. \end{aligned}$$

Ayant supposé que \(a>1\), la Proposition 3.5 implique que les représentations tordues \(\rho \nu ^{k}\), \(k\in \mathbf {Z}\), apparaissent toutes, à isomorphisme près, parmi \(\rho ,\rho \nu ,\dots ,\rho \nu ^{a-1}\).\(\square \)

Appliquant le Lemme 8.18 et le Corollaire 8.13, on déduit de (8.11) que :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\Delta ) = \Delta ({\widetilde{\rho }}^{}{},k)\otimes \Delta ({\widetilde{\rho }}^{}{},n-k) = \Sigma ({\widetilde{\rho }}^{}{},k)\otimes \Sigma ({\widetilde{\rho }}^{}{},n-k), \end{aligned}$$

la dernière égalité étant obtenue par hypothèse de récurrence.

Par ailleurs, d’après le lemme géométrique, on a :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_{m\cdot \alpha }(\Sigma ) = \sum \limits _{\gamma } \sum \limits _{\delta } \mathrm{Z}(\rho ,\delta ) \otimes \mathrm{Z}(\rho ,\gamma -\delta ) \end{aligned}$$

\(\gamma \) décrit les familles \((r_0,\dots ,r_{a-1})\) d’entiers \(\geqslant 0\) de somme r et \(\delta =(s_0,\dots ,s_{a-1})\) les familles de somme k telles que \(0\leqslant s_i\leqslant r_i\) pour tout i. Enfin, \(\gamma -\delta \) désigne la famille des entiers \(r_i-s_i\). Ceci est égal à \(\Sigma ({\widetilde{\rho }}^{}{},k)\otimes \Sigma ({\widetilde{\rho }}^{}{},n-k)\), ce dont on déduit le résultat annoncé.

Pour traiter les autres termes irréductibles, c’est-à-dire les \(\pi \) tels que \(\alpha (\pi )\) n’a qu’une valeur non nulle (donc égale à n), on commence par le lemme suivant.

Lemme 8.19

Pour toute \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-représentation irréductible \(\pi \) de \(\mathrm{G}_{mn}\) et tout \(i\in \mathbf {Z}\), les représentations \(\pi \) et \(\pi \nu ^i\) ont la même multiplicité dans \(\Delta \) et dans \(\Sigma \).

Démonstration

Il suffit de voir que \(\Delta \) et \(\Sigma \) sont invariants par torsion par le \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-caractère \(\nu \). Fixant un caractère non ramifié \(\widetilde{\omega }\) de \(\mathrm{G}_m\) relevant \(\nu \) et notant \(|\ |_\mathrm{F}\) la valeur absolue sur \({\mathrm{F}}^{\times }\), on a l’égalité :

$$\begin{aligned} \Delta \cdot |\ |_\mathrm{F}= \Delta ({\widetilde{\rho }}\widetilde{\omega },n). \end{aligned}$$

Le Lemme 8.18 et le Corollaire 8.13 impliquent que ceci est égal à \(\Delta \). Pour \(\Sigma \), il suffit d’écrire :

$$\begin{aligned} \Sigma \cdot |\ |_\mathrm{F}= \sum \limits _{\gamma } \mathrm{Z}(\rho \nu ,r_0)\times \mathrm{Z}(\rho \nu ^2,r_1)\times \dots \times \mathrm{Z}(\rho \nu ^{a},r_{a-1}) \end{aligned}$$

qui est bien égal à \(\Sigma \) car la transformation \((r_0,r_1,\dots ,r_{a-1})\mapsto (r_{a-1},r_0,\dots ,r_{a-2})\) est bijective sur l’ensemble des familles de a entiers \(\geqslant 0\) de somme n.\(\quad \square \)

On déduit du Lemme 8.19, avec la notation introduite en (8.10), que :

$$\begin{aligned} \Delta _i({\widetilde{\rho }},n)=\Delta _0({\widetilde{\rho }},n)\nu ^i, \quad \Sigma _i({\widetilde{\rho }},n)=\Sigma _0({\widetilde{\rho }},n)\nu ^i, \quad i\in \{0,\dots ,e-1\}. \end{aligned}$$
(8.12)

Il ne nous reste donc plus qu’à prouver que \(\Delta _0({\widetilde{\rho }},n)\) et \(\Sigma _0({\widetilde{\rho }},n)\) sont égaux. Soit \(\kappa \otimes \sigma \) un type simple contenu dans \(\rho \), et soit \({{{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}}\) le morphisme (8.3) associé à \(\kappa \). Nous allons montrer que \(\Delta \) et \(\Sigma \) ont la même image par \({{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}\).

Lemme 8.20

On a .

Démonstration

On peut supposer que \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) contient un type simple de la forme \(\widetilde{\kappa }\otimes \widetilde{\sigma }\)\(\widetilde{\kappa }\) est une \(\beta \)-extension relevant \(\kappa \) et \(\widetilde{\sigma }\) une représentation cuspidale de \(\mathcal {G}\) relevant \(\sigma \). Si l’on note \(\widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}}\) le morphisme associé à \(\widetilde{\kappa }\), alors on a la relation :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \circ \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}} = {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}\circ {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell . \end{aligned}$$

Notons \(\phi \) l’automorphisme de Frobenius de \(\mathrm{Gal}(\varvec{d}/\varvec{e})\) et posons \(\widetilde{\sigma }_i=\widetilde{\sigma }^{\phi ^{i-1}}\) pour \(i\in \{1,\dots ,b({\widetilde{\rho }}^{}{})\}\). Notant \(\sigma _i\) la réduction mod \(\ell \) de \(\widetilde{\sigma }_i\), on a \(\sigma _i=\sigma _j\) si et seulement si i et j sont congrus mod \(b(\rho )\). Compte tenu de la relation entre les invariants b et s d’une part (voir la Sect. 8.4) et la Proposition 3.5(3) d’autre part, le quotient de \(b({\widetilde{\rho }}^{}{})\) par \(b(\rho )\) est égal à a. D’après [22, Lemme 5.9] (voir aussi la preuve de [23, Lemme 4.7]), la réduction mod \(\ell \) de \(z(\widetilde{\sigma }_i,r)\) est égale à \(z(\sigma _i,r)\) pour tout \(r\geqslant 1\). D’après la Proposition 8.8, on a donc :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\Delta )= & {} \sum \limits _{\alpha } z(\sigma _1,n_1)\times z(\sigma _2,n_2) \times \dots \times z(\sigma _{b({\widetilde{\rho }}^{}{})},n_{b({\widetilde{\rho }}^{}{})}) \\= & {} \sum \limits _{\alpha } \prod \limits _{i=1}^{b} z(\sigma _i,n_i) \times z(\sigma _i,n_{i+b}) \times \dots \times z(\sigma _i,n_{i+(a-1)b}) \end{aligned}$$

\(b=b(\rho )\) et \(\alpha \) décrit l’ensemble des familles \((n_1,n_2,\dots ,n_{b({\widetilde{\rho }}^{}{})})\) d’entiers naturels de somme n. Par ailleurs, d’après (8.1.2) et (8.4.1), on a :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\Sigma )= & {} \sum {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\mathrm{Z}(\rho ,r_0))\times {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\mathrm{Z}(\rho ,r_1)) \times \dots \times {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\mathrm{Z}(\rho ,r_{a-1})) \\= & {} \sum \prod \limits _{j=0}^{a-1} \sum \limits _{\delta _j} z(\sigma _1,m_{1,j})\times z(\sigma _2,m_{2,j}) \times \dots \times z(\sigma _{b},m_{b,j}) \end{aligned}$$

où la somme porte sur les familles \((r_0,\dots ,r_{a-1})\) d’entiers naturels de somme n, et où \(\delta _j\) décrit les familles \((m_{1,j},m_{2,j},\dots ,m_{b,j})\) d’entiers \(\geqslant 0\) de somme \(r_{j}\). Utilisant la notation (8.5), on a :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\Sigma ) = \sum \limits z(\delta _0)\times z(\delta _1) \times \dots \times z(\delta _{a-1}) \end{aligned}$$

\(\delta _0,\dots ,\delta _{a-1}\) décrivent les familles de b entiers naturels de somme totale n. Ecrivant \(\delta _j\) sous la forme \((m_{1,j},n_{2,j},\dots ,m_{b,j})\) (de sorte que la somme de tous les \(m_{i,j}\), \(i\in \{1,\dots ,b\}\), \(j\in \{0,\dots ,a-1\}\) est égale à n), on note \(\alpha \) la famille \((n_1,\dots ,n_{b({\widetilde{\rho }}^{}{})})\) définie par :

$$\begin{aligned} n_{i+bj} = m_{i,j}, \quad i\in \{1,\dots ,b\},\ j\in \{0,\dots ,a-1\}. \end{aligned}$$

L’opération \((\delta _0,\dots ,\delta _{a-1})\mapsto \alpha \) est injective, et son image donne toutes les familles de \(b({\widetilde{\rho }}^{}{})\) entiers naturels de somme n. On en déduit le résultat voulu.\(\square \)

Appliquant conjointement le Lemme 8.17, l’identité (8.12) et la propriété (8.4.2), on en déduit :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\Delta ^{}_0({\widetilde{\rho }},n))={{\mathbf {\mathsf{{K}}}}}(\Sigma _0({\widetilde{\rho }},n)). \end{aligned}$$

Appliquant le Lemme 8.11, cela donne \(\Delta _0({\widetilde{\rho }},n)=\Sigma _0({\widetilde{\rho }},n)\), pour tout entier \(n\geqslant 2\), ce qui met fin à la preuve de la Proposition 1.10. Elle a pour conséquence immédiate le résultat suivant.

Proposition 8.21

Soient \({\widetilde{\rho }}_1\), \({\widetilde{\rho }}_2\) deux \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentations irréductibles cuspidales entières de \(\mathrm{G}\), et soit un entier \(n\geqslant 1\). Les représentations irréductibles \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}_1,n)\) et \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}_2,n)\) sont congruentes si et seulement si \({\widetilde{\rho }}_1\) et \({\widetilde{\rho }}_2\) sont congruentes.

Démonstration

Pour l’implication directe, il suffit d’appliquer le foncteur de Jacquet \(\varvec{r}_{\alpha }\) avec \(\alpha =(m,\dots ,m)\) et d’utiliser la formule :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_\alpha (\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},n)) = {\widetilde{\rho }}\otimes {\widetilde{\rho }}\nu _{{\widetilde{\rho }}}^{}\otimes \dots \otimes {\widetilde{\rho }}\nu _{{\widetilde{\rho }}}^{n-1} \end{aligned}$$

et le fait que la réduction mod \(\ell \) commute aux foncteurs de Jacquet (voir [20, §1.2.4]).\(\square \)

8.9 Preuve da la Proposition 8.7 dans le cas général

Soit \({\widetilde{\rho }}\) une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale entière de degré \(m\geqslant 1\). Etant donné un multisegment formel \(\upmu \), écrivons :

$$\begin{aligned} \mathrm{Z}(\upmu \boxtimes {\widetilde{\rho }}) = \sum \limits _{\upnu } \textsf {n}(\upmu ,\upnu ,{\widetilde{\rho }})\cdot \mathrm{I}(\upnu \boxtimes {\widetilde{\rho }}) \end{aligned}$$

où l’on note :

$$\begin{aligned} \mathrm{I}(\upnu \boxtimes {\widetilde{\rho }}) = \mathrm{Z}([a_1,n_1]\boxtimes {\widetilde{\rho }})\times \dots \times \mathrm{Z}([a_r,n_r]\boxtimes {\widetilde{\rho }}) \end{aligned}$$

pour tout multisegment formel \(\upnu =[a_1,n_1]+\dots +[a_r,n_r]\) et où les \(\textsf {n}(\upmu ,\upnu ,{\widetilde{\rho }})\) sont dans \(\mathbf {Z}\). Avec les notations du Paragraphe 3.1, on a donc :

$$\begin{aligned} \sum \limits _{\uplambda } \textsf {m}(\upmu ,\uplambda ,{\widetilde{\rho }})\textsf {n}(\uplambda ,\upnu ,{\widetilde{\rho }})= \left\{ \begin{array}{ll} 1 &{} \quad \text {si }\upmu =\upnu ,\\ 0 &{}\quad \text {sinon,} \end{array} \right. \end{aligned}$$

\(\uplambda \) décrivant les multisegments formels. Réduisant modulo \(\ell \), on obtient :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\mathrm{Z}(\upmu \boxtimes {\widetilde{\rho }})) =\sum \limits _{\upnu } \textsf {n}(\upmu ,\upnu ,{\widetilde{\rho }})\cdot {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\mathrm{I}(\upnu \boxtimes {\widetilde{\rho }})). \end{aligned}$$

Soient \({\widetilde{\rho }}_1\) et \({\widetilde{\rho }}_2\) des \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentations irréductibles cuspidales entières congruentes. D’après la Proposition 8.21, et comme \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \) commute à l’induction parabolique, on a :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\mathrm{I}(\upnu \boxtimes {\widetilde{\rho }}_1)) = {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\mathrm{I}(\upnu \boxtimes {\widetilde{\rho }}_2)). \end{aligned}$$

Par ailleurs, d’après [23, Proposition 4.15], on a l’égalité \(\textsf {n}(\upmu ,\upnu ,{\widetilde{\rho }}_1)=\textsf {n}(\upmu ,\upnu ,{\widetilde{\rho }}_2)\). Ceci met fin à la preuve de la Proposition 8.7.

8.10 Preuve du Théorème 1.12

Soit \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) une représentation de Speh entière de \(\mathrm{G}_m\), qu’on écrit \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},r)\) avec r un diviseur de m et \({\widetilde{\rho }}\) une représentation irréductible cuspidale entière de \(\mathrm{G}_{mr^{-1}}\). D’après la Définition 8.1, on a \(c({\widetilde{\pi }}^{}{})=c({\widetilde{\rho }})\). D’après (8.6) et la Proposition 8.21, on a \(t({\widetilde{\pi }}^{}{})=t({\widetilde{\rho }})\). Enfin, on a \(w({\widetilde{\pi }}^{}{})=w({\widetilde{\rho }})\) par définition. Le résultat se déduit alors de la Proposition 1.3.

8.11 Preuve du Théorème 1.13

D’après le Paragraphe 3.1, l’application :

$$\begin{aligned} ({\widetilde{\rho }},r) \mapsto \mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},r) \end{aligned}$$
(8.13)

est une bijection entre l’ensemble des paires formées d’un diviseur r de m et d’une classe d’isomorphisme de \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale \({\widetilde{\rho }}\) de \(\mathrm{G}_{mr^{-1}}\), et l’ensemble \(\mathcal {Z}(\mathrm{G}_m,{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\).

Fixant un entier \(w\geqslant 1\) et un nombre rationnel \(j\geqslant 0\), l’application (8.13) induit une bijection entre :

  1. (1)

    classes d’isomorphisme de \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentations irréductibles cuspidales \({\widetilde{\rho }}\) de degré divisant m, de niveau normalisé inférieur ou égal à j, et telles que \(w({\widetilde{\rho }})=w\) ;

  2. (2)

    et l’ensemble des \({\widetilde{\pi }}^{}{}\in \mathcal {Z}(\mathrm{G}_m,{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) de niveau normalisé inférieur ou égal à j.

Enfin, la Proposition 8.21 et la propriété (8.1.2) impliquent que, en réduisant mod \(\ell \), on obtient une bijection :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\langle {\widetilde{\rho }}\rangle ) \mapsto {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\langle \mathrm{Z}({\widetilde{\rho }},r)\rangle ) \end{aligned}$$

entre les ensembles finis \(\mathscr {A}_\ell (\mathrm{D},w,j)\) et \(\mathscr {E}_\ell (\mathrm{G}_m,w,j)\), ce qui prouve le Théorème 1.13.

9 La correspondance de Jacquet–Langlands dans le cas complexe

Dans cette section et la suivante, on fixe un entier \(n\geqslant 1\) et une \(\mathrm{F}\)-algèbre à division centrale de degré réduit n dont on note \(\mathrm{A}\) le groupe multiplicatif. On désigne par \(\mathbf {C}\) le corps des nombres complexes.

Soit \(\mathrm{G}=\mathrm{GL}_m(\mathrm{D})\) une forme intérieure de \(\mathrm{H}=\mathrm{GL}_n(\mathrm{F})\). Traditionnellement, la correspondance de Jacquet–Langlands locale est une bijection de la série discrète de \(\mathrm{G}\) vers celle de \(\mathrm{H}\). Pour nous, il est préférable de choisir \(\mathrm{A}\) plutôt que \(\mathrm{H}\) comme groupe de référence.

9.1 .

Soit \(\mathcal {D}(\mathrm{G},\mathbf {C})\) l’ensemble des classes de représentations lisses complexes, irréductibles et essentiellement de carré intégrable de \(\mathrm{G}\). La correspondance de Jacquet–Langlands locale [2, 12, 24] est une bijection :

$$\begin{aligned} \varvec{j} ~: \mathcal {D}(\mathrm{G},\mathbf {C})\rightarrow \mathrm{Irr}(\mathrm{A},\mathbf {C}) \end{aligned}$$
(9.1)

caractérisée par une identité de caractères sur les classes de conjugaison elliptiques et régulières. Elle préserve le caractère central, le degré formel [9, 12, 24] et le niveau normalisé [1]. Comme elle est compatible à la torsion par un caractère de \({\mathrm{F}}^{\times }\), elle préserve aussi le nombre de torsion.

Si r est un diviseur de m et \(\rho \) une représentation irréductible cuspidale de \(\mathrm{GL}_{mr^{-1}}(\mathrm{D})\), l’induite parabolique :

$$\begin{aligned} \rho \times \rho \nu _\rho ^{}\times \dots \times \rho \nu _{\rho }^{r-1} \end{aligned}$$

admet un unique quotient irréductible, noté \(\mathrm{L}(\rho ,r)\) ; celui-ci est essentiellement de carré intégrable, et tout élément de \(\mathcal {D}(\mathrm{G},\mathbf {C})\) s’obtient de cette façon [4, §2.2].

Soit \(r\geqslant 1\), soient des entiers \(m_1,\dots ,m_r\geqslant 1\) de somme m et, pour chaque \(i\in \{1,\dots ,r\}\), soit \(\pi _i\) une représentation irréductible essentiellement de carré intégrable de \(\mathrm{GL}_{m_i}(\mathrm{D})\). Les induites paraboliques de la forme :

$$\begin{aligned} \pi _1\times \dots \times \pi _r \in \mathcal {R}(\mathrm{G},\mathbf {C}) \end{aligned}$$
(9.2)

forment une base du groupe abélien libre \(\mathcal {R}(\mathrm{G},\mathbf {C})\), appelée base standard. Il y a donc un unique morphisme surjectif de groupes abéliens :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}~: \mathcal {R}(\mathrm{G},\mathbf {C})\rightarrow \mathcal {R}(\mathrm{A},\mathbf {C}) \end{aligned}$$
(9.3)

qui soit nul sur l’ensemble des induites paraboliques de la forme (9.2) avec \(r\geqslant 2\), et qui coïncide avec la bijection \(\varvec{j}\) sur \(\mathcal {D}(\mathrm{G},\mathbf {C})\).

9.2 .

Etant donnée une représentation irréductible \(\pi \in \mathrm{Irr}(\mathrm{G},\mathbf {C})\), on note \(\pi ^*\) sa duale de Zelevinski. L’image de \(\mathcal {D}(\mathrm{G},\mathbf {C})\) par l’involution de Zelevinski est l’ensemble \(\mathcal {Z}(\mathrm{G},\mathbf {C})\) des classes de représentations de Speh de \(\mathrm{G}\). Pour le lemme suivant, voir aussi [3, §3.5].

Lemme 9.1

Soit une représentation \(\pi \in \mathcal {D}(\mathrm{G},\mathbf {C})\), qu’on écrit \(\mathrm{L}(\rho ,r)\) avec r un diviseur de m et \(\rho \) une représentation cuspidale de \(\mathrm{GL}_{mr^{-1}}(\mathrm{D})\). Alors :

Démonstration

Dans le groupe de Grothendieck de \(\mathrm{G}\), on a :

$$\begin{aligned} \pi ^* = \sum \limits _{\alpha } (-1)^{r-n(\alpha )} \cdot \varvec{i}_\alpha \circ \varvec{r}_\alpha (\pi ) \end{aligned}$$
(9.4)

\(\alpha \) décrit les familles d’entiers \(\geqslant 1\) de somme r et où \(n(\alpha )\) est le nombre de termes de \(\alpha \). En appliquant \({{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}\), le seul terme de la somme qui contribue est celui correspondant à \(\alpha =(r)\). On en déduit le résultat voulu. \(\square \)

Pour toute représentation \(\pi \in \mathcal {Z}(\mathrm{G},\mathbf {C})\), qu’on écrit \(\mathrm{Z}(\rho ,r)\)r est un diviseur de m et \(\rho \) une représentation cuspidale de \(\mathrm{GL}_{mr^{-1}}(\mathrm{D})\), on pose \(\epsilon (\pi ) = (-1)^{r-1}\). Ainsi, l’application :

$$\begin{aligned} \varvec{j}^* : \pi \mapsto \varvec{j}(\pi ^*) = \epsilon (\pi )\cdot {{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}(\pi ) \end{aligned}$$
(9.5)

est une bijection de \(\mathcal {Z}(\mathrm{G},\mathbf {C})\) sur \(\mathrm{Irr}(\mathrm{A},\mathbf {C})\).

10 Le théorème principal

On conserve les notations de la Sect. 9. On fixe un isomorphisme de corps \(\iota :\mathbf {C}\simeq {\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\). On note \(\widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}}{}_\ell \) le morphisme de \(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) dans \(\mathcal {R}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) et \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_\ell \) la bijection de \(\mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) dans \(\mathrm{Irr}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) obtenus à partir de (9.3) et (9.5) par changement du corps des coefficients.

L’image d’une représentation de Speh \(\ell \)-adique \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) de \(\mathrm{G}\) par \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_\ell \) s’appelle le transfert de \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) à \(\mathrm{A}\).

Remarque 10.1

Le morphisme de groupes \(\widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}}{}_\ell \) et la bijection \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_\ell \) peuvent aussi être définis de la même façon que \({{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}\) et \(\varvec{j}^*\) l’ont été à partir de \(\varvec{j}\), au moyen de la correspondance :

$$\begin{aligned} \widetilde{\varvec{\jmath }}{}_\ell : \mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\rightarrow \mathrm{Irr}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \end{aligned}$$

obtenue à partir de (9.1) par changement du corps des coefficients. La correspondance \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}_\ell \) ne dépend pas du choix de l’isomorphisme de corps \(\iota :\mathbf {C}\simeq {\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\) car, pour tout automorphisme de corps \(\alpha \) de \(\mathbf {C}\) et toute représentation irréductible complexe \(\pi \) de \(\mathrm{G}\), le caractère de Harish-Chandra \(\uptheta _{\pi ^\alpha }\) de la représentation tordue \(\pi ^\alpha \) est égal à \(\alpha \circ \uptheta _\pi \), où \(\uptheta _\pi \) est le caractère de Harish-Chandra de \(\pi \), et le signe \((-1)^{m-1}\) apparaissant dans la correspondance est invariant par \(\alpha \). Par conséquent, ni \(\widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}}{}_\ell \) ni \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_\ell \) ne dépendent du choix de l’isomorphisme de corps \(\iota \).

10.1 .

Dans [11] Dat définit le caractère de Brauer \({\widetilde{\uptheta }}_\pi \) d’une \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-représentation lisse irréductible \(\pi \) d’un groupe réductif p-adique. Rappelons-en les principales propriétés pour le groupe \(\mathrm{G}\).

Notons \(\mathrm{G}^{\mathrm{crs}}\) le sous-ensemble ouvert de \(\mathrm{G}\) formé des élément semi-simples réguliers et compacts modulo le centre de \(\mathrm{G}\), et notons \(\mathrm{G}^{\mathrm{crs}}_{\ell '}\) le sous-ensemble de \(\mathrm{G}^{\mathrm{crs}}\) formé des éléments d’ordre premier à \(\ell \) modulo le centre (voir [11, §2.1] pour les définitions précises).

A toute représentation lisse irréductible \(\pi \in \mathrm{Irr}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) on associe une fonction :

$$\begin{aligned} {\widetilde{\uptheta }}_\pi \in \mathcal {C}^{\infty }(\mathrm{G}^{\mathrm{crs}}_{\ell '},{\overline{\mathbf {Z}}_\ell })^\mathrm{G}\end{aligned}$$

appelée son caractère de Brauer, \(\mathcal {C}^{\infty }(\mathrm{G}^{\mathrm{crs}}_{\ell '},{\overline{\mathbf {Z}}_\ell })^\mathrm{G}\) étant l’espace des fonctions localement constantes sur \(\mathrm{G}^{\mathrm{crs}}_{\ell '}\), à valeurs dans \({\overline{\mathbf {Z}}_\ell }\) et \(\mathrm{G}\)-invariantes par conjugaison.

L’application \(\pi \mapsto {\widetilde{\uptheta }}_\pi \) induit un morphisme de groupes rendant commutatif le diagramme :

\(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })^{\mathrm{e}}\) désigne le sous-groupe de \(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) formé des représentations entières, où \(\uptheta \) désigne le caractère de Harish-Chandra et où le morphisme vertical de droite est la restriction à \(\mathrm{G}^{\mathrm{crs}}_{\ell '}\). Le morphisme \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \) étant surjectif [20, Théorème 9.40], ce diagramme détermine \({\widetilde{\uptheta }}\) de façon unique.

En particulier, lorsque \(\mathrm{G}=\mathrm{A}\), le morphisme \(\widetilde{\uptheta }\) est injectif [11, Proposition 2.3.1].

Proposition 10.2

Il existe un unique morphisme de groupes :

(10.1)

tel que le diagramme :

soit commutatif.

Démonstration

La preuve de Dat (voir [11, (3.1.2)]) est encore valable ici. \(\quad \square \)

Remarque 10.3

  1. (1)

    Lorsque \(\mathrm{G}=\mathrm{H}\), le morphisme \({{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_\ell \) est le morphisme noté \(\mathrm{LJ}_{{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}}\) dans [11, Théorème 1.2.3].

  1. (2)

    Soit \(\mathrm{A}'\) le groupe multiplicatif d’une \(\mathrm{F}\)-algèbre à division de degré réduit n. Notons :

    $$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}'_\ell : \mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\rightarrow \mathcal {R}(\mathrm{A}',{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \end{aligned}$$

    le morphisme obtenu en remplaçant \(\mathrm{A}\) par \(\mathrm{A}'\) dans (10.1), et notons \({{\mathbf {\mathsf{{P}}}}}_\ell : \mathcal {R}(\mathrm{A}',{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\rightarrow \mathcal {R}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) celui obtenu en y remplaçant \(\mathrm{G}\) par \(\mathrm{A}'\). Alors \({{\mathbf {\mathsf{{P}}}}}_\ell \) est bijectif, et \({{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_\ell ^{}={{\mathbf {\mathsf{{P}}}}}_\ell ^{}\circ {{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}'_\ell \). En effet, c’est vrai sur \(\mathbf {C}\), donc sur \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\), et le résultat suit par compatibilité à la réduction mod \(\ell \).

10.2 Preuve du théorème principal

Pour tout entier \(w\geqslant 0\), on pose :

$$\begin{aligned} \mathcal {Z}_{w}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })= \{{\widetilde{\pi }}^{}{}\in \mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\ |\ {\widetilde{\pi }}^{}{}\text { est enti}\grave{\mathrm{e}}\text {re et }w({\widetilde{\pi }}^{}{})=w\}. \end{aligned}$$
(10.2)

Lorsque \(w=1\), c’est l’ensemble des représentations irréductibles \(\ell \)-adiques entières \(\ell \)-super-Speh de \(\mathrm{G}\) au sens de la Définition 1.9 et de [11]. On note :

$$\begin{aligned} \mathcal {Z}_{w}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \subseteq \mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \end{aligned}$$

l’image par \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \) de l’ensemble \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\).

En général \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) n’est pas formé de représentations irréductibles. Toutefois, pour \(w=1\), l’ensemble \(\mathcal {Z}_1(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) est le sous-ensemble de \(\mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) formé des représentations super-Speh de \(\mathrm{G}\), c’est-à-dire celles dont le support cuspidal est supercuspidal.

Remarquons également que, dans le cas où \(\mathrm{G}\) est le groupe \(\mathrm{H}=\mathrm{GL}_n(\mathrm{F})\), l’ensemble \(\mathcal {Z}_w(\mathrm{H},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) est inclus dans \(\mathcal {Z}(\mathrm{H},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) pour tout \(w\geqslant 0\).

Théorème 10.4

Soit un entier \(w\geqslant 0\).

  1. (1)

    Pour toute représentation \(\pi \in \mathcal {Z}_w(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\), il y a un signe \(\epsilon (\pi )\in \{-1,+1\}\) tel que :

    (10.3)

    appartienne à \(\mathcal {Z}_w(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) ; on note \(\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}(\pi )\) la quantité (10.3), qu’on appelle le transfert de \(\pi \) à \(\mathrm{A}\).

  2. (2)

    L’application \(\pi \mapsto \mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}(\pi )\) de \(\mathcal {Z}_w(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) dans \(\mathcal {Z}_w(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) est bijective.

  3. (2)

    La bijection \(\widetilde{\mathbf{J}}^{*}_{\ell }\) induit une bijection de \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) dans \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) et le diagramme :

    est commutatif.

Remarque 10.5

Si \(\pi \in \mathcal {Z}_w(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) est la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\pi }}^{}{}\in \mathcal {Z}_w(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\), alors le signe \(\epsilon (\pi )\) apparaissant dans (10.3) est égal à \(\epsilon ({\widetilde{\pi }}^{}{})\).

Démonstration

La preuve se fait par récurrence sur w. Le théorème est vrai lorsque \(w=0\), puisque dans ce cas tous les ensembles concernés sont vides. Fixons un entier \(w\geqslant 1\) et supposons que le théorème est vrai pour tout \(w'\leqslant w-1\).

Supposons d’abord que l’ensemble \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) est non vide. Dans ce cas, le Lemme 3.17 montre que le plus grand diviseur de w premier à \(\ell \) divise \(\ell -1\).

Soit \({\widetilde{\pi }}^{}{}\in \mathcal {Z}_w(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) entière, et soit \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) son image par \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_\ell \). Par hypothèse de récurrence, \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_\ell \) envoie bijectivement la réunion des \(\mathcal {Z}_{w'}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) pour \(w'<w\) sur la réunion des \(\mathcal {Z}_{w'}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) pour \(w'<w\). On en déduit que :

$$\begin{aligned} w\leqslant w({\widetilde{\rho }}^{}{}). \end{aligned}$$
(10.4)

La bijection \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_{\ell }\) étant compatible à la torsion par un caractère, on a l’égalité \(n({\widetilde{\pi }}^{}{})=n({\widetilde{\rho }}^{}{})\), donc :

$$\begin{aligned} c({\widetilde{\pi }}^{}{})=c({\widetilde{\rho }}^{}{}). \end{aligned}$$
(10.5)

On note c cette valeur commune donnée par (10.5).\(\square \)

Lemme 10.6

On a \(t({\widetilde{\pi }}^{}{})\leqslant t({\widetilde{\rho }}^{}{})\).

Démonstration

La bijection \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_{\ell }\) étant compatible à la torsion par un caractère, elle induit une bijection entre classes de torsion de \(\mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) et classes inertielles de \(\mathrm{Irr}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\), encore notée \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_{\ell }\). Soit \(\mathcal {O}({\widetilde{\pi }}^{}{})\) l’ensemble des classes de torsion des éléments de \(\mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) qui sont entiers et congrus à la classe de torsion de \({\widetilde{\pi }}^{}{}\).

Si la classe de torsion \(\langle {\widetilde{\pi }}^{}{}_1\rangle \) est dans \(\mathcal {O}({\widetilde{\pi }}^{}{})\), le diagramme commutatif de la Proposition 10.2 et la compatibilité de \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_{\ell }\) à la torsion montrent que l’image \({\widetilde{\rho }}^{}{}_1\) de \({\widetilde{\pi }}^{}{}_1\) a sa classe inertielle dans \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{})\). La bijection \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_{\ell }\) induit donc une injection de \(\mathcal {O}({\widetilde{\pi }}^{}{})\) dans \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{})\), ce dont on déduit l’inégalité \(t({\widetilde{\pi }}^{}{})\leqslant t({\widetilde{\rho }}^{}{})\). \(\square \)

Lemme 10.7

On a \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})=t({\widetilde{\pi }}^{}{})\) et \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})=w\).

Démonstration

Partons des inégalités :

$$\begin{aligned} t({\widetilde{\pi }}^{}{}) \leqslant t({\widetilde{\rho }}^{}{}) \leqslant c \end{aligned}$$

données par le Lemme 10.7 et le Théorème 1.12.

Si \(w=1\), alors \(t({\widetilde{\pi }}^{}{})=c\) d’après le Théorème 1.12, ce dont on déduit l’égalité \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})=t({\widetilde{\pi }}^{}{})\). On en déduit aussi que \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})=c\), ce qui implique que \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})=1\) d’après la Proposition 1.12.

Si \(1<w<\ell \), alors d’après le Théorème 1.12 on a :

$$\begin{aligned} \frac{c-1}{w} = t({\widetilde{\pi }}^{}{}) \leqslant t({\widetilde{\rho }}^{}{}) \leqslant \frac{c-1}{w({\widetilde{\rho }}^{}{})}. \end{aligned}$$

On en déduit que \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})\leqslant w\), ce qui, avec (10.4), entraîne \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})=w\), puis \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})=t({\widetilde{\pi }}^{}{})\).

Enfin, si \(w\geqslant \ell \), alors on a aussi \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})\geqslant \ell \) d’après (10.4). Par conséquent, d’après le Lemme 3.17, les entiers w et \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})\) sont divisibles par \(\ell \). D’après le Théorème 1.12, on a :

$$\begin{aligned} \frac{c(\ell -1)}{w\ell } = t({\widetilde{\pi }}^{}{}) \leqslant t({\widetilde{\rho }}^{}{}) = \frac{c(\ell -1)}{w({\widetilde{\rho }}^{}{})\ell }. \end{aligned}$$

On en déduit que \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})\leqslant w\), ce qui, avec (10.4), entraîne \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})=w\), puis \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})=t({\widetilde{\pi }}^{}{})\).\(\square \)

L’égalité \(t({\widetilde{\rho }}^{}{})=t({\widetilde{\pi }}^{}{})\) entraîne le corollaire suivant.

Corollaire 10.8

L’image de \(\mathcal {O}({\widetilde{\pi }}^{}{})\) par \(\tilde{\mathbf{J}}_{\ell }\) est égale à \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{})\).

L’égalité \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})=w\) implique que \(\tilde{\mathbf{J}}_{\ell }\) induit une injection :

$$\begin{aligned} \mathcal {Z}_{w}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\rightarrow \mathcal {Z}_{w}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }). \end{aligned}$$

Le Corollaire 10.8 implique l’existence d’une application injective \(\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}\) de \(\mathcal {Z}_w(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) dans \(\mathcal {Z}_w(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) telle qu’on ait l’égalité :

$$\begin{aligned} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \circ \tilde{\mathbf{J}}_{\ell } = \mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}\circ {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \end{aligned}$$

sur \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\). (L’existence de \(\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}\) provient du fait que l’image de \(\mathcal {O}({\widetilde{\pi }}^{}{})\) par \(\tilde{\mathbf{J}}_{\ell }\) est incluse dans \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{})\) et son injectivité de ce que cette image est exactement \(\mathcal {O}({\widetilde{\rho }}^{}{})\).) Le morphisme \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \) étant surjectif, \(\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}\) est unique. Pour prouver que \(\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}\) est bijective, nous utilisons un argument de comptage.

Fixons un nombre rationnel \(j\geqslant 0\) et notons :

$$\begin{aligned} \mathscr {E}_\ell (\mathrm{G},w,j) \end{aligned}$$

l’ensemble des \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\langle {\widetilde{\pi }}^{}{}\rangle )\)\({\widetilde{\pi }}^{}{}\in \mathcal {Z}_w(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) est de niveau normalisé inférieur ou égal à j (Paragraphe 1.8). Par compatibilité à la torsion et comme \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}^{*}_\ell \) préserve le niveau normalisé, l’application \(\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}\) induit une application injective :

$$\begin{aligned} \mathscr {E}_\ell (\mathrm{G},w,j)\rightarrow \mathscr {E}_\ell (\mathrm{A},w,j). \end{aligned}$$
(10.6)

D’après le Théorème 1.13, ces ensembles sont finis et de même cardinal ; l’application (10.6) est donc bijective.

Considérons maintenant un élément de \(\mathcal {Z}_w(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\), que l’on écrit \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\rho }}^{}{})\). Si l’on note j le niveau normalisé de \({\widetilde{\rho }}^{}{}\), alors \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\langle {\widetilde{\pi }}^{}{}\rangle )\) a un antécédent par (10.6), qu’on écrit \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell (\langle {\widetilde{\pi }}^{}{}\rangle )\), et on vérifie que \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\pi }}^{}{})\) est un antécédent de \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\rho }}^{}{})\) par \(\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}\). Ainsi \(\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}\) est bijective, ce qui prouve l’assertion 2 du théorème.

Pour toute représentation \(\pi \in \mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\), il existe donc un signe \(\epsilon (\pi )\) tel que \({{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_\ell (\pi )=\epsilon (\pi )\cdot \mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}(\pi )\), ce qui prouve l’assertion 1 du théorème.

Soit maintenant \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) dans \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\). Par surjectivité de \(\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}\) et de \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \), la représentation \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\rho }}^{}{})\) a un antécédent \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) dans \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\), ce qui prouve l’assertion 3.

Pour terminer la démonstration du Théorème 10.4, supposons enfin que l’ensemble \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) est vide. Dans ce cas, \(\mathscr {E}_\ell (\mathrm{G},w,j)\) est vide pour tout nombre rationnel \(j\geqslant 0\). D’après le Théorème 1.13, l’ensemble \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) est vide lui aussi. L’ensemble \(\mathcal {Z}_{w}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) est donc également vide, ce dont on déduit que le théorème est vrai dans ce cas. \(\square \)

Le corollaire suivant, qui généralise [11, Théorème 1.2.4], s’obtient en appliquant le Théorème 10.4 avec \(w=1\) (voir le Corollaire 1.14).

Corollaire 10.9

La bijection \(\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}\) induit une bijection entre l’ensemble \(\mathcal {Z}_1(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) des représentations super-Speh de \(\mathrm{G}\) et \(\mathrm{Irr}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\).

10.3 Preuve du Théorème 1.1

Après avoir fait un détour par les représentations de Speh, nous montrons comment déduire le Théorème 1.1 du Théorème 10.4.

Soit \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) une représentation de \(\mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\), qu’on écrit \(\mathrm{L}({\widetilde{\rho }},r)\)r est un diviseur de m et \({\widetilde{\rho }}\) une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique de \(\mathrm{GL}_{mr^{-1}}(\mathrm{D})\). Notant \(\omega _{{\widetilde{\rho }}}\) le caractère central de \({\widetilde{\rho }}\), celui de \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est égal à :

$$\begin{aligned} \omega ^r_{{\widetilde{\rho }}}\cdot (\nu _{{\widetilde{\rho }}}^{})^{r(r-1)/2}. \end{aligned}$$

La représentation \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est entière si et seulement si \({\widetilde{\rho }}\) l’est, et \({\widetilde{\rho }}\) est entière si et seulement si \(\omega _{{\widetilde{\rho }}}\) l’est. Par conséquent, \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est entière si et seulement si son caractère central l’est. La correspondance :

$$\begin{aligned} \widetilde{\varvec{\jmath }}{}_\ell : \mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\rightarrow \mathrm{Irr}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \end{aligned}$$

obtenue à partir de (9.1) par changement du corps des coefficients préserve le caractère central. On en déduit que \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est entière si et seulement si son image par \(\widetilde{\varvec{\jmath }}{}_\ell \) l’est.

Soient maintenant deux représentations entières \({\widetilde{\pi }}^{}{}_1,{\widetilde{\pi }}^{}{}_2\) de \(\mathcal {D}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\). Appliquant l’involution de Zelevinski, on obtient deux représentations \({\widetilde{\pi }}^{}{}_1^*,{\widetilde{\pi }}^{}{}_2^*\in \mathcal {Z}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\), qui sont entières car de même caractère central que \({\widetilde{\pi }}^{}{}_1,{\widetilde{\pi }}^{}{}_2\). D’après le Théorème 10.4, les représentations \({\widetilde{\pi }}^{}{}_1^*,{\widetilde{\pi }}^{}{}_2^*\) sont congruentes mod \(\ell \) si et seulement si leurs images :

$$\begin{aligned} \tilde{\mathbf{J}}_{\ell }({\widetilde{\pi }}^{}{}_i^*)=\widetilde{\varvec{\jmath }}{}_\ell ({\widetilde{\pi }}^{}{}_i), \quad i=1,2, \end{aligned}$$

le sont. Pour mettre fin à la preuve du Théorème 1.1, il reste à vérifier que \({\widetilde{\pi }}^{}{}_1^*,{\widetilde{\pi }}^{}{}_2^*\) sont congruentes mod \(\ell \) si et seulement si \({\widetilde{\pi }}^{}{}_1,{\widetilde{\pi }}^{}{}_2\) le sont, ce qui suit de [19, Proposition A.3].

11 Une formule de déterminant

Etant donnés une \(\mathrm{F}\)-algèbre à division centrale \(\mathrm{D}\) de degré réduit d et un corps algébriquement clos \(\mathrm{R}\) de caractéristique différente de p, on rappelle que les notations \(\mathrm{Irr}(\mathrm{D},\mathrm{R})\) et \(\mathcal {R}(\mathrm{D},\mathrm{R})\) ont été définies en (2.1), et on pose :

$$\begin{aligned} \widehat{\mathcal {R}}(\mathrm{D},\mathrm{R}) = \prod \limits _{m\geqslant 0} \mathcal {R}(\mathrm{GL}_m(\mathrm{D}),\mathrm{R}). \end{aligned}$$

Il sera commode d’utiliser le langage des séries formelles pour manipuler les éléments de \(\widehat{\mathcal {R}}(\mathrm{D},\mathrm{R})\). Un élément \(\Pi \in \widehat{\mathcal {R}}(\mathrm{D},\mathrm{R})\) sera noté :

$$\begin{aligned} \Pi = \sum \limits _{m\geqslant 0} \Pi _m\mathrm{T}^{md}, \quad \Pi _m\in \mathcal {R}(\mathrm{GL}_m(\mathrm{D}),\mathrm{R}) \end{aligned}$$

où l’entier md peut être considéré comme le “degré déployé” de \(\Pi _m\).

Définition 11.1

Si \(\rho \) est une représentation irréductible cuspidale de \(\mathrm{GL}_m(\mathrm{D})\) à coefficients dans \(\mathrm{R}\), on lui associe la série formelle :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho ,\mathrm{T}) = \sum \limits _{t\geqslant 0} (-1)^t \mathrm{Z}(\rho ,t) \mathrm{T}^{mdt} \end{aligned}$$
(11.1)

dans \(\widehat{\mathcal {R}}(\mathrm{D},\mathrm{R})\). Plus généralement, pour tout \(r\in \mathbf {Z}\) et tout entier \(e\geqslant 1\), on pose :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho ,e,r) = \sum \limits _{r+te\geqslant 0} (-1)^{r+te} \mathrm{Z}(\rho ,r+te) \mathrm{T}^{md(r+te)}, \end{aligned}$$

la somme portant sur les entiers \(t\in \mathbf {Z}\) tels que \(r+te\geqslant 0\). On a donc \({{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho ,\mathrm{T}) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho ,1,0)\).

11.1 Preuve de la Proposition 1.15

Supposons dans ce paragraphe que \(\mathrm{R}\) est de caractéristique \(\ell >0\). La preuve de la Proposition 1.15 est inspirée de [18]. Fixons une \(\mathrm{R}\)-représentation cuspidale \(\rho \) de \(\mathrm{GL}_m(\mathrm{D})\) et posons :

$$\begin{aligned} e = \left\{ \begin{array}{ll} \omega (\rho ) &{}\quad \text {si }\omega (\rho )>1, \\ \ell &{}\quad \text {sinon.} \end{array} \right. \end{aligned}$$

Etant donnés \(a,b\in \mathbf {Z}\), il sera commode dans ce paragraphe d’introduire la notation :

$$\begin{aligned} \mathrm{S}(a,b) = \mathrm{S}_{\rho }(a,b) = \left\{ \begin{array}{llll} \mathrm{Z}(\rho \nu _\rho ^a,b-a+1) &{} \in &{} \mathrm{Irr}(\mathrm{GL}_{m(b-a+1)}(\mathrm{D}),\mathrm{R}) &{} \quad \text {si }a\leqslant b-1, \\ 0 &{} \in &{} \mathcal {R}(\mathrm{D},\mathrm{R}) &{}\quad \text {sinon,} \end{array} \right. \end{aligned}$$

et de définir la série formelle :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a,b) = {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}_{\rho }(a,b) = \sum \limits _{r\in \mathbf {Z}} (-1)^{re+b-a+1} \mathrm{S}(a,b+re) \mathrm{T}^{md(re+b-a+1)} \in \widehat{\mathcal {R}}(\mathrm{D},\mathrm{R}) \end{aligned}$$
(11.2)

qui ne dépend que des classes de a et b modulo e, compte tenu de la définition de e. La représentation \(\rho \) et l’algèbre à division \(\mathrm{D}\) étant fixées dans toute cette section, il est commode de poser \(\mathrm{Y}=-\mathrm{T}^{md}\) et d’écrire :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a,b) = \sum \limits _{r\in \mathbf {Z}} \mathrm{S}(a,b+re) \mathrm{Y}^{re+b-a+1} \end{aligned}$$

pour alléger les notations. Remarquons que, en termes de la notation introduite dans la Définition 11.1, on a simplement :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a,b) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho \nu _\rho ^a,e,b-a+1) \end{aligned}$$
(11.3)

mais la notation (11.2) sera plus commode dans cette section.

On note encore \(\mathsf{c}\) la comultiplication de \(\widehat{\mathcal {R}}=\widehat{\mathcal {R}}(\mathrm{D},\mathrm{R})\) définie à partir de (2.3).

Lemme 11.2

On a :

Démonstration

Compte tenu de (8.1.1), on a :

$$\begin{aligned} \mathsf{c}({{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a,b))= & {} \sum \limits _{r\in \mathbf {Z}} \mathsf{c}(\mathrm{S}(a,b+re)) \mathrm{Y}^{b+re-a+1} \\= & {} \sum \limits _{r\in \mathbf {Z}} \sum \limits _{k\in \mathbf {Z}} \mathrm{S}(a,k) \mathrm{Y}^{k-a+1} \otimes \mathrm{S}(k+1,b+re) \mathrm{Y}^{b+re-k} \\= & {} \sum \limits _{k\in \mathbf {Z}} \mathrm{S}(a,k) \mathrm{Y}^{k-a+1} \otimes {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(k+1,b). \end{aligned}$$

Effectuant la division euclidienne de k par e, on obtient :

$$\begin{aligned} \mathsf{c}({{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a,b)) = \sum _{i=0}^{e-1} \sum \limits _{t\in \mathbf {Z}} \mathrm{S}(a,i+te) \mathrm{Y}^{i+te-a+1} \otimes {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(i+1,b) \end{aligned}$$

ce qui donne le résultat annoncé. \(\square \)

Soient maintenant des entiers \(a_1,b_1,\dots ,a_r,b_r\in \mathbf {Z}\) avec \(r\geqslant 1\). On pose :

$$\begin{aligned} \varvec{\Delta }(a_1,\dots ,a_r,b_1,\dots ,b_r) = \det ({{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a_i,b_j)) \in \widehat{\mathcal {R}}\end{aligned}$$

qui ne dépend que des \(a_i\) et des \(b_j\) modulo e, mais qui dépend de l’ordre des termes.

Lemme 11.3

Soient des entiers \(a_1,b_1,\dots ,a_r,b_r\in \mathbf {Z}\).

  1. (1)

    Supposons qu’il existe \(i\ne j\) tels que \(a_i\equiv a_j\) mod e ou \(b_i\equiv b_j\) mod e. Alors :

    $$\begin{aligned} \varvec{\Delta }(a_1,\dots ,a_r,b_1,\dots ,b_r)=0. \end{aligned}$$
  2. (2)

    Soient \(\sigma ,\phi \) des permutations de \(\{1,\dots ,e\}\). Alors :

    $$\begin{aligned}&\varvec{\Delta }(a_{\sigma (1)},\dots ,a_{\sigma (r)},b_{\phi (1)},\dots ,b_{\phi (r)})\\&\quad =\epsilon (\sigma )\epsilon (\phi )\cdot \varvec{\Delta }(a_1,\dots ,a_r,b_1,\dots ,b_r) \end{aligned}$$

    \(\epsilon (\sigma )\) désigne la signature de la permutation \(\sigma \).

Proposition 11.4

Posons \(\varvec{\Delta }=\varvec{\Delta }(a_1,\dots ,a_r,b_1,\dots ,b_r)\). On a :

$$\begin{aligned} \mathsf{c}(\varvec{\Delta })= & {} \sum \limits _{1\leqslant c_1< c_2< \dots < c_r \leqslant e} \varvec{\Delta }(a_1,\dots ,a_r,c_1,\dots ,c_r)\\&\otimes \varvec{\Delta }(c_1+1,\dots ,c_r+1,b_1,\dots ,b_r). \end{aligned}$$

Démonstration

De l’égalité :

$$\begin{aligned} \varvec{\Delta }= \sum \limits _{\sigma } \epsilon (\sigma ) \cdot \prod \limits _{i=1}^{e} {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a_i,b_{\sigma (i)}) \end{aligned}$$

on déduit :

$$\begin{aligned} \mathsf{c}(\varvec{\Delta }) = \sum \limits _{\sigma } \epsilon (\sigma ) \sum \limits _{k_1,\dots ,k_r} \left( \prod \limits _{i=1}^{e} {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a_i,k_i) \otimes \prod \limits _{i=1}^{e} {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(k_i+1,b_{\sigma (i)}) \right) \end{aligned}$$

\(k_1,\dots ,k_r\) décrivent l’ensemble \(\mathbf {Z}/e\mathbf {Z}\). Ceci est égal à :

$$\begin{aligned} \sum \limits _{k_1,\dots ,k_r} \prod \limits _{i=1}^{e} {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a_i,k_i) \otimes \left( \sum \limits _{\sigma } \epsilon (\sigma ) \cdot \prod \limits _{i=1}^{e} {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(k_i+1,b_{\sigma (i)}) \right) \end{aligned}$$

et le terme entre parenthèses est égal au déterminant \(\varvec{\Delta }(k_1+1,\dots ,k_r+1,b_{1},\dots ,b_{r})\). Celui-ci étant nul dès lors qu’il existe \(i\ne j\) tels que \(k_i=k_j\), on peut écrire :

$$\begin{aligned} \mathsf{c}(\varvec{\Delta })= & {} \sum \limits _{1\leqslant c_1<c_2<\dots<c_r\leqslant e} \sum \limits _{\sigma } \prod \limits _{i=1}^{e} {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a_i,c_{\sigma (i)}) \otimes \varvec{\Delta }(c_{\sigma (1)}+1,\dots ,c_{\sigma (r)}+1,b_1,\dots ,b_r) \\= & {} \sum \limits _{1\leqslant c_1<c_2<\dots<c_r\leqslant e} \sum \limits _{\sigma } \epsilon (\sigma ) \prod \limits _{i=1}^{e} {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a_i,c_{\sigma (i)}) \otimes \varvec{\Delta }(c_{1}+1,\dots ,c_{r}+1,b_1,\dots ,b_r) \\= & {} \sum \limits _{1\leqslant c_1<c_2<\dots <c_r\leqslant e} \varvec{\Delta }(a_1,\dots ,a_r,c_1,\dots ,c_r) \otimes \varvec{\Delta }(c_1+1,\dots ,c_r+1,b_1,\dots ,b_r) \end{aligned}$$

comme annoncé. \(\square \)

En particulier, si \(r=e\), on a :

$$\begin{aligned} \mathsf{c}(\varvec{\Delta }(a_1,\dots ,a_e,b_1,\dots ,b_e))= & {} \varvec{\Delta }(a_1,\dots ,a_e,1,\dots ,e) \\&\otimes \varvec{\Delta }(2,\dots ,e+1,b_1,\dots ,b_e). \end{aligned}$$

Pour que ceci ne soit pas nul, il faut que les \(a_i\) mod e soient tous distincts, donc définissent une permutation de \(\mathbf {Z}/e\mathbf {Z}\), notée a, et de même pour les \(b_j\) mod e, qui forment une permutation b. Supposant que ce soit le cas, et notant :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}= {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\rho ,\mathrm{T})= \varvec{\Delta }(2,\dots ,e+1,1,\dots ,e)=\det ({{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(i+1,j))) \end{aligned}$$
(11.4)

on trouve \(\varvec{\Delta }(a_1,\dots ,a_e,b_1,\dots ,b_e) = (-1)^{e-1}\epsilon (a)\epsilon (b)\cdot {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}\) et en particulier :

$$\begin{aligned} \mathsf{c}({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}) = \varvec{\Delta }(2,\dots ,e+1,1,\dots ,e) \otimes \varvec{\Delta }(2,\dots ,e+1,1,\dots ,e) = {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}\otimes {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}. \end{aligned}$$
(11.5)

Pour tout \(r\geqslant 1\), notons \(\mathrm{D}_r=\mathrm{D}(\rho ,r)\) le coefficient de \(\mathrm{Y}^{er}\) dans \({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}\), de sorte que :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}= \sum \limits _{r\geqslant 0} \mathrm{D}_r \mathrm{Y}^{er}. \end{aligned}$$

De la formule (11.5) on déduit le corollaire suivant.

Corollaire 11.5

Soit un entier \(k\in \{0,\dots ,mer\}\). On a :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_{(k,mer-k)}(\mathrm{D}_r) = \left\{ \begin{array}{ll} 0 &{}\quad \text {si }k\text { n'est pas multiple de }me, \\ \mathrm{D}_{s}\otimes \mathrm{D}_{r-s} &{}\quad \text {si }k=mes\text { avec }s\in \{0,\dots ,r\}. \end{array} \right. \end{aligned}$$

Remarque 11.6

Développant le déterminant, on obtient la formule suivante :

$$\begin{aligned} \mathrm{D}_r = \sum \limits _{(r_0,\dots ,r_{e-1})} (-1)^{r }{\epsilon (r_0,\dots ,r_{e-1}) } \cdot \mathrm{Z}(\rho ,r_0)\times \dots \times \mathrm{Z}(\rho \nu _\rho ^{e-1},r_{e-1})\qquad \end{aligned}$$
(11.6)

\((r_0,\dots ,r_{e-1})\) décrit les familles d’entiers \(\geqslant 0\) de somme re et telles que \(i\mapsto i+r_i-r\) mod e soit une permutation de \(\mathbf {Z}/e\mathbf {Z}\), de signature notée \(\epsilon (r_0,\dots ,r_{e-1})\).

Posons maintenant \(\rho _0=\mathrm{Sp}(\rho ,e)\), qui est cuspidale de degré me (voir la Sect. 3.2).

Proposition 11.7

Pour tout \(r\geqslant 1\), on a \(\mathrm{D}_r=(-1)^{r}\cdot \mathrm{Z}(\rho _0,r)\).

Démonstration

On prouve la proposition par récurrence sur l’entier \(r\ge 1\). D’après la formule (11.6), la quantité \(\mathrm{D}_1\) est une combinaison linéaire de termes de la forme :

$$\begin{aligned} \mathrm{Z}(\rho ,r_0)\times \dots \times \mathrm{Z}(\rho \nu _\rho ^{e-1},r_{e-1}), \quad r_0,\dots ,r_{e-1}\geqslant 0, \end{aligned}$$

avec \(r_0+\dots +r_{e-1}=e\). D’après [20, Corollaire 8.5], le seul terme irréductible résiduellement non dégénéré dans \(\mathrm{D}_1\) apparaît pour \(r_0=\dots =r_{e-1}=1\). Il est égal à \(\rho _0\) et apparaît dans \(\mathrm{D}_1\) avec le coefficient \(-1\). Ecrivons :

$$\begin{aligned} \mathrm{D}_1+\rho _0 = a_1\pi _1+\dots +a_r\pi _r \end{aligned}$$

\(\pi _i\) est une représentation irréductible résiduellement dégénérée de la forme \(\mathrm{Z}(\upmu _i\boxtimes \rho )\) avec \(\upmu _i\) un multisegment formel convenable, et où \(a_i\in \mathbf {Z}\). D’après le Corollaire 11.5, on a \(\varvec{r}_{(t,me-t)}(\mathrm{D}_1)=0\) pour tout \(1\leqslant t\leqslant me-1\), et on a un résultat analogue pour \(\rho _0\) qui est cuspidale. On déduit du Lemme 8.6 que \(\mathrm{D}_1+\rho _0=0\), c’est-à-dire que \(\mathrm{D}_1=-\rho _0\).

On suppose maintenant la proposition prouvée pour tout \(i\leqslant r-1\). Si \(r\geqslant 2\), la quantité \(\mathrm{D}_r\) ne contient aucun terme irréductible résiduellement non dégénéré. Ecrivons :

$$\begin{aligned} \mathrm{D}_r - (-1)^{r}\cdot \mathrm{Z}(\rho _0,r) = a_1\pi _1+\dots +a_r\pi _r \end{aligned}$$

avec les \(a_i\) et les \(\pi _i\) comme plus haut. D’après le Corollaire 11.5, pour \(s\in \{1,\dots ,r-1\}\), on a :

$$\begin{aligned} \varvec{r}_{me\cdot (s,r-s)}(\mathrm{D}_r) = \mathrm{D}_{s}\otimes \mathrm{D}_{r-s}. \end{aligned}$$

Par hypothèse de récurrence, on a :

$$\begin{aligned} \mathrm{D}_{s}\otimes \mathrm{D}_{r-s}= & {} (-1)^{s}(-1)^{r-s}\cdot \mathrm{Z}(\rho _0,s)\otimes \mathrm{Z}(\rho _0,r-s) \\= & {} (-1)^{r}\cdot \varvec{r}_{me\cdot (s,r-s)}(\mathrm{Z}(\rho _0,r)) \end{aligned}$$

ce dont on déduit le résultat, à nouveau grâce au Lemme 8.6.\(\square \)

Remarque 11.8

La formule de la Proposition 11.7 peut être résumée par l’identité :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\rho ,\mathrm{T}) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho _0,\mathrm{T}) \end{aligned}$$

entre séries formelles (voir la Définition 11.1 et la Proposition 1.15).

11.2 .

Supposons dans ce paragraphe que e est égal à \(\ell \). Nous allons voir que le déterminant \({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}\) prend dans ce cas une forme particulière. En effet on a \(\omega (\rho )=1\), c’est-à-dire que \(\rho \nu _\rho \) est isomorphe à \(\rho \). La série \({{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(a,b)\) ne dépend donc que de \(b-a\) mod e. Posant \({{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_i={{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(0,i)\) pour \(i\in \mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z}\), on a donc :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}= \det \begin{pmatrix} {{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_1 &{}\quad {{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_2 &{}\quad \dots &{}\quad {{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_{\ell } \\ {{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_{\ell } &{}\quad \ddots &{}\quad \ddots &{}\quad \vdots \\ \vdots &{}\quad \ddots &{}\quad \ddots &{}\quad {{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_2 \\ {{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_{2} &{}\quad \dots &{}\quad {{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_{\ell } &{}\quad {{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_1 \end{pmatrix}. \end{aligned}$$

La proposition suivante montre que \({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}\) se factorise remarquablement dans l’anneau \(\widehat{\mathcal {R}}\otimes _\mathbf {Z}\mathbf {C}\).

Proposition 11.9

Supposons que \(e=\ell \). Fixons une racine de l’unité \(\xi \in {\mathbf {C}}^{\times }\) d’ordre \(\ell \), et posons :

pour tout \(i\in \mathbf {Z}/\ell \mathbf {Z}\). Alors on a :

dans \(\widehat{\mathcal {R}}\otimes _\mathbf {Z}\mathbf {C}\).

Démonstration

Commençons par énoncer le résultat général suivant.\(\square \)

Lemme 11.10

Soit un entier \(n\geqslant 1\), et soit \(\mathrm{C}\) un anneau commutatif possédant une racine de l’unité \(\xi \in {\mathrm{C}}^{\times }\) d’ordre n. Pour tous \(a_1,\dots ,a_n\in \mathrm{C}\), on a :

$$\begin{aligned} \det \begin{pmatrix} a_1 &{}\quad a_2 &{}\quad \dots &{}\quad a_{n} \\ a_{n} &{}\quad \ddots &{}\quad \ddots &{}\quad \vdots \\ \vdots &{}\quad \ddots &{}\quad \ddots &{}\quad a_2 \\ a_{2} &{}\quad \dots &{}\quad a_{n} &{}\quad a_1 \end{pmatrix} = \prod \limits _{i=1}^{n} \left( \sum \limits _{j=1}^n \xi ^{ij}a_j\right) . \end{aligned}$$

Démonstration

Notons \(\Omega \in \mathrm{M}_n(\mathrm{C})\) la matrice correspondant à la permutation \(i\mapsto i-1\) mod n. Elle est diagonalisable sur \(\mathrm{C}\), de valeurs propres \(1,\xi ,\dots ,\xi ^{n-1}\). La matrice \(a_1\Omega +a_2\Omega ^2+\dots +a_n\Omega ^n\) l’est donc également et ses valeurs propres sont les :

$$\begin{aligned} u_i = \sum \limits _{j=1}^n \xi ^{ij}a_j, \quad i\in \{1,\dots ,n\}. \end{aligned}$$

Le résultat s’ensuit. \(\square \)

Remarque 11.11

Si n est inversible dans \(\mathrm{C}\), l’application de \(\mathrm{C}[\Omega ]\) dans \(\mathrm{C}^n\) définie par :

$$\begin{aligned} \sum \limits _{i=1}^n a_i\Omega ^i = \begin{pmatrix} a_1 &{}\quad a_2 &{} \quad \dots &{}\quad a_{n} \\ a_{n} &{} \quad \ddots &{}\quad \ddots &{}\quad \vdots \\ \vdots &{}\quad \ddots &{}\quad \ddots &{} a_2 \\ a_{2} &{}\quad \dots &{}\quad a_{n} &{}\quad a_1 \end{pmatrix} \mapsto (u_1,\dots ,u_n), \quad u_i = \sum \limits _{j=1}^n \xi ^{ij}a_j \end{aligned}$$

est un isomorphisme de \(\mathrm{C}\)-algèbres. L’isomorphisme réciproque est donné par :

$$\begin{aligned} (u_1,\dots ,u_n) \mapsto \begin{pmatrix} a_1 &{}\quad a_2 &{}\quad \dots &{}\quad a_{n} \\ a_{n} &{} \quad \ddots &{}\quad \ddots &{}\quad \vdots \\ \vdots &{}\quad \ddots &{}\quad \ddots &{}\quad a_2 \\ a_{2} &{}\quad \dots &{}\quad a_{n} &{}\quad a_1 \end{pmatrix}, \quad a_i = \frac{1}{n}\cdot \sum \limits _{j=1}^n \xi ^{-ij}u_j. \end{aligned}$$

Pour prouver la Proposition 11.9, partons de l’égalité :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}= \prod \limits _{j=1}^{\ell } \left( \sum \limits _{i=1}^{\ell } \xi ^{ij} {{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_i\right) \end{aligned}$$
(11.7)

donnée par le Lemme 11.10 et remarquons que :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{A}}}}}_i = \frac{1}{\ell }\cdot \sum \limits _{k=1}^{\ell } \xi ^{-ik} {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}^{(k)}. \end{aligned}$$

Remplaçant dans (11.7), on obtient :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}= \prod \limits _{j=1}^{\ell }\left( \sum \limits _{k=1}^{\ell } \left( \frac{1}{\ell }\cdot \sum \limits _{i=1}^{\ell } \xi ^{i(j-k)} \right) {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}^{(k)}\right) \end{aligned}$$

ce qui donne le résultat annoncé, puisque la somme intérieure vaut 0 si \(k\ne j\) et 1 sinon.

Remarque 11.12

Il sera utile de présenter la formule de la Proposition 11.9 sous une forme légèrement différente. Si l’on fixe \(\omega \in {\mathbf {C}}^{\times }\) telle que \(\omega ^{md}\) soit une racine de l’unité d’ordre \(\ell \), cette formule devient :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\mathrm{T}) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\mathrm{T}){{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\omega \mathrm{T})\dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\omega ^{\ell -1}\mathrm{T}) \end{aligned}$$

indépendamment du choix de \(\omega \).

Corollaire 11.13

Pour tout entier \(v\geqslant 0\), on pose :

qui est la série associée par (11.1) à la représentation cuspidale \(\mathrm{Sp}(\rho ,\ell ^v)\), et on fixe une racine de l’unité \(\omega \in {\mathbf {C}}^{\times }\) telle que \(\omega ^{md}\) soit d’ordre \(\ell ^v\). Pour tout \(v\geqslant 0\) on a l’égalité :

dans l’anneau \(\widehat{\mathcal {R}}\otimes _\mathbf {Z}\mathbf {C}\).

Démonstration

On suppose que \(v\geqslant 1\). Notons \(\pi \) la représentation \(\mathrm{Sp}(\rho ,\ell ^v)\) et notons \(\kappa \) la représentation \(\mathrm{Sp}(\rho ,\ell ^{v-1})\). D’après la Remarque 11.12, on a :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}_{v} (\mathrm{T}) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}_{v-1}(\mathrm{T}){{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}_{v-1}(\alpha \mathrm{T})\dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}_{v-1}(\alpha ^{\ell -1}\mathrm{T}) \end{aligned}$$

car \(\pi \) est égale à \(\mathrm{Sp}(\kappa ,\ell )\), où \(\alpha \) est une racine de l’unité telle que \(\alpha ^{md\ell ^{v-1}}\) soit d’ordre \(\ell \). On peut donc supposer que \(\alpha =\omega \). Raisonnant par récurrence sur v, on a :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}_{v-1} (\mathrm{T}) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\mathrm{T}){{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\mu \mathrm{T})\dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\mu ^{\ell ^{v-1}-1}\mathrm{T}) \end{aligned}$$

\(\mu \) est une racine de l’unité telle que \(\mu ^{md}\) soit d’ordre \(\ell ^{v-1}\). On peut donc supposer que \(\mu =\omega ^\ell \). Ainsi \({{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}_v(\mathrm{T})\) est le produit des \({{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\omega ^{i+\ell j}\mathrm{T})\) pour \(i\in \{1,\dots ,\ell \}\) et \(j\in \{1,\dots ,\ell ^{v-1}\}\), ce qui donne la formule attendue.\(\square \)

12 Le morphisme de Langlands–Jacquet modulo \(\ell \)

Fixons un nombre premier \(\ell \ne p\) et une \(\mathrm{F}\)-algèbre à division centrale \(\mathrm{D}\) de degré réduit d.

Dans cette section, nous prouvons le Théorème 12.4.

12.1 .

La \(\mathbf {Z}\)-algèbre commutative \(\mathcal {R}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) est librement engendrée par l’ensemble :

$$\begin{aligned} \mathcal {D}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) = \coprod \limits _{m\geqslant 1} \mathcal {D}(\mathrm{GL}_m(\mathrm{D}),{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }). \end{aligned}$$

Etant donné un \(m\geqslant 1\), on a la correspondance de Jacquet–Langlands \(\ell \)-adique \(\widetilde{\varvec{\pi }}_\ell \) introduite au Paragraphe 1.2. Faisant varier \(m\geqslant 1\), on obtient une application injective :

$$\begin{aligned} \widetilde{\varvec{\pi }}_\ell : \mathcal {D}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \rightarrow \mathcal {D}(\mathrm{F},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \end{aligned}$$
(12.1)

(encore notée \(\widetilde{\varvec{\pi }}_\ell \)) dont l’image est formée des représentations de degré divisible par d.

Définition 12.1

(Badulescu [3, §3.1]) Le morphisme de Langlands–Jacquet \(\ell \)-adique est l’unique morphisme d’anneaux :

$$\begin{aligned} \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell : \mathcal {R}(\mathrm{F},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \rightarrow \mathcal {R}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell }) \end{aligned}$$

coïncidant avec la réciproque de \(\widetilde{\varvec{\pi }}_\ell \) sur les représentations de \(\mathcal {D}(\mathrm{F},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) de degré divisible par d, et prenant la valeur 0 sur les autres.

Proposition 12.2

Soit un entier \(n\geqslant 1\) et soit \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique de \(\mathrm{GL}_n(\mathrm{F})\).

  1. (1)

    Etant donné un entier \(r\geqslant 1\), pour que l’image de \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}^{}{},r)\) par soit non nulle, il faut et il suffit que r soit un multiple de l’entier :

    $$\begin{aligned} s = \frac{d}{(d,n)}. \end{aligned}$$
  2. (2)

    Il y a un unique entier \(m\geqslant 1\) et une unique représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\) de \(\mathrm{GL}_m(\mathrm{D})\) tels que :

    (12.2)

    pour tout \(r=r's\), avec \(r'\geqslant 1\).

  3. (3)

    On a \(s=s({\widetilde{\rho }}^{}{}')\) et le degré m de la représentation \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\) vérifie la relation \(md=ns\).

Démonstration

Soit un entier \(r\geqslant 1\). Appliquant l’involution de Zelevinski à la représentation de Speh \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}^{}{},r)\) (voir la formule (9.4) et [3, Théorème 3.16]), l’image de \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}^{}{},r)\) est non nulle si et seulement si d divise nr, c’est-à-dire si et seulement si r est un multiple de s, auquel cas elle prend la forme (12.2) pour une unique représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\). Si l’on pose en particulier \(r=s\), on trouve que \(ns=md\).

Le fait que \(s=s({\widetilde{\rho }}^{}{}')\) provient de l’invariance du degré paramétrique [7, 2.8 Corollary 1], et du fait que le degré paramétrique de \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\) est par définition égal au quotient de md par \(s({\widetilde{\rho }}^{}{}')\). \(\square \)

A l’aide de la notation introduite dans la Définition 11.1, la formule (12.2) est résumée par :

$$\begin{aligned} \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_{\ell } \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}({\widetilde{\rho }}^{}{},\mathrm{T}) \right) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}({\widetilde{\rho }}^{}{}',\mathrm{T}). \end{aligned}$$
(12.3)

Nous aurons besoin d’une version un peu plus générale de ce résultat. On utilise à nouveau les notations introduites dans la Définition 11.1.

Lemme 12.3

Soit \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) une représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique de \(\mathrm{GL}_n(\mathrm{F})\), \(n\geqslant 1\), et soit des entiers \(e\geqslant 1\) et \(r\in \mathbf {Z}\). On pose \(e'=e(e,s)^{-1}\) et \(s'=s(e,s)^{-1}\).

  1. (1)

    Si r n’est pas divisible par (es), alors l’image de par est nulle.

  2. (2)

    Si r est divisible par (es), alors :

    \(r'\) est l’unique entier compris entre 0 et \(e'-1\) tel que \(sr'\) soit congru à r mod e.

Démonstration

La représentation de Speh \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}^{}{},r+te)\) se transfère en un élément non nul de \(\widehat{\mathcal {R}}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) si et seulement si \(r+te\) est divisible par s. Pour que ce soit le cas, il faut que l’entier r appartienne à \(e\mathbf {Z}+s\mathbf {Z}\). Supposons que c’est le cas, et écrivons \(r+t_0e=sr'\) avec \(t_0,r'\in \mathbf {Z}\). On peut supposer que \(r'\in \{0,\dots ,e'-1\}\). Alors \(r+te\) est divisible par s si et seulement si \(t-t_0\) est divisible par \(s'\), c’est-à-dire que \((t-t_0)e=hse'\) avec \(h\in \mathbf {Z}\). On obtient :

$$\begin{aligned} \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_{\ell }(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}^{}{},r+te)) = (-1)^{l(s-1)}\cdot \mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}^{}{}',r'+he') \end{aligned}$$

avec \(l\in \mathbf {Z}\) défini par \(ls=r+te\), ce qui donne le résultat annoncé.\(\square \)

La \(\mathbf {Z}\)-algèbre commutative \(\mathcal {R}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) est librement engendrée par l’ensemble :

$$\begin{aligned} \mathcal {Z}_{1}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) = \coprod \limits _{m\geqslant 1} \mathcal {Z}_{1}(\mathrm{GL}_m(\mathrm{D}),{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \end{aligned}$$

des représentations super-Speh \(\ell \)-modulaires. Etant donnés un \(m\geqslant 1\) et une \(\mathrm{F}\)-algèbre à division centrale \(\mathrm{A}\) de degré réduit md, on a des bijections :

$$\begin{aligned} \mathcal {Z}_{1}(\mathrm{GL}_m(\mathrm{D}),{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \rightarrow \mathrm{Irr}(\mathrm{A},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \rightarrow \mathcal {Z}_{1}(\mathrm{GL}_{md}(\mathrm{F}),{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \end{aligned}$$
(12.4)

la première étant donnée par le Corollaire 10.9 et la seconde étant la réciproque de celle donnée par le Corollaire 10.9 appliqué à la forme déployée \(\mathrm{GL}_{md}(\mathrm{F})\). Si \(\mathrm{Z}(\rho ,r)\) est une \({\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}\)-représentation super-Speh de \(\mathrm{GL}_{md}(\mathrm{F})\) et si \(\mathrm{Z}(\rho ',r')\) est son image réciproque dans \(\mathcal {Z}_{1}(\mathrm{GL}_{m}(\mathrm{D}),{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\) par (12.4), on définit une application injective par :

$$\begin{aligned} \mathcal {Z}_1(\mathrm{GL}_{md}(\mathrm{F}),{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\rightarrow & {} \mathcal {R}(\mathrm{GL}_{m}(\mathrm{D}),{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }})\nonumber \\ \mathrm{Z}(\rho ,r)\mapsto & {} (-1)^{r-r'}\cdot \mathrm{Z}(\rho ',r'). \end{aligned}$$
(12.5)

Le morphisme de Langlands–Jacquet mod \(\ell \) est l’unique morphisme d’anneaux :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell : \mathcal {R}(\mathrm{F},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \rightarrow \mathcal {R}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {F}}_{\ell }}) \end{aligned}$$

coïncidant avec (12.5) pour tout \(m\geqslant 1\), et s’annulant en toute représentation super-Speh dont le degré n’est pas divisible par d. Le résultat suivant précise le Théorème 1.16.

Théorème 12.4

Le morphisme est le seul morphisme d’anneaux rendant commutatif le diagramme :

\(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })^{\mathrm{e}}\) désigne le sous-groupe de \(\mathcal {R}(\mathrm{G},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) engendré par les représentations irréductibles entières.

L’unicité provient du fait que \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \) est surjective. Pour prouver que le diagramme est commutatif, il suffit de prouver l’égalité :

$$\begin{aligned} \left( {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell \circ {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \right) ({\widetilde{\pi }}^{}{}) = \left( {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \circ \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell \right) ({\widetilde{\pi }}^{}{}) \end{aligned}$$
(12.6)

pour toute représentation de Speh \(\ell \)-adique entière \({\widetilde{\pi }}^{}{}\in \mathcal {Z}(\mathrm{F},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\). Si \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) est \(\ell \)-super-Speh, c’est-à-dire si \(w({\widetilde{\pi }}^{}{})=1\), l’égalité recherchée est une conséquence immédiate de la définition de \({{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell \), en vertu du Théorème 10.4. Supposons maintenant que \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) n’est pas \(\ell \)-super-Speh et écrivons-la sous la forme \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}^{}{},r)\)\({\widetilde{\rho }}^{}{}\) est une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale entière telle que \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})>1\). Fixant \({\widetilde{\rho }}^{}{}\), nous allons prouver (12.6) pour tous les \(r\geqslant 1\) en même temps. En d’autres termes, nous allons prouver l’égalité :

$$\begin{aligned} \left( {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell \circ {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \right) \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}({\widetilde{\rho }}^{}{},\mathrm{T}) \right) = \left( {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \circ \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell \right) \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}({\widetilde{\rho }}^{}{},\mathrm{T}) \right) \end{aligned}$$
(12.7)

pour toute représentation irréductible cuspidale \(\ell \)-adique entière \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) telle que \(w({\widetilde{\rho }}^{}{})>1\).

12.2 Preuve du Théorème 12.4

Fixons une \({\overline{\mathbf {Q}}_\ell }\)-représentation irréductible cuspidale entière \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) de \(\mathrm{GL}_n(\mathrm{F})\) pour \(n\geqslant 1\). On pose \(w=w({\widetilde{\rho }}^{}{})\) et on suppose que \(w>1\). On note \(\rho \) la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}^{}{}\). La réduction mod \(\ell \) de \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}^{}{},r)\) est donc égale à \(\mathrm{Z}(\rho ,r)\) pour tout \(r\geqslant 1\), ce que résume l’identité \({{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}({\widetilde{\rho }}^{}{},\mathrm{T}))={{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho ,\mathrm{T})\). Pour prouver le Théorème 12.4, il s’agit de montrer que les séries :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{U}}}}}= & {} {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \circ \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}({\widetilde{\rho }}^{}{},\mathrm{T}) \right) , \\ {{\mathbf {\mathsf{{V}}}}}= & {} {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho ,\mathrm{T}) \right) \end{aligned}$$

sont égales.

Ecrivons \(\rho \) sous la forme \(\mathrm{Sp}(\alpha ,w)\) avec \(\alpha \) supercuspidale, et écrivons w sous la forme \(\omega (\alpha )\ell ^v\), où \(v\geqslant 0\) est la valuation \(\ell \)-adique de w. Pour alléger les notations, on pose \(e=\omega (\alpha )\) et on note \(\tau \) la représentation cuspidale \(\mathrm{Sp}(\alpha ,e)\), de sorte que \(\rho \) est égale à \(\mathrm{Sp}(\tau ,\ell ^v)\).

Fixons un relèvement \(\ell \)-adique \(\widetilde{\alpha }\) de \(\alpha \) (dont l’existence est assurée par [27, Paragraphe 5.10] et [20, Théorème 6.11]) et notons \(\widetilde{\alpha }'\) la représentation cuspidale dans \(\mathrm{Irr}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) qui lui est associée par la Proposition 12.2. D’après le Théorème 10.4, la réduction mod \(\ell \) de \(\widetilde{\alpha }'\) est irréductible car \(\widetilde{\alpha }'\) est \(\ell \)-supercuspidale ; on la note \(\alpha '\). On pose \(s_0=s(\widetilde{\alpha }')\). Notons qu’on a aussi \(s_0=s(\alpha ')\).

Soit \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\) la représentation irréductible cuspidale entière de \(\mathrm{Irr}(\mathrm{D},{\overline{\mathbf {Q}}_\ell })\) associée à \({\widetilde{\rho }}^{}{}\) par la Proposition 12.2. D’après le théorème 10.4, on a \(w({\widetilde{\rho }}^{}{}')=w\). On pose \(s=s({\widetilde{\rho }}^{}{}')\) et on note m le degré de \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\), de sorte que \(md=ns\). On pose \(k=(w,m)\) et \(a=wk^{-1}\). D’après le Lemme 3.12, pour tout facteur irréductible \(\rho '\) de la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\), on a \(a=a({\widetilde{\rho }}^{}{}')\) et \(k=k(\rho ')\).

Lemme 12.5

La représentation \(\mathrm{Sp}(\alpha ',k)\) est un facteur irréductible de la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\), et on a \(s_0=as\).

Démonstration

Fixons une \(\mathrm{F}\)-algèbre à division centrale de degré réduit ns, et notons \(\mathrm{A}\) son groupe multiplicatif. Notons \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) la représentation de Speh \(\mathrm{Z}({\widetilde{\rho }}^{}{},s)\) et notons \(\pi \) sa réduction mod \(\ell \), qui est donc égale à \(\mathrm{Z}(\rho ,s)\). Dans la base des représentations super-Speh, on écrit :

$$\begin{aligned} \pi = \sum \limits _{i=1}^{\omega (\alpha )} \textsf {n}_i \cdot \mathrm{Z}(\alpha \nu ^i,ws) + \delta \end{aligned}$$

\(\delta \) est une combinaison linéaire d’induites de représentations super-Speh, c’est-à-dire dans le noyau du morphisme \({{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_\ell \) défini par la Proposition 10.2, et où les \(\textsf {n}_i\) sont des entiers. Appliquant \({{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_{\ell }\), on trouve :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_{\ell }(\pi )= & {} \sum \limits _{i=1}^{\omega (\alpha )} \textsf {n}_i \cdot {{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_{\ell }(\mathrm{Z}(\alpha \nu ^i,ws)) \nonumber \\= & {} \sum \limits _{i=1}^{\omega (\alpha )} \textsf {n}_i \cdot (-1)^{ws-1} \cdot \alpha _\mathrm{A}\nu ^i \end{aligned}$$

\(\alpha _\mathrm{A}=\mathbf{J}{}_\ell ^{\varvec{*}}(\mathrm{Z}(\alpha ,ws))\) est irréductible car \(\widetilde{\alpha }\) est \(\ell \)-supercuspidale. D’après la Proposition 10.2, on sait par ailleurs que \({{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_{\ell }(\pi )\) est égal à la réduction mod \(\ell \) de \((-1)^{s-1}\cdot {\widetilde{\pi }}^{}{}_\mathrm{A}\)\({\widetilde{\pi }}^{}{}_\mathrm{A}\) est le transfert de \({\widetilde{\pi }}^{}{}\) à \(\mathrm{A}\). Comme \(w({\widetilde{\pi }}^{}{}_\mathrm{A})=w\), on trouve :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{J}}}}}_{\ell }(\pi ) = (-1)^{s-1}\cdot {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell ({\widetilde{\pi }}^{}{}_\mathrm{A}) = (-1)^{s-1}\cdot \sum \limits _{i=1}^{w} \pi _\mathrm{A}\nu ^i \end{aligned}$$

\(\pi _\mathrm{A}\) est un facteur irréductible de la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\pi }}^{}{}_\mathrm{A}\). On peut donc supposer que \(\alpha _\mathrm{A}\) est égale à \(\pi _\mathrm{A}\).

Fixons maintenant un facteur irréductible \(\rho '\) de la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\), qu’on écrit sous la forme \(\mathrm{Sp}(\beta ,k)\) avec \(\beta \) supercuspidale. Faisant avec \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\) ce qu’on vient de faire avec \({\widetilde{\pi }}^{}{}\), on déduit que, quitte à tordre \(\rho '\) par une puissance de \(\nu \), on peut supposer que le transfert de \(\mathrm{Z}(\beta ,k)\) à \(\mathrm{A}\) est égal à \(\pi _\mathrm{A}\).

Les représentations super-Speh \(\mathrm{Z}(\alpha ,ws)\) et \(\mathrm{Z}(\beta ,k)\) ayant le même transfert à \(\mathrm{A}\), on déduit de la définition de \({{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell \) et du Corollaire 10.9 que :

$$\begin{aligned} \mathrm{Z}\left( \alpha ',\frac{ws}{s_0}\right) \simeq \mathrm{Z}(\beta ,k) \end{aligned}$$

ce dont on déduit que \(ws=ks_0\), c’est-à-dire \(as=s_0\), et qu’on peut supposer que \(\beta =\alpha '\).\(\square \)

Dorénavant, on fixe un facteur irréductible \(\rho '\) de la réduction mod \(\ell \) de \({\widetilde{\rho }}^{}{}'\), qu’on écrit \(\mathrm{Sp}(\alpha ',k)\). On pose \(k=\omega (\alpha ')\ell ^u\)\(u\in \{0,\dots ,v\}\) désigne la valuation \(\ell \)-adique de k, et \(e'=\omega (\alpha ')\).

Rappelons que \(w({\widetilde{\rho }}^{}{}')=w>1\) d’après le Théorème 10.4. Le Lemme 3.17 implique donc que e est égal à \(\varepsilon (\alpha ')\). Par définition de \(\omega (\alpha ')\) et comme \(s_0=s(\alpha ')\), on trouve :

$$\begin{aligned} e' = \frac{e}{(e,s_0)}. \end{aligned}$$
(12.8)

On remarque aussi que \(s(\rho ')=s(\alpha ')=s_0\). On a donc \(a=(w,s_0)\) d’après le Lemme 3.12. Ainsi on retrouve (voir le Corollaire 3.9) le fait que les entiers :

$$\begin{aligned} s = \frac{s_0}{(w,s_0)}, \quad k = \frac{w}{(w,s_0)} \end{aligned}$$

sont premiers entre eux.

D’après le Corollaire 11.13, on a :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{V}}}}}= {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\tau ,\mathrm{T})) {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\tau ,\omega \mathrm{T})) \dots {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\tau ,\omega ^{\ell ^v-1}\mathrm{T})). \end{aligned}$$
(12.9)

\(\omega \in {\mathbf {C}}^{\times }\) est une racine de l’unité telle que \(\omega ^{\deg (\tau )}\) soit d’ordre \(\ell ^v\). En outre, si \(e\ne 1\), la proposition 11.7 implique que \({{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\tau ,\mathrm{T})\) est égale à \({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha ,\mathrm{T})\). (Pour la notation, voir (11.4).) D’après la Proposition 1.10, on a :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{U}}}}}= {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho ',\mathrm{T}) {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho '\nu ,\mathrm{T}) \dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\rho '\nu ^{a-1},\mathrm{T}). \end{aligned}$$

Notons \(\tau '\) la représentation cuspidale \(\mathrm{Sp}(\alpha ',e')\), de sorte que \(\rho '\) est égale à \(\mathrm{Sp}(\tau ',\ell ^u)\). Appliquant le Corollaire 11.13, cela donne :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{U}}}}}= \prod \limits _{t=1}^{a} {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\tau '\nu ^t,\mathrm{T}){{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\tau '\nu ^t,\xi \mathrm{T})\dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\tau '\nu ^t,\xi ^{\ell ^u-1}\mathrm{T}) \end{aligned}$$
(12.10)

\(\xi \) est une racine de l’unité telle que \(\xi ^{\deg (\tau ')d}\) soit d’ordre \(\ell ^u\). Comme on a l’identité :

$$\begin{aligned} \ell ^u \cdot \deg (\tau ')d = \ell ^v \cdot \deg (\tau )s \end{aligned}$$

et comme s est premier à k, donc à \(\ell ^u\), on en déduit que \(\xi ^{\deg (\tau )\ell ^{v-u}}\) est d’ordre \(\ell ^u\). On peut donc supposer que la racine de l’unité \(\omega \) choisie en (12.9) est égale à \(\xi \), ce que nous ferons désormais.

12.3 Le cas où \(e=1\)

Supposons que \(e=1\), c’est-à-dire que w est une puissance de \(\ell \). Alors \(e'=1\) d’après (12.8) et \(\varepsilon (\alpha ')=1\) d’après le Lemme 3.17. Par définition de \({{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell \), on a :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha ,\mathrm{T}) \right) = {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \left( \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\widetilde{\alpha },\mathrm{T}) \right) \right) = {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\widetilde{\alpha }',\mathrm{T}) \right) ={{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha ',\mathrm{T}). \end{aligned}$$

Compte tenu de (12.9) et de (12.10), on obtient d’une part :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{V}}}}}= {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha ',\mathrm{T}){{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha ',\xi \mathrm{T})\dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha ',\xi ^{w-1}\mathrm{T}) \end{aligned}$$

et d’autre part :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{U}}}}}= \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha ',\mathrm{T}){{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha ',\xi \mathrm{T})\dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha ',\xi ^{k-1}\mathrm{T}) \right) ^a. \end{aligned}$$

Pour en déduire que \({{\mathbf {\mathsf{{U}}}}}={{\mathbf {\mathsf{{V}}}}}\), il suffit de voir que \(w=ak\) et que, pour tout entier \(i\in \{1,\dots ,w\}\), la série :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha ',\xi ^{i}\mathrm{T}) = \sum \limits _{r\geqslant 0} (\xi ^{i\cdot \deg (\alpha ')d})^{r} \mathrm{Z}(\alpha ',r) (-\mathrm{T}^{\deg (\alpha ')d})^{r} \end{aligned}$$

ne dépend que de i mod k car \(\xi ^{\deg (\alpha ')d}\) est d’ordre \(k=\ell ^u\).

12.4 Le cas où \(e\ne 1\)

On suppose désormais que \(e\ne 1\). On a donc :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{V}}}}}= {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha ,\mathrm{T})) {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha ,\xi \mathrm{T})) \dots {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha ,\xi ^{\ell ^v-1}\mathrm{T})). \end{aligned}$$
(12.11)

Nous calculons l’image de \({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha ,\mathrm{T})\) par \({{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell \) dans le lemme suivant.

Lemme 12.6

Supposons que \(e\ne 1\).

  1. (1)

    Si \(e'=1\), alors :

  2. (2)

    Si \(e'\ne 1\), alors :

    avec \(e_0=(e,s_0)\).

Démonstration

Notons \({{\mathbf {\mathsf{{C}}}}}\) le déterminant de la matrice carrée de taille e de terme général :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{C}}}}}(i,j) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\widetilde{\alpha }\nu ^{i+1},e,j-i) = \sum \limits _{r\in \mathbf {Z}} \mathrm{Z}(\widetilde{\alpha }\nu ^{i+1},j-i+re) \mathrm{Y}^{re+j-i} \end{aligned}$$

avec \(\mathrm{Y}=-\mathrm{T}^{\deg (\alpha )}\). On a par définition :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_{\ell } \left( {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha ,\mathrm{T}) \right) = {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \circ \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_{\ell } \left( {{\mathbf {\mathsf{{C}}}}}\right) \end{aligned}$$

et nous allons calculer \(\widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_{\ell }({{\mathbf {\mathsf{{C}}}}})\). Par le Lemme 12.3, pour que l’image de \({{\mathbf {\mathsf{{C}}}}}(i,j)\) par \(\widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell \) soit non nulle, il faut et il suffit que \(j-i\) soit un multiple de \(e_0\), auquel cas on a :

$$\begin{aligned} \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{C}}}}}(i,j)) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\widetilde{\alpha }'\nu ^{i+1},e',r_{ij}) \end{aligned}$$

\(r_{ij}\) est l’unique entier compris entre 0 et \(e'-1\) tel que \(s_0r_{ij}\) soit congru à \(j-i\) mod e.

Si \(e'=1\), alors \(\widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{C}}}}}(i,j))\) est égal à \({{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\widetilde{\alpha }'\nu ^{i+1},\mathrm{T})\) si et seulement si e divise \(j-i\). On a donc :

$$\begin{aligned} \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_{\ell }({{\mathbf {\mathsf{{C}}}}}) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\widetilde{\alpha }',\mathrm{T}){{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\widetilde{\alpha }'\nu ,\mathrm{T})\dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\widetilde{\alpha }'\nu ^{e-1},\mathrm{T}). \end{aligned}$$

Réduisant mod \(\ell \), on obtient le résultat voulu. Supposons maintenant que \(e'\ne 1\).

Lemme 12.7

Pour que \(\alpha '\nu ^i\) soit de la forme \(\alpha '\nu _{\alpha '}^{l}\) pour \(l\in \mathbf {Z}\), il faut et suffit que i soit un multiple de \(e_0\).

Démonstration

Pour que \(\alpha '\nu ^i\simeq \alpha '\nu _{\alpha '}^{l}\) pour un \(l\in \mathbf {Z}\), il faut et suffit que \(\varepsilon (\alpha ')\) divise \(i-ls_0\) pour un \(l\in \mathbf {Z}\), c’est-à-dire que i appartienne à \(e\mathbf {Z}+s_0\mathbf {Z}=e_0\mathbf {Z}\).

\(\square \)

Lemme 12.8

On a \(\alpha '\nu ^{e_0}\simeq \alpha '\nu _{\alpha '}^{c}\)\(c\in \{1,\dots ,e'-1\}\) est l’inverse de s mod \(e'\).

Démonstration

Soit un entier \(i\in \mathbf {Z}\). Pour que \(\alpha '\nu ^{e_0}\simeq \alpha '\nu _{\alpha '}^{i}\), il faut et suffit que e divise \(e_0-is_0\), c’est-à-dire que \(e'\) divise \(1-is\).\(\square \)

Notons \({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}\) la matrice carrée de taille e de terme général :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}(i,j) = {{{\mathbf {\mathsf{{r}}}}}}_\ell \circ \widetilde{{{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}}{}_\ell \left( {{\mathbf {\mathsf{{C}}}}}(i,j) \right) . \end{aligned}$$

Rappelons que \({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}(i,j)=0\) dès que \(e_0\) ne divise pas \(j-i\). La forme particulière de cette matrice va nous permettre de factoriser son déterminant. Pour \(1\leqslant l\leqslant e_0\), on note \({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}_{l}\) la matrice carrée de taille \(e'\) de terme général \({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}_l(x,y) = {{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}(l+xe_0,l+ye_0)\). Comme fonction de \({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}_l\), le déterminant \(\det ({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}})\) est multilinéaire alterné. Il se factorise donc par \(\det ({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}_l)\). On trouve que \(\det ({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}})\) est égal à \(\det ({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}_1)\dots \det ({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}_{e_0})\). Compte tenu de la formule (11.3) et du Lemme 12.8, on a :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}_l(sx,sy) = {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha '\nu _{\alpha '}^{x}\nu ^{1+l},e',y-x) = {{\mathbf {\mathsf{{S}}}}}(\alpha '\nu ^{l+1},x,y-1). \end{aligned}$$

On trouve que \(\det ({{\mathbf {\mathsf{{M}}}}}_l) = {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha '\nu ^{l+1},\mathrm{T})\), ce qui implique la formule annoncée. \(\square \)

Dans les deux cas (\(e'=1\) et \(e'\ne 1\)), raisonnant comme dans le Paragraphe 12.3, on trouve :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{V}}}}}= \left( {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha ,\mathrm{T})) {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha ,\xi \mathrm{T})) \dots {{\mathbf {\mathsf{{B}}}}}_\ell ({{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha ,\xi ^{\ell ^u-1}\mathrm{T})) \right) ^{\ell ^{v-u}} \end{aligned}$$

à partir de (12.11), car \(\xi ^{\deg (\alpha ')d}\) est d’ordre \(\ell ^u\).

Supposons que \(e'=1\), et prouvons que \({{\mathbf {\mathsf{{U}}}}}={{\mathbf {\mathsf{{V}}}}}\). D’après le Lemme 12.6, on a :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{V}}}}}= \prod \limits _{l=1}^{e} \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha '\nu ^l,\mathrm{T}) {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha '\nu ^l,\xi \mathrm{T}) \dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha '\nu ^l,\xi ^{\ell ^u-1}\mathrm{T}) \right) ^{\ell ^{v-u}}. \end{aligned}$$

D’autre part, comme \(e=\varepsilon (\alpha ')\) et \(a=e\ell ^{v-u}\), la formule (12.10) entraîne :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{U}}}}}= & {} \prod \limits _{t=1}^{a} {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha '\nu ^t,\mathrm{T}){{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha '\nu ^t,\xi \mathrm{T})\dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha '\nu ^t,\xi ^{\ell ^u-1}\mathrm{T}) \\= & {} \prod \limits _{t=1}^{e} \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha '\nu ^t,\mathrm{T}) {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha '\nu ^t,\xi \mathrm{T})\dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\alpha '\nu ^t,\xi ^{\ell ^u-1}\mathrm{T}) \right) ^{\ell ^{v-u}} \end{aligned}$$

ce qui prouve l’égalité cherchée.

Supposons que \(e'\ne 1\). Remarquons que \(e_0\) est la partie première à \(\ell \) de \((w,s_0)=a\), qui vaut 1 ou \(\varepsilon (\rho ')=\varepsilon (\tau ')\). D’après le Lemme 12.6, on a :

$$\begin{aligned} {{\mathbf {\mathsf{{V}}}}}= & {} \prod \limits _{l=1}^{e_0} \left( {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha '\nu ^l,\mathrm{T}) {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha '\nu ^l,\xi \mathrm{T}) \dots {{\mathbf {\mathsf{{D}}}}}(\alpha '\nu ^l,\xi ^{\ell ^u-1}\mathrm{T}) \right) ^{\ell ^{v-u}} \\= & {} \prod \limits _{l=1}^{e_0} \left( {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\tau '\nu ^l,\mathrm{T}) {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\tau '\nu ^l,\xi \mathrm{T}) \dots {{\mathbf {\mathsf{{Z}}}}}(\tau '\nu ^l,\xi ^{\ell ^u-1}\mathrm{T}) \right) ^{\ell ^{v-u}} \end{aligned}$$

ce qui, compte tenu de la formule (12.10) et du fait que \(a=e_0\ell ^{v-u}\), est égal à \({{\mathbf {\mathsf{{U}}}}}\).